Ma’i (Omai pour les Européens) est le premier Polynésien à avoir survécu à un aller-retour vers l’Europe, à la fin du XVIII° siècle. A partir de cette réalité historique, Titaua Porcher a écrit une pièce pleine de vivacité portée par des acteurs dont le plaisir de jouer est évident.
Le beau Ma’i savoure son éternité au Paradis, mais Dieu, divinement interprété par l’avocat Philippe Neuffer, décide de lui confier une mission : porter un message à un Sage, à Tahiti. Ma’i devient un messie malgré lui. A Papeete, ses premières rencontres avec le Tahiti moderne sont un choc : un jeune fan de ori deck, une vahine qui a perdu sa langue natale, une séduisante raerae, un vendeur de perles… mais seule une jeune femme accepte de consacrer du temps à cet étrange voyageur temporel : Anamua, une romancière adepte de méditation, jouée avec justesse par Taïna Fabre.
Les échanges entre les deux personnages rythment la pièce et le regard naïf de Ma’i souligne les incohérences de notre époque : pourquoi porter des tatouages si l’on n’en connaît plus le sens ? Pourquoi vivre si vite, sans s’arrêter pour se rencontrer, sans communiquer autrement qu’avec son vini ? Ma’i surprend aussi en défendant les bienfaits de la colonisation… jusqu’à ce qu’Anamua lui parle des essais nucléaires. Sans un mot, cette histoire lui est contée, métaphoriquement, par trois danseurs : ils proposent un subtil mélange de ori Tahiti et de danse contemporaine, saisissant tableau de la Polynésie tâchée par les expérimentations atomiques.
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Les aventures de Ma’i à la cour du roi Georges sont plus détendues. Dans une scène particulièrement réussie, un peintre excentrique explique à deux aristocrates pourquoi il a représenté le Tahitien en Turc et en Maure, pendant que Ma’i séduit une jeune noble et l’entraîne loin des regards, sans doute pour lui enseigner les bienfaits de la « sauvagerie » si dédaignée par l’aristocratie anglaise.
Seul bémol, la mise en scène, souvent trop statique. Un point qui pourra être amélioré, puisque la pièce sera rejouée chaque trimestre de cette année, notamment au petit théâtre, à l’acoustique mieux adaptée que la salle Manu Iti.
Comme « Les champignons de Paris », de la Compagnie du Caméléon, « Oh my !… Omai ! » mériterait d’être jouée devant un public scolaire : le théâtre, lorsqu’il puise dans l’histoire et la culture d’un peuple, est un outil puissant de réflexion.