Bruno Bellanger : « On aimerait que tout le monde soit traité à la même enseigne : sucré et salé »

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Le ministre de l’Économie et des Finances, Warren Dexter souhaite augmenter la TVA de 5 à 16 % sur les produits soumis à la taxe de consommation pour la prévention (TCP), notamment les boissons et les aliments sucrés. Une annonce qui a « un peu surpris » les membres du Syndicat des industriels de la Polynésie française (Sipof). Son président, Bruno Bellanger, estime que la « production locale » portera les « deux tiers » de cette hausse, le tiers restant concernant les produits importés. « L'emploi local est un peu lésé dans cette loi et on aimerait bien que ce soit corrigé », indique-t-il tout en demandant que « tout le monde soit traité à la même enseigne : sucré et salé ». Interview.

Publié le 02/10/2024 à 10:21 - Mise à jour le 02/10/2024 à 10:21

Le ministre de l’Économie et des Finances, Warren Dexter souhaite augmenter la TVA de 5 à 16 % sur les produits soumis à la taxe de consommation pour la prévention (TCP), notamment les boissons et les aliments sucrés. Une annonce qui a « un peu surpris » les membres du Syndicat des industriels de la Polynésie française (Sipof). Son président, Bruno Bellanger, estime que la « production locale » portera les « deux tiers » de cette hausse, le tiers restant concernant les produits importés. « L'emploi local est un peu lésé dans cette loi et on aimerait bien que ce soit corrigé », indique-t-il tout en demandant que « tout le monde soit traité à la même enseigne : sucré et salé ». Interview.

TNTV : Jeudi dernier à l’Assemblée, lors d’un débat sur l’obésité, Warren Dexter, le ministre des Finances, a annoncé une des mesures fiscales phares de ce débat budgétaire : la hausse de certains de la TVA de 5 à 16 % sur certains produits. Il s’agit de produits déjà concernés par une autre taxe, la taxe sur le sucre. En tant que président du Sipof, qu’en pensez-vous ?

Bruno Bellanger : « L’annonce nous a un peu surpris. Mathématiquement, elle n’est pas illogique, puisqu’on applique une taxation, c’est donc que le gouvernement considère que ce sont des produits peut-être un peu négatifs. Mais de l’autre côté, il leur appliquait un taux de TVA incitatif, donc c’est vrai qu’il y avait un croisé fiscal qui, maintenant, a été clairement annoncé. Mais c’était une surprise, c’est vrai. La TCP – taxe de consommation pour la prévention, ndlr- aujourd’hui c’est 1,8 milliard de recettes. Ce qu’ils attendent, d’après mes chiffres, c’est 2,3 milliards avec l’augmentation de la TVA. Donc c’est plus que la TCP, dont 800 millions pour la partie consommation et 1,4 milliard pour la partie importée. Ça veut dire quand même que c’est la production locale qui va porter les deux tiers de cette augmentation. A partir du moment où la production locale porte les deux tiers de cette augmentation et que la production locale, déjà, cotise à la PSG au travers de ses salariés à un montant supérieur, on aimerait quand même que le gouvernement et le ministre Warren Dexter intègrent un petit peu la problématique du différentiel d’emploi entre l’importation et l’emploi local. L’emploi local est un peu lésé dans cette loi et on aimerait bien que ça soit corrigé ».

TNTV : Cela signifie que vous demandez des mesures spécifiques ou différenciées pour la production locale ?

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Bruno Bellanger : « Cela veut dire qu’on pourrait essayer d’étudier des systèmes, comme il en existe déjà, qui permettent à la production locale au moins de conserver ses parts de marché, même si les volumes vont baisser du fait de l’augmentation des prix ».

TNTV : 11 points de TVA en plus, cela veut dire 11 % de plus pour les prix dans les magasins ?

Bruno Bellanger : « C’est clair. C’est aussi simple que ça ».

TNTV : La production locale pourrait perdre des parts de marché, selon vous ?

Bruno Bellanger : « Il y a un différentiel, des fois, de taxation entre production locale et production importée. Avec l’application d’une taxation similaire sur les productions locales et les productions importées, c’est la production locale qui supporte les deux tiers. Parce que les produits touchés sont des produits de grande consommation. Les produits de grande consommation sont en grande partie fabriqués sur le territoire, donc ce sont ceux qui sont les plus touchés, pas visés, mais touchés. Ce sont les faits. Et vous verrez, quand les chiffres sortiront, si on annonce que la captation sur la production locale est deux fois plus forte en TVA qu’elle le l’est sur les importations, ça veut bien dire ce que ça veut dire ».

TNTV : Vous vous êtes entretenu avec le ministre des Finances Warren Dexter. Quelle a été sa réaction ?

Bruno Bellanger : « Warren Dexter est quelqu’un qui connaît très bien le secteur de l’industrie. Il est sensible à ces arguments. On va se revoir et discuter. Le triangle, c’est limiter l’inflation, créer de l’emploi et faire des recettes budgétaires. Ce n’est pas évident de se positionner dans les trois et on l’accompagnera ».

TNTV : Quand vous l’avez entendu dire à l’Assemblée, devant les élus, qu’il fallait taxer ces « saloperies » et que ce n’était pas grave s’il y avait de l’inflation, cela a dû rester au travers de la gorge de certains industriels ?

Bruno Bellanger : « On connaît le tempérament et la fougue de Warren Dexter, mais c’est quelqu’un avec qui on peut discuter. Ça nous a étonnés, c’est tout ».

TNTV : Aujourd’hui, la TCP concerne exclusivement des produits sucrés comme les jus de fruits, les sodas, les glaces ou les biscuits. Certains industriels disent qu’il n’y a pas que ces produits qui sont mauvais pour la santé. Faudrait-il étendre cette liste à d’autres types de produits ?

