Ce revirement annoncé par le patron de Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp) Mark Zuckerberg est perçu comme une volonté de plaire au futur président Donald Trump, qui a assuré qu’il avait « probablement » influencé cette décision.
« Il s’agit d’un recul significatif pour la modération des contenus à un moment où la désinformation et les contenus nocifs se répandent plus rapidement que jamais », souligne Ross Burley, cofondateur du Centre for Information Resilience, un réseau d’enquêteurs indépendants basé au Royaume-Uni.
Selon lui, la décision de Meta « semble être plus une mesure d’apaisement politique qu’une bonne décision stratégique ». Et « sans une alternative crédible », elle « risque d’ouvrir les vannes à plus de désinformation ».
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La lutte contre la désinformation est depuis longtemps un important sujet de polarisation du débat politique aux États-Unis où les conservateurs l’accusent d’être un outil de restriction de la liberté d’expression et de censure des discours de droite.
Parmi ceux qui se sont maintes fois fait l’écho de ces plaintes : Trump et son allié milliardaire Elon Musk, le patron du réseau social X, que Meta va copier en adoptant le système des notes de la communauté issu de ses utilisateurs à la place de services de fact-checking professionnels.
« Si vos toilettes fuyaient, vous ne compteriez pas sur le premier quidam venu pour les réparer », relève Michael Wagner, de l’école de journalisme de l’université du Wisconsin à Madison. Avec les notes de la communauté, « c’est pourtant ce que Meta va faire pour lutter contre la désinformation ».
Selon ce professeur, « demander aux gens, bénévolement, de contrôler les fausses nouvelles sur ses plateformes est une négation par Meta de sa responsabilité sociale. »
Le géant de la tech a ainsi complètement ignoré les travaux montrant « que les utilisateurs qui alimentent les notes de la communauté sont particulièrement partisans et tendent à en rajouter contre leurs adversaires politiques », ajoute Alexios Mantzarlis, du centre universitaire de recherche Cornell Tech à New York.
« De la politique, pas une politique »
Contrairement à ce que pensent certains de ses détracteurs, le fact-checking n’est pas un outil de contrôle ou de limitation de la liberté d’expression, plaide Aaron Sharockman, qui dirige le site PolitiFact.
Le rôle des fact-checkers aux États-Unis, selon lui, a toujours été de fournir « du contexte et du contenu supplémentaires à des messages dont des journalistes pensaient qu’ils contenaient des fausses nouvelles » mais c’est Meta qui décidait des sanctions contre les utilisateurs.
« Si Meta pense avoir créé un outil de censure, il devrait se regarder dans une glace », ajoute-t-il.
PolitiFact a collaboré avec Facebook pour lancer ses services de lutte contre la désinformation aux Etats-Unis en 2016.
L’AFP aussi participe à un programme de fact-checking, dans plus de 26 langues, développé par Facebook, qui rémunère plus de 80 médias à travers le monde pour utiliser leurs « fact-checks » sur sa plateforme, sur WhatsApp et sur Instagram.
Les contenus considérés comme « faux » sont alors relégués dans les flux d’information de façon à ce que moins de personnes les voient et que si l’une d’entre elles essaie de partager un tel message avec d’autres utilisateurs, ces derniers reçoivent un article expliquant pourquoi il est trompeur.
Le revirement de Meta va avoir des répercussions financières sur ses partenaires externes dans la lutte contre la désinformation.
Selon une étude de 2023 de l’International Fact-Checking Network (IFCN), un réseau international de 137 organismes de fact-checking dont fait partie l’AFP, le programme de Meta constitue des « sources de revenus importantes » pour les acteurs du secteur.
« Ce programme n’est pas parfait, et les fact-checkers ne sont pas exempts de tout reproche », assure M. Mantzarlis, « mais il faut dire clairement que la promesse de Zuckerberg de se débarrasser d’eux, c’est de la politique, et non pas une politique ».