Marianne Narii est une ancienne institutrice qui gère aujourd’hui le musée de Rapa. Elle est aussi une To’ohitu : une membre du Conseil des Sages qui gère l’ensemble des terres de l’île : « Personne n’est propriétaire, personne. Lorsque quelqu’un vient demander une parcelle pour construire sa maison, on lui donne une superficie. Si au décès de celui-ci, il n’a pas de descendant, la parcelle revient aux To’ohitu, à la communauté ».
Les To’ohitu gèrent aussi les petits conflits qui peuvent survenir sur l’île, mais leur rôle principal est la gestion des terres. Ils ne dépendent d’aucun autre pouvoir : ni l’État, ni le Pays, ni la commune. Si le maire veut construire un bâtiment public, il doit demander l’autorisation au Conseil des Sages. « Les jeunes, il faut revenir sur notre terre. Les To’ohitu sont prêts à vous donner de la terre. On ne paie pas la terre. Il suffit de venir à la réunion demander un endroit pour construire ta maison » indique Tamaterai Pea-Faraire, To’ohitu de Rapa.
Pour les To’ohitu, cette gestion des terres a un gros avantage : ils peuvent la distribuer à ceux qui en ont besoin. Par exemple, pour permettre aux jeunes de revenir sur leur île.
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Depuis 2011, toutes les terres sont propriété commune et il n’y a donc pas de problème d’indivision. Si l’on n’est pas originaire de Rapa, on ne pourra jamais être propriétaire d’une maison sur cette île. C’est le cas de Naehu Mau, mariée et mère de plusieurs enfants à Rapa, mais originaire de Mai’ao : « Je ne peux pas avoir de terrain ici, parce que je ne suis pas d’ici. Par contre, mon mari et mes deux enfants, oui ».
L’équation se complique encore pour Paul Tinimoe et Vaimareva Temaihanga. Lui est Rapa, elle Paumotu. Il l’a séduite lors d’un tournoi de Futsal. Elle avait déjà deux enfants, ils en ont eu un ensemble et elle est enceinte : « Si jamais je décède elle sera toute seule, comment elle va faire ? Elle va rentrer chez elle à Takaroa puisqu’elle n’est pas propriétaire de la terre ici » s’inquiète-t-il. « S’il décède, je vais rentrer avec mes enfants chez moi. Même si on a une maison ici, je préfère rentrer chez moi aux Tuamotu. Ma maison ne sera plus à moi, elle sera à mes enfants » admet sa compagne.
La mission des To’ohitu n’est donc pas simple, parfois au détriment des familles et souvent aux frontières de la légalité. Ils souhaiteraient d’ailleurs obtenir une reconnaissance officielle par le Pays qui risque d’être difficile puisque la gestion foncière de Rapa paraît incompatible avec le droit à la propriété privée.