Citoyenneté ma’ohi : trois projets et des obstacles juridiques et culturels

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TNTV proposait, jeudi soir, un débat au cours duquel Moetai Brotherson a exposé les nuances entre son projet et celui de Tematai Le Gayic. Le juriste Alain Moyrand a annoncé que Lana Tetuanui travaillait sur un troisième projet.

Publié le 20/10/2023 à 10:10 - Mise à jour le 20/10/2023 à 16:10

TNTV proposait, jeudi soir, un débat au cours duquel Moetai Brotherson a exposé les nuances entre son projet et celui de Tematai Le Gayic. Le juriste Alain Moyrand a annoncé que Lana Tetuanui travaillait sur un troisième projet.

Le président a annoncé à plusieurs reprises vouloir une citoyenneté ouverte et inclusive, laissant encore une large place au débat. Car aujourd’hui, le sujet paraît encore très flou dans l’esprit des personnes interrogées dans la rue, à Papeete : beaucoup mêlent citoyenneté, nationalité, identité, ou encore désir d’indépendance. « Si on avait posé la question de la citoyenneté ma’ohi aux Marquises, on aurait eu un non catégorique », a même estimé la doctorante en langues polynésiennes Marie Teikitohe, qui représentait la Terre des Hommes.

Elle ne se reconnaît pas dans le terme « ma’ohi », qui n’englobe pas tous les archipels. Nicole Sanquer, elle aussi, préfèrerait une « citoyenneté polynésienne ». Le juriste Philippe Neuffer, qui participera à la rédaction du texte, estime au contraire que le mot « ma’ohi » était déjà écrit dès 1881, au temps de Pomare V. A la nuance près que ce roi ne régnait pas sur l’ensemble de l’actuelle Polynésie française, loin de là. Pour Philippe Neuffer comme pour Moetai Brotherson, il serait cependant possible de conserver le projet « citoyenneté ma’ohi » tout en permettant aux « Polynésiens de cœur », non ma’ohi, de pouvoir y prétendre sous certains critères.

Si ces critères ne sont pas encore arrêtés, le projet de Tematai Le Gayic les envisage ainsi :

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. être né en terre māòhi

. ou avoir au moins un de ses parents citoyen māòhi

. ou avoir vécu la moitié de sa vie en Polynésie et passer devant une commission

. ou être marié à un(e) citoyen(ne) māòhi depuis au moins 15 ans et passer devant une commission

C’est surtout sur les droits liés à la citoyenneté que diffère le projet de Moetai Brotherson. Pour Tematai Le Gayic (absent du débat car en déplacement dans l’Hexagone), la citoyenneté ma’ohi serait un moyen de figer le corps électoral. Autrement dit, les non-citoyens ne pourraient plus voter, par exemple lors d’un référendum d’auto-détermination. Le Tapura comme A here ia Porinetia s’y opposent. Le président du Pays aussi, car il estime qu’on « n’est pas dans la situation des Kanaks qui sont minoritaires sur leurs terres ». Pour lui, il s’agira de convaincre et non d’empêcher les électeurs présumés autonomistes de voter.

Les autres droits offerts aux futurs citoyens suscitent moins d’opposition : tout le monde s’accorde sur un accès prioritaire au foncier et une meilleure protection de l’emploi local. En tout cas, dans le privé. Dans le public, il faudra toujours un concours. Avec cette nuance proposée par Philippe Neuffer : « On pourrait réserver les concours aux citoyens ma’ohi ».

Les invités du débat sur la citoyenneté – Photo : André Tahimanarii

Si le gouvernement parvient à faire tomber les obstacles culturels et linguistiques (y a-t-il un seul peuple ma’ohi, ou un peuple par aire culturelle ?), il restera encore les obstacles juridiques, notamment une modification de la Constitution pour permettre une exception polynésienne.

Certains chercheurs, fins connaisseurs de la société polynésienne, ne croient pas à l’efficacité de la citoyenneté. Selon le politologue Sémir Al Wardi, la citoyenneté calédonienne « ne fonctionne pas ». Sur l’emploi, « on est beaucoup plus dans la dérogation », rappelle-t-il. L’historien Jean-Marc Regnault est encore plus dubitatif. Pour lui, c’est par l’éducation et non en limitant l’accès à l’emploi que l’on pourra océaniser les cadres.

Le juriste Alain Moyrand est plus optimiste. Au côté de Gaston Flosse, il avait déjà préparé un projet de citoyenneté en 1998. A l’époque, il suffisait de 5 ou 10 ans de résidence. Pour ce spécialiste du droit public, en tout cas, la citoyenneté ne mène pas à l’indépendance, comme le craignent les autonomistes, ou comme l’espèrent certains indépendantistes.

En conclusion du débat, Marie Teikitohe a demandé au président du Pays la restitution des terres domaniales aux Marquises et plus d’autonomie pour la Terre des Hommes. « Il faut avoir le courage de la décentralisation et du développement des archipels » a-t-elle affirmé.

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