« On demande beaucoup au tourisme, plus qu’à tout autre secteur comme l’agriculture, la pétrochimie ou bien encore l’automobile. On lui demande d’agir positivement sur tout : l’énergie, le transport, l’environnement ou bien encore la culture. Heureusement, les acteurs avec leurs projets innovants sont au rendez-vous », a relevé Stéphane Renard, co-fondateur d’Archipelagoes et modérateur de la table ronde sur la culture et le tourisme vendredi au Tech4islands summit.
En Polynésie la culture est bien vivante. La langue, la danse, la musique, la littérature, l’art, l’artisanat se vivent au quotidien. Mais les touristes, quand ils choisissent leur destination, ne cherchent pas en priorité à découvrir ces pratiques… « En 2017, une étude de satisfaction révélait que l’expérience culturelle n’intéressait que 9% des visiteurs », a rappelé Stéphane Renard.
Pour Hinatea Colombani, fondatrice du centre culturel et artistique ‘Airoi ces chiffres ne sont pas représentatifs. D’abord parce que les attentes ont évolué « mais aussi parce qu’il y a selon moi un biais dans l’étude. La culture est transversale, organique, elle part du voyage en avion, s’étend jusque dans le lagon lorsque le pilote du bateau raconte son Fenua ». Elle cite pour l’exemple la ‘Ori Tahiti Nui compétition qui enregistrait en 2012 l’inscription de 20 participants étrangers et qui en compte aujourd’hui 150.
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Ne pas véhiculer « une culture fantasmée »
Pour Yann Rival, professeur, membre du Centre d’études du tourisme en Océanie-Pacifique (Cetop) à l’Université de la Polynésie française, la mise en tourisme est essentielle pour le développement touristique. Elle a deux intérêts : « marketing et patrimonial ». Ce mouvement permet à la Polynésie française de se démarquer de destinations concurrentes comme les Maldives ou les Seychelles mais aussi de sauvegarder cette culture. Kaha Brown, fondatrice de Tahiti Expert DMC une agence de voyage spécialisée dans le voyage d’affaires confirme jouer la carte de la culture pour faire la différence. Elle indique par ailleurs que cet aspect est de plus en plus valorisé. Le Covid a redonné sa place à l’humain dans différents secteurs. Il a repositionné les critères de sélections des réponses aux appels d’offres.
La voie n’est pas sans écueil. « D’accord pour mettre la culture en tourisme, mais si on n’est pas prêt, cela peut faire mal. » Être prêt, c’est être formé pour ne pas par exemple véhiculer « une culture fantasmée » a précisé Hinatea Colombani. Pour Yann Rival, la formation est un élément clé. Les risques selon lui seraient de tomber dans « des stéréotypes, le folklore au mauvais sens du terme ». Il faut donc savoir préserver l’authenticité tout en répondant à l’exigence commerciale, il faut « trouver le juste équilibre. » La question n’est pas évidente. « Et puis », a ajouté Yann Rival, « il faut renouveler l’offre pour faire revenir les touristes ». En Polynésie, le taux de repeters (les touristes qui reviennent dans une destination) est faible, inférieur à 20%.
Il existe un autre risque, celui de subir un jour le tourisme. L’affluence est un facteur apte à dénaturer le milieu mais aussi la culture. « Au centre ‘Arioi on sature au-delà de 30 personnes », a remarqué Hinatea Colombani. En ce sens, les Marquises constituent sans doute un modèle. Dans le cadre de leur démarche d’inscription au patrimoine mondiale de l’Unesco, les habitants ont mené diverses réflexions. « Ils ont clairement exprimé le fait qu’ils souhaitaient plus de touristes dans leurs îles, mais ils ont en plus déterminé un seuil à ne pas dépasser », a rapporté Kaha Brown.
Le tourisme engendre de la richesse. Il continuera à le faire si son développement reste maîtrisé et pensé, s’il reste porté par des acteurs engagés. Hinatea Colombani, pour qui la passion est au cœur de tout, a répété que cela demande « courage et efforts ». De nombreuses opportunités restent à créer et à saisir.