TNTV : Dans l’entre-deux tours, vous avez été particulièrement attaqué sur les visions différentes de l’indépendance au sein du Tavini. D’un côté, les plus anciens qui la veulent rapidement. Et de l’autre, des jeunes qui veulent plus de temps. Que doivent comprendre les électeurs ? Et vous, où vous situez-vous ?
Oscar Temaru : Avant de répondre à cette question, je voudrais revenir sur ce qui s’est passé à Uturoa, aux Raromatai. Ce professeur qui a été tabassé par un élève. J’ai été moi-même président de l’association des parents d’élèves de Saint-Hilaire (à Faa’a, Ndlr) pendant 25 ans. Et on n’a pas cessé de répéter aux parents que nous avons besoin de travailler ensemble, les parents, l’enfant et le professeur. Le professeur, c’est le savoir. Nous devons apprendre à nos enfants à respecter le professeur. On doit travailler ensemble si nous voulons que nos enfants réussissent. (…)
Pour répondre à votre question, je pense qu’on essaie de manipuler l’opinion publique en mélangeant les territoriales et un référendum sur l’indépendance. Un référendum sur l’indépendance n’a rien à voir avec ces élections. Si on doit faire un référendum, cela veut dire qu’il faudra revoir la liste électorale. Aujourd’hui, quelqu’un qui arrive de métropole, trois mois après, il peut voter. Tout européen qui arrive chez nous, six mois après, il peut voter. Donc, il faudra défalquer tout ce monde-là. Ce ne sera plus la même liste électorale. Cela n’a donc rien à voir avec l’élection territoriale où on doit élire des gens qui doivent voter des lois (…). Je pense que la population souhaite vraiment un changement dans notre Pays. Ensuite, j’entends parler des problèmes sociaux. On doit être solidaire vis-à-vis des plus démunis. Et cela va être une des premières mesures que nous mettrons en place : ouvrir d »autres épiceries sociales dans notre Pays. Il y en a déjà une à Faa’a. Il en faudra d’autres. Ensemble, avec les tavana de toutes les communes. Au moins aux îles du vent et aux îles sous le vent et aux Marquises. Peut-être dans les cinq archipels. (…)
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TNTV : Si le Tavini ne gagne pas ces élections, la jeune garde ne risque t-elle pas d’être tenue pour responsable, vous qui misez aujourd’hui sur la jeunesse ?
Oscar Temaru : Non, non, non. Dimanche, la parole sera rendue à la population et nous devrons tous respecter. Comme on dit : Vox populi, vox dei. La voix du peuple est la voie de Dieu. Ni les jeunes ni les anciens ne seront responsables. C’est une décision qui aura été prise par la population. Et j’espère qu’elle prendra la bonne et seule décision qu’elle doit prendre. C’est-à-dire le Tavini pour gérer les affaires de ce Pays comme il faut.
TNTV : Dans cet entre-deux tours, avez-vous le sentiment d’avoir convaincu des abstentionnistes, ou des électeurs d’autres bords que le votre ?
Oscar Temaru : Il y a des abstentionnistes notoires, il y a les Témoins de Jéhovah. Nous sommes allés à leur rencontre pour dire qu’ils ont des responsabilités à assumer. Bon, il y a aussi les paresseux. Leur dire que ce n’est pas la peine de râler après chaque élection et ne rien faire. Notre bulletin de vote a une valeur. (…) Si on veut du changement dans notre Pays, au moins pour cinq ans…Et si au bout de cinq ans, les choses ne fonctionnent pas bien, il faut changer. Il faut le faire. Mais tous ensemble, on doit pouvoir réussir.
TNTV : Vous êtes favorables au retrait de la prime majoritaire (de 19 élus pour la liste arrivée en tête, NDLR), intervenue en 2011 pour venir à bout de l’instabilité politique qui a duré près de dix ans. Comptez-vous la retirer, cette prime, si vous êtes élus ?
Oscar Temaru : Vous savez, il y a deux façons de voir cette affaire. En 1986, nous avons eu deux élus à l’assemblée territoriale. En 1991, quatre. Et en 1996, huit. Et on n’a fait que multiplier le nombre d’élus du Tavini à l’Assemblée. Et c’est à ce moment-là que l’Etat s’est dit ‘il va falloir changer les règles du jeu ». Et ils ont essayé. Ca n’a pas fonctionné, on a continué de progresser. Et donc, ils se sont dit ‘avec une prime majoritaire, c’est dans la poche’. C’était réfléchi au niveau de l’Etat. Jacques Chirac lui-même avec Gaston Flosse. Ce qui s’est passé en 2004, avec le regroupement de tous les petits partis politiques, on a réussi à gagner ces élections. Ca a été la grosse surprise. Mais ça n’a pas plu non plus à l’Etat. Et de 2004 à 2013, on a été renversés cinq fois. C’est unique dans l’histoire de notre Pays.
TNTV : Et s’il y a retrait (de la prime majoritaire, Ndlr), ne craignez-vous pas un retour de l’instabilité ?
Oscar Temaru : Oh, on ne peut plus la retirer. C’est là, il faut faire avec.
TNTV : Le gouvernement sortant a dû faire face à une crise sanitaire majeure. Vous auriez été au pouvoir, auriez-vous défendu la vaccination ? Y compris la vaccination obligatoire ?
On aurait géré cette affaire autrement. Le 15 mars 2020 ont eu lieu les élections municipales. Le 16 mars, j’ai réussi le conseil municipal de Faa’a. Et j’ai invité le consul de Chine venir nous informer. Il venait Wuhan. (…) C’était pour nous expliquer le masque, les concentrateurs d’oxygène, ce qu’il fallait faire pour lutter contre la Covid. Et on a adressé un courrier au gouvernement et à l’Etat, et on nous a répondu ‘attendez, les masques et les concentrateurs d’oxygène vont arriver de France. (…) Qu’a t-on vu ensuite ? Y avait rien en France. On est allé en Chine chercher (…) Je pense que dans des cas graves de crises, on doit accepter que l’on puisse travailler avec le monde entier. La coopération internationale s’impose, non seulement en cas de crise majeure, mais aussi pour le développement économique de notre pays. Car pendant le laps de temps où rien n’arrivait chez nous, il y avait des morts. Je pense qu’on aurait géré cette affaire autrement. Je pense qu’il y a eu d’autres morts qu’on aurait pu éviter.
TNTV : Une dernière question. Le système de l’autonomie, instauré depuis des décennies, n’est-ce pas finalement un modèle institutionnel qui vous convient ?
Oscar Temaru : Non, non, non. Le droit des peuples à l’autodétermination est sacré. La dernière résolution adoptée à l’ONU rappelle que le droit à l’autodétermination du peuple maohi doit être respecté. Et c’est le peuple maohi qui a le droit de propriété sur toutes les ressources de ce Pays. (…) Aujourd’hui, ce droit appartient à l’Etat. C’est l’Etat qui est propriétaire de tout ce qui existe dans notre Pays. (…) Donc, si on veut être, comme on dit… C’est être ou ne pas être.