« L’état d’urgence a permis, pour la première fois depuis lundi, de retrouver une situation plus calme et apaisée dans le grand Nouméa, malgré les incendies d’une école et de deux entreprises », s’est félicité le représentant de l’État dans le territoire français du Pacifique Sud.
Depuis lundi, ces violences, les plus graves survenues en Nouvelle-Calédonie depuis la fin des années 1980, ont fait cinq morts, dont deux gendarmes, et des centaines de blessés, selon les autorités.
Le haut-commissaire de la République, Louis Le Franc, a concédé que trois quartiers défavorisés de la plus grande agglomération du territoire, en majorité peuplés de Kanak, restaient aux mains de « centaines d’émeutiers ».
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« Des renforts vont arriver (…) pour contrôler les zones qui nous ont échappé ces jours derniers », a assuré M. Le Franc à la presse.
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Pour l’essentiel de la population de Nouméa, la priorité allait vendredi au ravitaillement, alors que les pénuries menacent.
Devant les rares magasins de Nouméa qui n’aient pas été ravagés par les flammes ou pillés, les files d’attente ne cessaient de s’allonger.
– « Pont aérien » –
« Cela fait plus de trois heures qu’on est là », soupirait Kenzo, 17 ans, en quête de riz et de pâtes.
« On fait avec le strict minimum que l’on a », reconnaît le salarié d’une grande surface aux rideaux de fer tirés.
Selon le président de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Nouvelle-Calédonie David Guyenne, les violences ont « anéanti » 80% à 90% de la chaîne de distribution commerciale (magasins, entrepôts, grossistes) de la ville.
Le haut-commissaire a promis la mobilisation de l’État pour « organiser l’acheminement des produits de première nécessité », ainsi qu’un « pont aérien » entre l’Hexagone et son archipel, séparés de plus de 16.000 km.
De son côté, un responsable de l’hôpital de Nouméa, Thierry de Greslan, s’est alarmé de la dégradation de la situation sanitaire sur le Caillou. « Trois ou quatre personnes seraient décédées hier (jeudi) par manque d’accessibilité aux soins », en raison notamment de barrages érigés dans la ville, a-t-il avancé.
L’Établissement français du sang (EFS) a annoncé un acheminement de produits sanguins pour répondre à une situation « critique ».
Dans la nuit de jeudi à vendredi, une nouvelle vague de renforts de policiers et de gendarmes est arrivée de l’Hexagone. Le gouvernement a annoncé l’envoi d’un millier d’entre eux pour épauler les 1 700 déjà sur place.
L’armée de l’air continuait vendredi d’acheminer des forces de l’ordre, et l’armée de terre a légèrement augmenté sa présence de manière temporaire à la faveur d’une relève, a-t-on appris de source militaire.
Des forces sont déployées pour sécuriser les ports et l’aéroport du territoire, désormais placé sous le régime de l’état d’urgence décrété par le gouvernement mercredi soir, qui permet d’interdire déplacements et réunions ou de procéder à des assignations à résidence.
– Jeunes « instrumentalisés » –
Le couvre-feu décrété dès mardi entre 18H00 à 06H00 locales reste en vigueur.
Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti a publié une circulaire demandant au parquet « la plus grande fermeté à l’encontre des auteurs des exactions ».
Le ministre a aussi indiqué qu’il envisageait de transférer en métropole les « criminels » arrêtés « pour qu’il n’y ait pas de contaminations (…) des esprits les plus fragiles » et pour « assurer la sécurité au sein des établissements pénitentiaires ».
Le parquet de Nouméa a ouvert une enquête notamment pour association de malfaiteurs visant « des commanditaires » des émeutes, dont « certains membres de la CCAT », la Cellule de coordination des actions de terrain, ce collectif indépendantiste dans le collimateur du gouvernement.
Le procureur Yves Dupas a mis en cause « ceux qui ont tiré les ficelles, ceux qui ont instrumentalisé certains jeunes dans une spirale de radicalisation violente ».
Plus tôt dans la journée, un des membres de la CCAT, Rock Haocas, avait assuré que son organisation « n’a pas appelé à la violence et (…) à la destruction », attribuant les émeutes à une « population majoritairement kanak marginalisée » à Nouméa.
Au total, depuis dimanche, 163 personnes ont été placées en garde à vue, dont 26 ont été déférées devant la justice, selon le parquet.
À Paris, après une nouvelle réunion de crise dans la matinée, le Premier ministre Gabriel Attal devait recevoir vendredi en début de soirée à Matignon, avec son ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, les comités de liaison parlementaires sur la Nouvelle-Calédonie.
Après l’annulation d’une visioconférence avec tous les élus calédoniens jeudi, Emmanuel Macron a commencé à échanger avec certains d’entre eux vendredi, mais l’Élysée s’est refusé à en dire plus.
– Référé contre le blocage de TikTok –
Gérald Darmanin a dénoncé l’ingérence dans la crise de l’Azerbaïdjan, où plusieurs leaders indépendantistes calédoniens se sont déplacés ces derniers mois. Des accusations « infondées », selon Bakou.
Selon un site gouvernemental, les autorités françaises ont détecté sur X et Facebook une « propagation massive et coordonnée » par des « acteurs azerbaïdjanais » de contenus accusant la police de tirer sur des manifestants indépendantistes.
En Nouvelle-Calédonie, le réseau social TikTok, utilisé par les émeutiers, est banni jusqu’à nouvel ordre.
La Ligue des droits de l’homme (LDH) et l’association La Quadrature du Net ont annoncé avoir demandé au Conseil d’État la suspension de ce blocage.
Ces émeutes ont déjà causé pour 200 millions d’euros (envirion 24 milliards de Fcfp) de dégâts, selon des estimations locales. Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire réunira les assureurs « la semaine prochaine » afin de « garantir une indemnisation rapide et juste ».
La réforme constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres a été adoptée par les députés, après les sénateurs, dans la nuit de mardi à mercredi.
Ce texte devra encore être voté par les parlementaires réunis en Congrès, sauf si un accord sur un texte global entre indépendantistes et loyalistes intervient avant.
La réforme élargit le corps électoral aux scrutins provinciaux, cruciaux sur l’archipel. Les partisans de l’indépendance estiment que cette modification va réduire leur poids électoral et marginaliser « encore plus le peuple autochtone kanak ».