Bruno Bellanger : « En 2018, c’était simple, c’était la Brasserie de Tahiti qui payait 95 % de la TCP. Donc c’était vraiment une société qui était visée, un type de produit qui était visé. Et à l’époque, le sucre était en PPN. C’est-à-dire que le sucre, en matière première, était un bon produit, mais dès qu’il était dans un soda, c’était un mauvais produit. On n’en est plus sur ces systèmes-là aujourd’hui, mais c’est vrai qu’on trouve un petit peu injuste que seulement les produits sucrés soient visés, alors que les produits gras, les produits salés ne le sont pas. Il est envisagé par le ministre de la Santé et le ministre de l’Économie d’élargir l’assiette de la TCP ».

TNTV : On a quand même un problème de santé publique. On sait que certains produits, notamment les sodas, contiennent des pourcentages de sucre beaucoup plus élevés qu’en métropole…

Bruno Bellanger : « Je suis extrêmement content de cette question parce que c’est une erreur monumentale du rapport de la Cour des Comptes. Aujourd’hui, sur la Brasserie de Tahiti, il n’y a que deux produits qui dépassent le taux de 10. Ce qui a été écrit sur le côté plus sucré en métropole ou ici, c’est faux. J’ai demandé les informations aux marques de soda et à mes services et je peux vous les donner. Même le président de la Cour des Comptes ne sait pas d’où viennent ces sources. C’est ce qui m’a été dit. Je trouve quand même que c’est une information extrêmement dommage. Aujourd’hui, je vous l’ai dit, deux produits sur les 25 références de boissons gazeuses que fabrique la Brasserie sont au-dessus d’un taux de 10 grammes par litre (…) Ces systèmes fiscaux ont fait baisser les Brix, les taux de Brix, donc le sucre très fortement dans les boissons très fortement. Et ça va continuer. Donc oui, c’est incitatif. Oui, ça fonctionne. Par contre, l’information comme quoi, ici, les sodas sont bien plus sucrés qu’ailleurs est totalement erronée ».

TNTV : Êtes-vous contraint par un cahier des charges ? Pourriez-vous prendre l’initiative de diminuer la teneur en sucre de certains produits ?

Bruno Bellanger : « On ne peut pas le faire nous-mêmes, sauf sur les produits qui nous appartiennent. Mais sur les produits fabriqués sous licence, on ne peut pas le faire. Mais c’est une tendance dans le monde entier de vouloir accompagner la baisse du sucre, donc ça se fait petit à petit. D’ailleurs, aujourd’hui, on a plus que 20 % de produits au-dessus de 10 de taux de sucre. Il y en avait 55 % il y a 5 ans. Donc c’est incitatif. Nous, ce qu’on aimerait, c’est simplement que tout le monde soit traité à la même enseigne, c’est-à-dire sucré et salé. Qu’il y ait une politique aussi de prévention, c’est-à-dire que le budget de la TCP qui, à l’époque, devait revenir dans la prévention, ne parte pas dans des actions qui n’ont rien à voir. J’ai écouté les échanges à l’Assemblée. Il y a un travail à faire dans les familles et nous on accompagnera, bien sûr. On a des gammes d’eau, on a des gammes de jus, on a des gammes de thé sans sucre ajouté. On est là pour créer de l’emploi, pour faire de la valeur ajoutée, mais on est là aussi pour accompagner les politiques sociales et de santé, bien sûr ».

TNTV : Le but des autorités est de réduire ce marché des boissons et des produits sucrés, c’est comme ça qu’elle le présente. Est-ce que pour des industriels, il y a d’autres relais pour maintenir l’emploi et l’activité si le marché du sucre perd du terrain ?

Bruno Bellanger : « Il y a des gens qui fument. On peut augmenter le prix des paquets de cigarettes par 5, il y en aura toujours. Les gens boiront des produits moins sucrés, ils boiront des produits sans sucre ajouté, ils boiront des produits plus ‘healthy’. Ce n’est pas une question de pouvoir d’achat, mais d’équilibre global, de ce qu’on mange, de combien de fois on mange. On suivra l’évolution de ce qui se fait. Je ne vois pas d’inconvénient. On a toujours su faire des produits qui s’adaptent ».

TNTV : Avec la TCP, avez-vous observé une baisse de la consommation de ces produits ?

Bruno Bellanger : « La TCP a été mise en place il y a plus de 20 ans, pour la première fois, sous le gouvernement de Gaston Flosse. Et oui, on avait vu une grosse baisse dans les 3 premiers mois, parce qu’il y a toujours des effets de stock avec les magasins. Oui, on s’attend à une baisse des ventes mais, petit à petit, elles reviendront au même niveau. Le système de taxation n’a jamais été quelque chose qui empêchait à long terme. C’est l’éducation à long terme ».

TNTV : Vous avez dit qu’il était important que ces taxes viennent abonder des budgets spécifiques, comme la TCP qui était fléchée vers la prévention.  Que pensez-vous du fait que cette hausse de TVA aille dans le budget général ?

Bruno Bellanger : « La TVA va toujours dans le budget général. La réaction du ministre est de ne pas appliquer de taux réduit de TVA à un produit dont on essaie de réduire la consommation. Ça arrive dans ce budget-là… de toute façon, c’est le budget général qui alimente la PSG, aussi ».

TNTV : On parle d’un taux de TVA de 16%. Ce chiffre est-il arrêté ?

Bruno Bellanger : « A priori, je pense que le ministre reste assez ferme sur cette partie-là ».

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