Coup d’envoi des négociations internationales sur l’exploitation des grands fonds marins

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Après plus de dix ans de négociations, le futur "code minier" destiné à encadrer l'extraction minière sous-marine en haute mer est discuté depuis ce lundi à Kingston en Jamaïque, dans l'espoir de parvenir à son adoption cette année sous pression des industriels.

Publié le 18/03/2025 à 15:12 - Mise à jour le 18/03/2025 à 15:14

Après plus de dix ans de négociations, le futur "code minier" destiné à encadrer l'extraction minière sous-marine en haute mer est discuté depuis ce lundi à Kingston en Jamaïque, dans l'espoir de parvenir à son adoption cette année sous pression des industriels.

Ce lundi à Kingston, en Jamaïque, 36 pays membres de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) se sont retrouvés pour deux semaines de débats avec l’objectif de trouver enfin un accord international sur le futur code minier. Un texte très attendu pour espérer encadrer l’exploitation des grands fonds marin. 

Créée en 1994 sous l’égide de l’ONU, l’AIFM négocie depuis 2014 ces futures régulations pour l’exploitation industrielle des ressources du plancher océanique sous sa juridiction (uniquement les eaux internationales).

Un travail titanesque qui s’est accéléré sous la pression de l’industrie, alors que l’entreprise canadienne The Metals Company prévoit de déposer la première demande de contrat d’exploitation en juin via sa filiale Nori (Nauru Ocean Resources Inc.).

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Principes

En accord avec le double mandat octroyé par la Convention de l’ONU sur le droit de la mer (UNCLOS), le code minier doit à la fois organiser l’exploitation des minerais convoités (cobalt, manganèse, nickel…), et protéger l’environnement, dans un contexte de lacunes scientifiques majeures sur des écosystèmes peu accessibles.

Des objectifs irréconciliables pour les défenseurs des océans, qui réclament un moratoire sur l’exploitation.

Faute de consensus, les négociations du code se poursuivent.

Le Conseil de l’AIFM, organe exécutif composé de 36 des 169 Etats membres, planchera ces deux prochaines semaines sur le sujet, sur la base d’un texte « consolidé » de 250 pages remplies de parenthèses, de phrases barrées et de commentaires sur les désaccords, auquel s’ajoutent des dizaines d’amendements déposés par Etats, entreprises et ONG. 

« Nous avons compté dans le texte plus de 2.000 éléments toujours en débat » , a indiqué à l’AFP Emma Wilson, du groupement d’ONG Deep Sea Conservation Coalition, très sceptique sur la capacité de parvenir comme prévu à une finalisation en 2025.

Processus

Comme pour les contrats d’exploration, toute entité souhaitant obtenir un contrat d’exploitation devra être sponsorisée par un Etat.

Nori, qui espère exploiter à partir de 2026 des nodules polymétalliques (des galets riches en métaux stratégiques) dans une zone du Pacifique, est ainsi sponsorisée par Nauru, un petit Etat insulaire d’Océanie.

Selon les grandes lignes du texte, l’examen du plan d’exploitation passerait d’abord entre les mains de la commission juridique et technique de l’AIFM, organe accusé par les ONG d’être non transparent et plutôt pro-industrie.

Passant en revue les forces et faiblesses du plan (capacités techniques et financières, faisabilité, précautions environnementales…), la commission ferait une recommandation au Conseil chargé de prendre la décision finale. 

Mais certains s’inquiètent des règles déjà prévues par l’UNCLOS qui rendent difficile le fait d’inverser une recommandation favorable de la commission, une majorité des deux tiers du Conseil étant nécessaire.

Le texte actuel prévoit une durée initiale de 30 ans pour les contrats d’exploitation, suivie de prolongations de cinq ans, renouvelables. 

Protection de l’environnement

L’entreprise candidate devra mener une évaluation des possibles impacts environnementaux de son activité. L’idée générale est de limiter ces impacts pour protéger au mieux l’environnement, mais les détails sont encore loin d’être définis.

Les négociateurs sont partagés sur le choix et la définition même des termes de base, tels que « effets nocifs » ou « grave impact » .

Les ONG et de plus en plus d’États soulignent que le principe même d’une évaluation des impacts potentiels est impossible, faute d’informations scientifiques.

Au-delà des écosystèmes, les États insulaires du Pacifique, attachés notamment au caractère sacré des océans, insistent pour des références à la protection du « patrimoine culturel sous-marin » .

Faire respecter les règles

Le texte sur la table prévoit un système d’inspections et d’évaluation du respect des engagements de l’entreprise exploitante, mais les modalités sont en débat alors que certains s’interrogent sur la faisabilité de tels mécanismes. 

Les activités « vont avoir lieu à des milliers de kilomètres des côtes, à plusieurs kilomètres de fond, dans un milieu hostile » , note Emma Wilson.

Partage des bénéfices

En vertu de la Convention sur le droit de la mer, les ressources du plancher océanique sont considérées comme « patrimoine commun de l’humanité » .

Le code minier stipule ainsi que chaque entreprise doit verser une partie de ses revenus à l’AIFM. Mais quel pourcentage et à partir de quand ? Une question conflictuelle : le groupe de travail sur le dossier évoque des royalties entre 3 et 12%; les pays africains plus de 40%.

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