Nouvelle-Calédonie : Macron affirme « suspendre » la réforme électorale contestée

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À l'origine des émeutes en Nouvelle-Calédonie, la réforme modifiant le corps électoral de l'archipel a été "suspendue" par Emmanuel Macron mercredi dans la foulée de la dissolution de l'Assemblée nationale, une décision largement anticipée par les indépendantistes.

Publié le 12/06/2024 à 11:45 - Mise à jour le 12/06/2024 à 11:49

À l'origine des émeutes en Nouvelle-Calédonie, la réforme modifiant le corps électoral de l'archipel a été "suspendue" par Emmanuel Macron mercredi dans la foulée de la dissolution de l'Assemblée nationale, une décision largement anticipée par les indépendantistes.

« Le projet de loi constitutionnelle qui a été voté dans les mêmes termes par les deux chambres, j’ai décidé de le suspendre parce qu’on ne peut pas laisser l’ambiguïté dans la période », a annoncé le chef de l’État lors d’une conférence de presse à Paris. Il a précisé vouloir « donner toute sa force au dialogue sur place et au retour à l’ordre ».

Adopté successivement par le Sénat en avril, puis l’Assemblée nationale le mois dernier, ce texte devait encore être adopté avant le 30 juin par les deux chambres réunies en Congrès à Versailles. De facto, le chef de l’État ne peut convoquer de Congrès depuis la dissolution de l’Assemblée nationale.

Poussé par le camp loyaliste, il visait à élargir le corps électoral, gelé depuis 2007, pour les élections provinciales programmées à la fin de l’année.

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Le camp indépendantiste s’y est catégoriquement opposé, au motif qu’il marginalisait les électeurs autochtones. Environ 25 000 électeurs, natifs de l’archipel ou y résidant depuis dix ans, pourraient intégrer la liste électorale.

Le vote de la réforme a nourri à partir du 13 mai de violentes émeutes dans le territoire français du Pacifique Sud, les plus graves depuis la crise politique qui l’a secoué dans les années 1980.

– « Rétablir la paix » –

Ces émeutes ont fait neuf morts, des centaines de blessés et d’importants dégâts, selon le dernier bilan officiel.

Le député macroniste Philippe Dunoyer s’est réjoui de l’annonce présidentielle. « C’est la bonne décision », a-t-il réagi auprès de l’AFP. « Il est très, très urgent (…) de retrouver un climat d’apaisement, que les barrages se lèvent, qu’on retrouve les fils d’un dialogue« , a ajouté l’élu, candidat à sa réélection. « La priorité absolue, ce n’est pas de faire campagne (…), c’est de rétablir la paix. »

Rapporteur du projet de loi à l’Assemblée, le député macroniste Nicolas Metzdorf continuait, avant la conférence de presse présidentielle, de croire à une adoption possible. « Le texte reste dans le circuit », a-t-il indiqué sur Nouvelle-Calédonie La 1ère. Il devait s’exprimer jeudi matin devant la presse.

Le camp indépendantiste n’a lui pas réagi immédiatement. Mais, ces derniers jours, il avait déjà tiré un trait sur la réforme.

« Le président a perdu la main, c’est nous qui l’avons maintenant et nous disons qu’il faut aller vers des élections provinciales avec un corps gelé », a jugé Daniel Goa, président du principal parti indépendantiste, l’Union calédonienne (UC).

« Nous pouvons convenir ensemble que les élections européennes auront eu raison de la loi constitutionnelle », écrivait plus tôt mercredi le Parti de libération kanak (Palika), L’heure doit être à la reconstruction de la paix et du lien social ».

Le mouvement indépendantiste modéré a également appelé à « lever les barrages et les blocages »

– « Pas de changement » –

Le scénario d’un retour du texte devant les parlementaires après les législatives des 30 juin et 7 juillet paraît en effet fort improbable.

« En théorie, il serait tout à fait envisageable de pouvoir poursuivre le processus de révision constitutionnelle ultérieurement, une fois que l’Assemblée nationale sera de nouveau constituée », a noté Léa Havard, maître de conférences en droit public à l’université de Nouvelle-Calédonie.

« On pourrait imaginer adopter cette révision constitutionnelle fin juillet ou en août, même si elle mentionne une entrée en vigueur début juillet », poursuit-elle. « D’un point de vue strictement juridique, ce n’est pas impossible. Mais d’un point de vue politique, ça n’a pas vraiment de sens. »

L’indépendantiste Daniel Goa ne semble en tout cas pas perturbé par l’éventualité que son prochain interlocuteur soit le Rassemblement national (RN), en cas de victoire du parti de Marine Le Pen aux prochaines législatives, voire à la présidentielle.

« Que ce soit Macron ou Le Pen, ça ne changera pas grand-chose (…) Le Pen ne nous fait pas peur, ce sont des nationalistes. Nous sommes aussi des nationalistes, mais dans notre pays. Ce n’est pas le cas de Macron », lance-t-il.

Le RN a récemment revu l’ensemble de sa doctrine calédonienne, après avoir été l’un des plus virulents contempteurs des accords de Matignon en 1988 et de celui de Nouméa dix ans plus tard.

Alors que Marine Le Pen considérait « définitif » le résultat du troisième référendum sur l’indépendance en 2021 – boycotté par les indépendantistes, qui ne reconnaissent pas la victoire du « non » -, elle a suggéré en mai une nouvelle consultation d’ici « quarante ans ».

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