Sa théorie a rapidement été contredite par d’autres scientifiques. A part la patate douce, tout prouve que les Polynésiens viennent plutôt d’Asie du Sud-Est.
Mais la question de l’arrivée de la patate douce en Polynésie continue d’intriguer les scientifiques. Y-a-t-il eu un contact entre les premiers habitants des îles de Polynésie et ceux d’Amérique du Sud ? Les Polynésiens ont-ils voyagé jusqu’en Amérique et ramené la patate douce dans leurs îles ?
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Ce jeudi, une étude publiée dans Current Biology vient relancer le débat. À l’origine, les chercheurs ont tenté de clarifier l’histoire de l’évolution de la patate douce, rapporte Nature. Mais les scientifiques ont réalisé que leurs données pourraient également établir quand les patates douces sont arrivées dans le Pacifique Sud.
Au XVIIIe siècle, lorsque James Cook est arrivé en Polynésie, la patate douce était déjà présente. L’explication retenue était que les habitants de Polynésie avaient voyagé jusqu’en Amérique et ramené la tubercule.
La dernière étude suggère qu’il est possible que les graines de patates douces aient traversé l’océan Pacifique sans l’aide des humains. Des recherches antérieures montrent que les graines germent même après une exposition à l’eau de mer. Les oiseaux traversent aussi régulièrement le Pacifique et auraient pu propager les graines.
« Nous n’avions pas prévu d’étudier cette question anthropologique, mais nous avons réalisé que nous avions les données pour le faire », explique Pablo Muñoz-Rodríguez, botaniste à l’Université d’Oxford, Royaume-Uni, et auteur de l’étude.
Parmi les 199 spécimens utilisés pour l’étude figurait une plante de patate douce récoltée en 1769 par les botanistes Joseph Banks et Daniel Solander, membres de l’expédition de Cook dans les îles de la Société. Muñoz-Rodríguez et ses collègues ont séquencé des gènes présents dans des feuilles séchées de cet échantillon de près de 250 ans.
Ils ont comparé ces séquences avec l’ADN des patates douces modernes des Amériques pour estimer combien de temps les tubercules tropicaux avaient été génétiquement isolés de leurs frères continentaux.
L’équipe a constaté que les deux lignées s’étaient séparées il y a au moins 100 000 ans, ce qui indique que la patate douce était probablement présente en Polynésie il y a des dizaines de milliers d’années.
Mais certains chercheurs s’interrogent sur la manipulation de l’échantillon d’herbier de 250 ans utilisé pour générer l’estimation de divergence sur 100 000 ans.
Selon Lisa Matisoo-Smith, anthropologue moléculaire à l’Université d’Otago à Dunedin en Nouvelle-Zélande, l’équipe n’a pas respecté les procédures standard de manipulation et d’analyse de l’ADN ancien. Son travail sur l’ADN du poulet soutient l’idée d’un contact entre les Polynésiens et les Américains avant l’arrivée des Européens dans le Pacifique Sud. Elle remet en question certains des résultats de Muñoz-Rodríguez et de ses collègues étant donné l’âge des échantillons, et aimerait voir les tests répliqués indépendamment.
Mais Robert Scotland, auteur et botaniste à l’Université d’Oxford au Royaume-Uni, soutient qu’il n’est pas courant d’utiliser des techniques d’ADN ancien sur des échantillons d’herbiers, car ils ont tendance à produire du matériel génétique en bon état.
D’autres trouvent les résultats intrigants, même s’ils admettent que le débat est loin d’être terminé. « Cet article montre que les patates douces étaient déjà présentes en Polynésie quand les îles ont été colonisées pour la première fois par des humains il y a des milliers d’années », explique Lars Fehren-Schmitz, paléogénétique à l’Université de Californie à Santa Cruz. « Mais il ne peut pas prouver qu’il n’y avait pas de contact entre les Polynésiens et les Sud-Américains avant l’arrivée des Européens ».