Quatre heures de soutenance et un auditoire venu en nombre, ce mercredi à l’UPF, pour assister à la présentation de la thèse de Karine Frogier-Léocadie, professeure en langue polynésienne depuis 20 ans. Le fruit de cinq ans de travail sur la transmission des langues et cultures polynésiennes aux nouvelles générations.
Principale observation pour celle qui porte dorénavant le grade de docteur – obtenu avec les félicitations du jury – , la nouvelle génération « continue à parler le tahitien, mais à sa façon (…) parce que la langue française, une langue dominante, a tendance à prendre le dessus à chaque fois, explique-t-elle. On est obligé de travailler en parallèle avec ces deux langues, le bilinguisme et parfois le plurilinguisme, puisque nous avons des étudiants marquisiens, mangaréviens et d’autres archipels éloignés. C’est cette particularité de la transmission qui m’a passionnée » .
Pour appuyer sa thèse, Karine Frogier-Léocadie a choisi 129 étudiants en première année de langue et culture polynésienne. Ceux-ci ont expérimenté la classe renversée – une méthode pédagogique où le prof devient élève et vice-versa -, et ont répondu à un questionnaire permettant d’éclairer leurs pratiques langagières. « Toutes les langues qui sont parlées sont dites vivantes. Par essence, elles évoluent et elles ont plusieurs déclinaisons, insiste Ihirau Piton, étudiant et président de l’association pour les langues, cultures et sciences polynésiennes. On va avoir un tahitien qui est ‘parlé’ , que tout le monde parle à la maison, qu’on entend dans les quartiers, qu’on entend entre amis. À l’université, on apprend un tahitien qui est beaucoup plus scolaire (…) qui ne correspond pas forcément à la réalité et à la vision des gens sur la langue. Ce qui fait du bien, en fait, c’est d’apprendre cette langue qui est beaucoup plus spontanée et d’avoir des informations sur comment on en est arrivé là » .
– PUBLICITE –
Lire aussi – Trois nouvelles applis pour apprendre le reo Tahiti dès l’enfance
La thèse vise, in fine, à imaginer de nouvelles solutions pour enseigner les langues polynésiennes dans la société actuelle. « Les étudiants, on est obligés de les prendre tels qu’ils sont quand ils arrivent à l’université, ajoute Karine Frogier-Léocadie. C’est à partir de ce qu’ils savent, de leur connaissance, que l’on peut bâtir, avec l’enseignant et les personnes-ressources, avec les autorités du Pays, une nouvelle conception au niveau de la langue tahitienne (…) ce que Mme Aurima-Devatine appelle ‘te manava ihotupu’ , de réveiller cette conscience-là qui dort au fond de nous » , conclut-elle.