Il y a de la joie dans le marché Talamahu de Nuku’alofa. De bons prix aussi, avec le kilo de tomates trois fois moins cher qu’à Papeete. Les salaires sont également beaucoup plus bas, mais les artisans se satisfont de ce train de vie modeste. « La vie aux Tonga est facile, si tu te lèves pour aller travailler, tu peux vivre. Chez moi, il y a ma fille et ma petite-fille, et on s’en sort bien. Nous avons une petite famille » admet Mateleta Manu, horticultrice.
Le rez-de-chaussée est occupé par des commerçants tongiens et chinois. Ils y vendent les fruits et légumes locaux ainsi que toutes sortes de babioles à bas prix. Les chaussures sont mélangées aux bananes, et une large place est consacrée à l’artisanat tongien, aux vêtements très codifiés. Les femmes, souvent habillées en noir, agrémentent leurs tenues de kiekie, une sorte de ceinture large à la taille, ou encore de couronnes de fleurs. « C’est mon gagne-pain, pour ma famille. C’est suffisant pour payer la nourriture et l’école des enfants. Cette couronne coûte 40 et celle-ci 100 pa’anga. Cela me rapporte entre 200 à 300 pa’anga (environ 12 000 Fcfp, Ndlr) par jour » confie Julia Fakatava, artisane.
La surprise est à l’étage supérieur. Les vendeurs sont tous bangladais, comme Hasrat Jahan Swarna. En 2015, la jeune femme a suivi son mari aux Tonga, dont elle n’avait jamais entendu parler : « À mon arrivée, j’ai été très surprise par la gentillesse des gens. Ils nous aident beaucoup. En fait, nous nous entraidons beaucoup. Il y a vraiment de bonnes relations entre nous et les Tongiens. J’ai visité l’Australie, les États-Unis et la Nouvelle-Zélande, mais Tonga est magnifique ».
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L’initiateur de cette migration, c’est Mohammed Abdul Muntagim. Il y a 20 ans, il est le premier Bangladais à débarquer, avec un visa de travail. Il travaille pour des Tongiens avant d’ouvrir sa propre affaire. L’inspiration est locale, mais tout ici est fabriqué au Bangladesh. Aujourd’hui, ce sont les usines de ce pays qui habillent les Tongiens. Mohammed négocie même avec ses clients dans leur langue : « Je contribue à l’économie locale. Je paye des impôts et les droits d’entrées de tout ce que je commande à l’étranger. Tout ce que je fais est légal et je suis content ».
Son parcours a fait des émules. Ils sont désormais une soixantaine de Bangladais aux Tonga et la moitié travaillent au marché. L’arrivée de cette population musulmane dans un pays chrétien n’a posé aucun problème d’intégration.