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Macron se rend en Nouvelle-Calédonie, où le retour au calme est fragile

Crédit : Yoan VALAT / POOL / AFP

La visite surprise du chef de l’État a été annoncée mardi en Conseil des ministres, au moment où le camp loyaliste se fissure et où se multiplient les demandes de report de la réforme du corps électoral.

Le président part « dans un esprit de responsabilité », a indiqué la porte-parole du gouvernement, Prisca Thevenot, sans vouloir détailler la « mission » évoquée ni dire combien de temps le chef de l’Etat resterait sur l’archipel.

Sur le Caillou, huit jours après le début des violences qui ont fait six morts, le fragile retour au calme « se poursuit sur l’ensemble du territoire », a décrit mardi matin le représentant de l’État sur place, Louis Le Franc.

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Le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a toutefois annoncé l’envoi d’effectifs supplémentaires « dans les heures à venir » pour juguler les violences qui secouent l’archipel, en réaction à une réforme constitutionnelle décriée par les indépendantistes.

Car Nouméa continue d’être le théâtre d’affrontements localisés et les barrages se sont même étoffés ou ont été reconstitués par endroits dans la nuit, a constaté un journaliste de l’AFP, auquel plusieurs témoins ont fait état d’importantes détonations et d’affrontements dans le quartier de Tuband.

« Drapeaux blancs »

« La situation s’améliore, les forces de l’ordre font leur travail », a toutefois assuré sur BFMTV Vaimu’a Muliava, membre du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, précisant que le territoire était « drapé de drapeaux blancs » brandis par des habitants désireux de retrouver la paix civile.

Ces dernières 24 heures, les gendarmes disent avoir repris possession d’une « trentaine » de barrages, a indiqué à l’AFP une source de la gendarmerie.    

Six personnes ont été tuées depuis le début des violences. Parmi les morts figurent deux gendarmes mobiles dont les dépouilles ont été ramenées lundi par avion militaire dans l’Hexagone.

Les députés ont observé mardi une minute de silence en hommage aux morts. « Tous les groupes politiques se joignent à moi pour appeler à l’apaisement », a déclaré la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet.

À l’issue du troisième Conseil de défense organisé en moins d’une semaine lundi soir, M. Macron a salué de « nets progrès » en matière de sécurité. 

Lundi, la présidence avait également annoncé la mobilisation « pour un temps » de militaires afin de « protéger les bâtiments publics » de l’archipel du Pacifique Sud et de soulager les forces de sécurité intérieure. 

Depuis le début des émeutes le 13 mai, 84 policiers et gendarmes ont été blessés, a indiqué mardi Gérald Darmanin lors de la séance des questions au gouvernement des députés.

Les forces de l’ordre ont procédé à 276 interpellations, dont 248 ont conduit à des gardes à vue, a précisé un peu plus tard le ministre de l’Intérieur lors d’une audition à l’Assemblée nationale.

Signe de la difficulté à reprendre en main la situation sécuritaire, l’aéroport international de l’archipel a annoncé qu’il resterait fermé aux vols commerciaux jusqu’à samedi matin. 

L’Australie et la Nouvelle-Zélande ont annoncé matin l’envoi de plusieurs vols pour rapatrier leurs ressortissants bloqués. Le premier avion évacuant des touristes australiens piégés dans les émeutes a atterri mardi à Brisbane, sur la côte australienne est.

« On ne lâche pas »

Mardi matin, sur la route express entre Nouméa et l’aéroport de La Tontounta, l’entrepôt d’une entreprise de fourniture de bureaux était en feu, dégageant une épaisse fumée noire.

Deux carcasses de voitures empilées formaient un barrage à 200 mètres de là, de jeunes hommes cagoulés filtrant le passage des voitures.

Environ 400 entreprises et commerces ont subi des dégradations dans Nouméa et les villes limitrophes depuis le début des émeutes, a annoncé mardi le procureur de la République de Nouméa.

Sur les barrages, la mobilisation ne semble pas toujours faiblir malgré le déploiement massif de forces de sécurité intérieure, qui dépassent désormais les 2.700 personnes.

« On ne lâche pas ! On ne lâche pas jusqu’à ce qu’ils retirent le texte (…). Même s’il faut mourir, on restera là sur les barrages », assure à l’AFP Simon, un chauffeur-livreur de 34 ans qui garde un barrage dans le quartier de Montravel, un fief indépendantiste.

Certains véhicules peuvent passer, leurs occupants saluent les militants. « Ça fait une semaine qu’on est là, les passants sont habitués », reprend Simon qui assure que certains leur « donnent du pain, de l’eau ». 

La plupart des barrages sont « filtrants » et laissent passer certains véhicules, comme les pompiers ou ambulances, soutient la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), collectif indépendantiste accusé par l’État d’attiser les violences mais qui affirme s’inscrire « dans une démarche pacifique ».

À Dumbéa, importante ville de l’agglomération, c’est le centre culturel qui a été saccagé. « Les jeunes voulaient tout brûler, on a réussi à les en empêcher », a assuré à l’AFP un militant du centre, sous couvert de l’anonymat.

Arrêter de « s’entretuer »

Les mesures exceptionnelles de l’état d’urgence sont maintenues, à savoir le couvre-feu nocturne, l’interdiction des rassemblements, du transport d’armes et de la vente d’alcool et l’interdiction de l’application TikTok. Cette dernière a été contestée par des défenseurs des libertés devant le Conseil d’État mardi à Paris.

Sur le front politique, les principales figures non-indépendantistes de l’archipel, réunies en conférence de presse à Nouméa, ont appelé à poursuivre l’examen de la réforme constitutionnelle contestée, qui doit être adoptée avant fin juin.

Son retrait serait « une erreur gravissime » qui donnerait « raison aux casseurs, aux pilleurs et aux émeutiers », a asséné le député Renaissance de Nouvelle-Calédonie Nicolas Metzdorf.

M. Muliava, issu de la communauté wallisienne, troisième en termes d’importance après les Kanak et les Européens, a en revanche appelé à « stopper la course folle de cette loi ». « On ne va pas continuer à s’entretuer ».

Les appels se sont multipliés, de la gauche à l’extrême droite en passant par la majorité et jusqu’à la maire loyaliste de Nouméa, pour réclamer un report de cette réforme qui aurait pour conséquence de marginaliser les voix de la communauté autochtone kanak, selon les indépendantistes.

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