Ce retraité de l’OPT se faisait passer pour un négociant en perles noires de Tahiti alors qu’il ne disposait d’aucun agrément officiel comme la loi l’impose. Entre décembre 2018 et février 2019, il était parvenu, grâce à des connaissances, à entrer en contact avec plusieurs producteurs des îles. Il leur avait « acheté » des milliers de gemmes, pour un montant total, sur le papier, d’environ 23 millions de francs. S’il s’était acquitté d’une petite partie du paiement pour certains, les autres n’ont jamais vu la couleur de leur argent.
Pour les rassurer, le septuagénaire disait qu’il avait vendu un terrain à la Presqu’île et qu’il s’apprêtait à encaisser 100 millions de francs. Un individu, non identifié, se faisait également passer pour son conseiller bancaire et assurait par téléphone aux victimes que le pseudo négociant était solvable et qu’elles seraient payées. Ce qui ne fut jamais le cas.
L’escroc avait, dans la foulée, revendu à bas prix une partie des perles à d’autres négociants . Et les deux lots les plus importants, dont l’un censé avoir été acheté 14,5 millions, à une bijoutière de Papeete, qui l’a acquis pour une somme bien moindre et sans s’assurer que le vendeur disposait de l’agrément de négociant. Une commerçante également renvoyée devant le tribunal pour recel.
« Monsieur a proposé des prix largement au-dessus du marché. »
A la barre, le principal mis en cause, qui n’était pas assisté d’un avocat, a reconnu les faits. Sa coprévenue, elle, les a contestés. « Les victimes se sont fait avoir car monsieur a proposé des prix largement au-dessus du marché. Ma cliente n’a donc pas acheté ces perles à un prix dérisoire et elle a déclaré la transaction aux services économiques. Elle estime avoir fait une transaction normale« , a plaidé son avocat, Me Edouard Varrod, avant de réclamer sa relaxe.
L’avocate des principaux plaignants, Me Isabelle Nougaro, a de son côté dénoncé les « conséquences dramatiques » de l’escroquerie sur la santé financière des fermes perlicoles de ses clients. « Ce dossier est une atteinte sérieuse à l’ordre public économique », a renchéri la procureure. La magistrate a fustigé la bijoutière qui « plaide la bonne foi alors qu’on nage en pleine mauvaise foi » : « L’esprit le plus important qui signe la mauvaise foi, c’est le prix (…) C’est elle qui tire les marrons du feu« .
Le tribunal n’a pas été de cet avis. Il a relaxé sur une partie du dossier la bijoutière mais l’a condamnée à 6 mois de prison avec sursis pour l’acquisition du lot de 14,5 millions de francs qu’elle devra rembourser solidairement.
Le retraité, en état de récidive, a quant à lui écopé de 36 mois de prison dont 6 ferme. Les 6 mois de prison avec sursis de sa précédente condamnation ont également été révoqués. Il devra, en outre, rembourser les victimes et leur verser des dommages et intérêt pour les préjudicies causés. Les deux prévenus devront enfin verser 100 000 francs à la Polynésie française qui s’était constituée partie civile.