Rares sont ceux qui peuvent prétendre avoir toujours su quelle voie professionnelle ils allaient emprunter. François, lui, a très tôt compris que sa créativité lui servirait. Enfant, il dessine beaucoup et regarde les dessins animés avec un œil différent de ses camarades : « je regardais les dessins animés au ralenti. Je faisais l’image par image. Et du coup, je voyais comment fonctionnait déjà le dessin animé. Je comprenais que c’étaient des suites d’images. Et j’étais déjà dans l’analyse, à me demander comment ça marche, comment il faut dessiner. ».
À l’école aussi, ses professeurs remarquent qu’il est « absent, il pense à autre chose, il est distrait, il dessine tout le temps », notent-ils dans ses carnets de correspondance. « Vers le lycée, on commence à poser des questions sur les orientations. En fait, j’avais déjà une idée claire de ce que je voulais faire. (…) J’ai travaillé pour aller jusqu’au bac, parce qu’avoir le bac, c’était mon objectif pour ensuite faire ce que je voulais vraiment. » Et ce qu’il veut, c’est travailler dans l’animation.
« Je me suis rendu compte que faire des dessins à la main, ça commençait déjà à être moins porteur d’activité et que l’animation se dirigeait vers la 3D. Je voyais ça de toute façon dans mes jeux vidéo aussi, également où je voyais la 3D qui prenait de l’essor et je trouvais ça aussi joli. »
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Sans y être poussé, il se renseigne sur les parcours possibles et trouve sa future école : l’ESMA de Montpellier, l’École supérieure des métiers artistiques. « J’ai envoyé de moi-même le dossier et ils ont bien voulu me rencontrer. J’ai dû quitter Tahiti pour suivre mon destin. »
Il choisit un cursus en cinéma d’animation 3D et suit aussi quelques cours en architecture et communication visuelle. « Ce n’était pas obligatoire, mais je décide de faire une mise à niveau en arts appliqués pour essayer un peu de toucher à tout et confirmer si oui ou non, c’est le cinéma que je veux faire. Je touche un peu à l’architecture, au dessin, à la peinture », raconte-t-il.
À l’époque, la formation en animation 3D en est à ses débuts : « Il n’y avait peut-être eu que 3 promos avant ça, mais elles commençaient déjà à faire un peu parler d’elle sur les festivals d’animation et au bout de 3 ans supplémentaires, à chaque promo, l’école a acquis en notorité, en professionnalisme. »
Un premier film d’animation récompensé
En fin de cursus, François et 3 de ses camarades réalisent un film d’animation, Hugh, présenté au festival d’Annecy. Le film décroche le prix Unicef. « Il faut savoir qu’il y a une grosse concurrence des écoles, il y en a vraiment beaucoup (…) On a gagné en catégorie Unicef parce que notre film était porteur d’un message d’espoir pour les enfants. Notre film a été diffusé vraiment très largement. Il a parcouru le monde, on a même gagné des prix en Chine un peu partout dans le monde. »
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Le succès du film lui ouvre la porte d’un studio d’animation qui travaille à l’époque sur un projet confidentiel : Un monstre à Paris. « Ils ont regardé mon book. La 3D, ça leur a plu, mais je me souviens qu’ils se sont arrêtés surtout sur un dessin. Ils se sont regardés entre professionnels et sans rien dire, ils l’ont montré du doigt et ils ont hoché la tête. Mon dessin était un monstre qui avait été dessiné avec des harpons dans le dos et il avait l’air d’être chassé. En fait, c’est un peu leur film. Dans un monstre à Paris, il s’agit d’une puce qui va se métamorphoser et devenir un monstre qui va être traqué. Ce n’était pas possible de connaitre le projet avant parce que c’était top secret et ils ont été étonnés de voir beaucoup de similitudes ».
François est embauché et déménage à Paris. Cette première expérience professionnelle dans l’univers de l’animation 3D est celle dont il gardera le meilleur souvenir… « C’est un gros studio. Tu arrives dans des locaux où on est des centaines de personnes, tout le monde parle différentes langues. Par exemple, mon voisin de table, il était Suédois, on devait parler en anglais pour se comprendre. Il n’y avait que des gens originaux et finalement, (…) tu te dis, ok, je ne suis pas un ovni, il y a plein de gens un peu comme ça. »
Dans cet univers, les CDI sont une denrée rare, explique François. Il travaille en freelance, sur plusieurs projets. « Pas tous des success stories », admet-il. Mais un autre le marque particulièrement : « Avant de revenir en Polynésie, j’ai travaillé sur le film Minuscule en Belgique. C’est une adaptation d’une série télé. C’est un petit film d’animation où il n’y a aucune parole. Ce sont des insectes qui font des drôles de bruitages pour communiquer. » Il travaille comme « character modeler ». « Ce qui se passe, c’est qu’on me donne des dessins et on me dit ‘François est ce que tu peux transformer ce dessin en sculpture 3D et on veut que ça soit animable par le reste de l’équipe’. Il y a beaucoup d’exigences de la part des réalisateurs ».
Après plusieurs années loin du fenua, ses proches lui manquent. François décide donc de revenir à Tahiti. Mais ici, pas possible de travailler dans le cinéma d’animation. Il s’oriente donc vers l’architecture… « J’ai rencontré un architecte et puis il m’a formé sur le tas (…) J’avais quand même certaines notions qui m’ont servi. J’ai travaillé quelques années pour cet architecte et ensuite une opportunité qui s’est présentée ».
La CCISM le contacte. L’ouverture d’une école d’arts numériques se prépare : Poly 3D. Il enseignera 5 ans là-bas… jusqu’à la crise covid. Là, il décide de revenir à des projets plus personnels. Il travaille de nouveau sur film d’animation. Un projet confidentiel qui devrait sortir prochainement…
Depuis son retour au fenua, l’artiste en profite aussi pour réaliser plusieurs de ses rêves… dont l’illustration de livres pour enfants. Son coup de cœur : Toru, l’histoire d’une petite tortue qui part à la rencontre de Hina, déesse de la lune. « Il est formidable (rires) Je ne me lance pas des fleurs, mais ce sont les enfants qui en parlent. Le livre plaît beaucoup. Je crois l’année dernière, c’était la meilleure vente chez l’éditeur et j’ai reçu un prix aussi de Natireva« .
François reprendra très bientôt le chemin de l’enseignement. Il sera l’un des professeurs de la nouvelle école de la créativité numérique, Kanēa qui doit ouvrir ses portes au mois d’août. Un travail qu’il exercera à temps partiel. L’artiste reste ouvert à d’autres défis…