Tahiti Nui Télévision : Vous étiez le vice-président du Conseil d’administration de l’UPF, chargé, entre autres, des relations internationales. Vous êtes titulaire d’un doctorat d’État en droit. Vous étiez également maître de conférence à l’Université de Corse. Vous êtes professeur à l’Université de Polynésie depuis 2005. Qu’est-ce qui vous a motivé à reprendre la présidence de l’Université de Polynésie française ?
Jean-Paul Pastorel, nouveau président de l’Université de la Polynésie française : « Comme vous l’avez dit, j’ai fait deux mandats de vice-président aux côtés du président Patrick Capolsini, à qui je tiens d’ailleurs à rendre hommage, ainsi qu’à toute l’équipe de gouvernance dans laquelle j’ai œuvré. On a lancé de gros projets qu’il va falloir réaliser. Mes collègues m’ont sollicité et m’ont prié de bien vouloir porter ces projets pour les années à venir, parce qu’on a de gros chantiers à implémenter. J’ai accepté, à condition que ce soit une démarche collaborative, une démarche collective. C’est ce qui me rend ambitieux pour les années qui viennent. »
TNTV : On parle de grands projets ambitieux. Je pense notamment à ce projet baptisé Nārua. Est-ce qu’on peut en savoir plus, ce soir ?
Jean-Paul Pastorel : « Oui, c’est un projet, en réalité, de transformation de l’université, qui est soutenu par notre tutelle, par le ministère de l’Enseignement supérieur. C’est un projet qui doit être décliné sur huit ans pour avoir une université plus attractive, plus inclusive, aussi, avec des formations professionnalisantes, et une université ouverte sur la société et en même temps à l’international. »
TNTV : Votre défi au quotidien, finalement, c’est de toujours répondre aux besoins du pays.
Jean-Paul Pastorel : « Tout à fait. C’est l’université de la Polynésie française, au service de la jeunesse polynésienne, mais avec une vocation à s’ouvrir à l’international, parce qu’on ne peut pas rester cloisonné. On a des voisins dans le pourtour du Pacifique Sud.
Le projet Nārua dont vous parliez à l’instant implique des partenariats étroits avec des universités australiennes, néo-zélandaises, hawaïennes. C’est aussi une façon de faire rayonner la France dans le Pacifique, d’aucun dirait dans l’Indo-Pacifique, selon la formule que notre président de la République aime à développer. »
– PUBLICITE –
TNTV : En parlant du Pacifique, vous êtes en collaboration avec l’Université de Nouvelle-Calédonie pour un projet de création d’un Sciences Po Pacifique. On en est où, aujourd’hui ?
Jean-Paul Pastorel : « C’est un projet qui suit son cours. Nous avons des accréditations à obtenir. Nous y travaillons. J’ai demain matin, très tôt, une visioconférence avec le cabinet du ministre de l’Enseignement supérieur à Paris. Et donc, on travaille aussi de concert avec l’Université de la Nouvelle-Calédonie pour mettre au point cette formule qui pourra permettre de former des cadres supérieurs, à la fois en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie. C’est un beau projet. Il faut travailler sur ce dossier pour pouvoir le faire aboutir. »
TNTV : Un projet qui pourrait voir le jour en 2026 ?
Jean-Paul Pastorel : « 2026-2027, si tout se passe bien. C’est un peu chaud pour 2026, mais on va essayer de tenir le cap. »
TNTV : L’Université de la Polynésie est aussi de la recherche. Un nouveau pôle a vu le jour en 2023. Quelles sont vos ambitions à ce sujet ?
Jean-Paul Pastorel : « Une université, c’est d’abord de la recherche, parce que même les formations sont appuyées sur la recherche. Il n’y a pas de formation ambitieuse si elles ne sont pas appuyées sur la recherche. Vous avez parlé du pôle recherche, qui est un très beau bâtiment qui permet de regrouper toutes les forces vives de la recherche. Mais il faut savoir aussi que la recherche, ce n’est pas que l’université. Il y a des organismes nationaux de recherche. Je pense au Criobe avec le CNRS, la Maison des sciences de l’Homme, qui est à l’intérieur de l’université, avec la tutelle CNRS. C’est l’Ifremer, c’est l’IRD, et tous ces organismes de recherche sont réunis sur un site, qui est le site Resipol, qui permet de déployer des gros programmes de recherche ambitieux, des programmes nationaux, mais aussi des programmes européens. »
TNTV : Justement, les programmes européens, qui sont actuellement ébranlés par l’arrivée de Trump, le retour de Trump au pouvoir. Donald Trump qui a fait de nombreuses coupes budgétaires, empêchant le financement de programmes de recherche internationaux, remettant également en cause les collaborations scientifiques internationales. Est-ce que c’est un sujet d’inquiétude actuellement au sein de l’université ?
Jean-Paul Pastorel : « Alors, il faut faire le départ entre des effets d’annonce, des annonces parfois un petit peu brouillonnes, et puis ce qui va se faire sur le temps long. Donc, on va voir si les annonces se concrétisent, sous quelle forme, comment, à quel niveau, à quelle hauteur. Et puis, on verra aussi, d’ici quelques mois, d’ici un an, si ça impacte la recherche à l’international et si ça impacte la recherche européenne et française. Donc, pour le moment, je crois qu’il faut raison garder. Il n’y a pas d’affolement à avoir. La recherche se décline au niveau national, au niveau européen. On a déjà beaucoup à faire dans ce cadre-là, et nous verrons si nous sommes impactés durablement par ces annonces. »
TNTV : Alors, Jean-Paul Pastorel, autre défi également pour l’université, celui de son classement. Il est actuellement classé 68e sur 69 pour son taux de réussite en licence, juste avant l’Université de Nouvelle-Calédonie, un classement réalisé par le magazine L’Etudiant pour cette année 2025. Pourquoi l’UPF est toujours en stagnation en bas, en bas ? Qu’est-ce qui manque pour remonter dans ce classement ?
Jean-Paul Pastorel : « C’est un sujet de préoccupation. Il faut qu’on s’y attelle. C’est vrai qu’on reçoit, parce qu’on est une université de proximité, une petite université, et qu’on accueille tous les étudiants qui acceptent de s’inscrire dans notre université, parfois avec des baccalauréats, qui sont de bons baccalauréats. Je pense à des bacs professionnels, à des bacs technologiques, mais qui ne sont pas forcément adaptés à des études supérieures, plus théoriques. Donc, il faut mettre en œuvre des moyens pour accompagner ces étudiants. Éventuellement à les réorienter aussi, à leur donner un background, un bagage, pour leur permettre, parfois, de revenir sur des BTS ou sur le marché de l’emploi. Et même s’ils échouent, par exemple, en première année, ou dans des parcours comme Pareo, qu’on a mis en œuvre avec le concours du ministère de l’Enseignement supérieur, eh bien, s’ils arrivent à se réorienter, à avoir une belle formation, à se réorienter aussi sur le marché de l’emploi, pour moi, c’est une réussite. Même si, dans le classement, ça pèse un peu sur nos statistiques.
Et, par ailleurs, nous devons aussi travailler à avoir des formations attractives, des formations performantes. Donc, ça, c’est un chantier, c’est un challenge que nous devons relever dans les années à venir. »