C’est une cérémonie qui se déroule dans le Pacifique depuis des dizaines d’années. En Polynésie, la marche sur le feu est perpétuée par la famille Graffe. Le Tahua Raymond Teriierooiterai Graffe, qui préside l’association Taura firi aha Tupuna la prépare bien en amont :
« C’est le tout début, la première opération qu’on doit faire : sortir les pierres bien avant la date fixée, pour permettre aux ancêtres de respirer à nouveau », explique Raymond Graffe. « La programmation de la date a été programmée avec les rites, là on ouvre, on sort les pierres, et on les sélectionne. Ensuite, toutes celles qui sont fermentées, on les remplace. La deuxième étape c’est la sélection au bord de la mer ou dans les embouchures de rivières, et on va sélectionner de nouvelles pierres puis les préparer pour le 17 ».
Ces pierres sont soigneusement triées : « J’ai officié dans l’archéologie, et dans les anciens fours traditionnels, les ahima’a, on a retrouvé certaines fosses avec des pierres lisses et bulleuses. On les a longuement étudiées. La pierre lisse conserve beaucoup plus la chaleur que la pierre poreuse, mais elle éclate. Ce type de pierre de 70 cm est un risque d’accident si elle éclate durant la marche car elle est très tranchante. Alors Au dessus, je n’utilise que les pierres bulleuses. Il faut aussi choisir des pierres larges pour plus de stabilité« .
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Le calendrier n’est pas non plus laissé au hasard. Depuis la fin mai, nous sommes entrés dans la saison du matari’i i raro, qui est la période de « disette » : « Les dieux sont rentrés se reposer en attendant la nouvelle période de matari’i i ni’a. On va faire appel aux dieux, pour venir spécialement pour la marche sur le feu. Aujourd’hui, on ne voit plus la période de disette, avec les importations. Mais avant, elle existait bel et bien. Nous procédons à tout un cérémoniel pour faire venir les dieux, la population choisit avec nous des tubercules sur les collines des montagnes. Elles cuisent durant trois jours après la marche sur le feu, puis elles sont distribuées à la population. C’est un bon repas avant le retour de la période d’abondance ».
La cérémonie du Umu ti : une tradition familiale
Depuis plus de vingt ans, Raymond Graffe transmet ses savoirs à l’un de ses fils, Ario’i. Mais les cousins, neveux, oncles, connaissent également les différentes étapes. « Il faut la maintenir, cette tradition. J’ai formé mon fils. Maintenant, il connaît tout le cérémoniel : c’est sa douzième ou treizième officialisation. C’est désormais lui qui officie. Nous, son père, les cousins, toute la famille : nous sommes là pour le seconder ».
« Depuis que je suis petit, je participe avec mon papa, et je continuerai », explique Ario’i Graffe. « C’est la culture, et c’est le seul événement culturel qui n’est pas devenu folklorique. Toute la famille vient nous aider. Sur ce site, je sens une puissance. Je suis fier de continuer cette cérémonie parce-que c’est la seule, de la sorte, qui existe encore dans le Pacifique. Personne d’autre dans le monde n’est à même de la réaliser ».
Une édition dédiée à trois membres de la famille Graffe décédés, parmi lesquels l’ancien maire de la commune
« Cette année, en raison de l’épidémie de Covid 19, le programme du Heiva I Tahiti est bousculé. Mais je ne pouvais pas ne pas faire cette marche. Cette édition sera dédiée à ma soeur, mon frère, et mon mootua qui sont décédés cette année. On fera les rites des anciens, ici, durant la marche du feu. Un hommage leur sera rendu. J’aurais été malade de ne pas faire cette cérémonie cette année. Et on va tuer ce virus avec le feu : le feu purifie l’être humain et fait peur. Je vais demander à ceux qui traverseront le brasier d’inhaler le feu sacré, de gonfler leurs poumons avec, pour se purifier. »
Les places pour assister à cet événement seront en vente des lundi à maison de la Culture.