Cherté de la vie : les entreprises craignent un « flicage » contreproductif

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Au rang des « combats prioritaires » du Tavini, il y a celui de la cherté de la vie dont s’est emparé le président de l’Assemblée. Dans sa réponse au Medef, lors du congrès du Tavini, ce samedi, Antony Géros a déclaré qu’il comptait bien faire aboutir les conclusions du colloque qui s’est tenu le 19 et 20 mars à Tarahoi. Une erreur selon les entreprises qui redoutent des charges supplémentaires dans un climat économique mondial perturbé.

Publié le 09/04/2025 à 11:30 - Mise à jour le 09/04/2025 à 11:48

Au rang des « combats prioritaires » du Tavini, il y a celui de la cherté de la vie dont s’est emparé le président de l’Assemblée. Dans sa réponse au Medef, lors du congrès du Tavini, ce samedi, Antony Géros a déclaré qu’il comptait bien faire aboutir les conclusions du colloque qui s’est tenu le 19 et 20 mars à Tarahoi. Une erreur selon les entreprises qui redoutent des charges supplémentaires dans un climat économique mondial perturbé.

« Il ne s’agit pas de stigmatiser les entreprises, mais de reconnaître que certains mécanismes actuels, notamment les pratiques d’exclusivité, où le manque de transparence sur la formation des prix, nécessitent une régulation plus claire dans l’intérêt général ».

Pas question pour Antony Géros de faire marche arrière sur les conclusions du colloque sur la vie chère. Le président de l’assemblée l’a annoncé lors du Congrès du Tavini Huiraatira samedi dans une réponse publique au Medef. Ce dernier avait dénoncé par courrier les « méthodes » de ce colloque et mis en garde contre de « nouvelles mesures coercitives » à l’encontre des entreprises.

S’il a d’abord salué la participation « d’un partenaire important dans la réflexion économique » aux travaux du colloque, le président de l’institution a rappelé que « les conclusions du colloque ne prétendent pas refléter une unanimité artificielle, mais bien faire ressortir les tendances dominantes qui se sont dégagées des échanges ». Et d’ajouter que la question de la vie chère « dépasse le cadre d’une analyse strictement économique ».

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« Le rôle de l’institution est d’agir avec discernement, mais avec détermination, lorsqu’il s’agit de répondre aux attentes légitimes de la population. J’entends votre appel en faveur des mesures structurelles d’investissement public et de réforme du droit du travail. Ces sujets font l’objet d’une attention constante de la part de l’Assemblée », a-t-il dit. « Mais nous devons aussi avancer sur les leviers de régulation, de contrôle et d’équité, car le sentiment d’injustice est aujourd’hui un puissant facteur de désespérance pour nos citoyens (…) Je reste, pour ma part, ouvert à la poursuite du dialogue avec le Medef de Polynésie, à condition que celui-ci s’inscrive dans une volonté commune de bâtir un modèle plus équilibré et plus solidaire ».

Un message entendu du côté du patronat, toujours ouvert à la discussion, comme l’a indiqué son président, Steeve Hamblin. « On est tous consommateurs. On veut tous que les prix baissent. Le colloque que les entreprises avaient déjà fait un régime ces deux dernières années. Nous, ce qu’on a demandé, c’est que la fonction publique puisse également faire un régime. Ce que le président de l’Assemblée ne dit pas, c’est que le colloque recommande que l’on donne plus de moyens à l’APC », a-t-il expliqué.

Qui dit davantage de moyens à l’Autorité Polynésienne de la Concurrence, dit plus de ressources humaines, en déduit le Medef. « Demain, des fonctionnaires viendront de métropole gonfler davantage le mammouth de la fonction publique. Et ça, ça va empêcher toute possibilité de baisser nos taxes demain », a prophétisé Steeve Hamblin.

 « Cela va dans le sens inverse de ce que l’on veut faire pour la vie chère »

Une analyse partagée par l’économiste Florent Venayre qui rappelle que ceux qui créent de l’emploi, sont d’abord les entreprises. « Là, on va juste fliquer les entreprises, comme l’a dit le patron du Medef. Et ce flicage, il a un coût, car il va falloir déposer énormément d’informations à l’APC. Il faudra les traiter, donc cela veut dire des embauches supplémentaires à l’APC et des coûts supplémentaires pour les entreprises pour permettre de générer toutes ces informations », a estimé l’universitaire qui conclut que cette situation engendrera une « pression sur les prix et sur la fiscalité » : « Cela va dans le sens inverse de ce que l’on veut faire pour la vie chère ».

Si toutes les conclusions du colloque ne sont pas à jeter, les questions comme l’assouplissement des quotas d’importation ou la réforme de la taxe de développement local aujourd’hui en chantier au ministère de l’Economie et des Finances, n’ont rien de nouveau, selon l’économiste.

« Toutes les questions d’ouverture des marchés, évidemment, ça peut être intéressant, mais ça fait longtemps qu’on réfléchit à ces questions là. Les questions de fiscalité protectionniste, ça fait longtemps aussi qu’on échange sur ces choses là. (…) Mais on n’avait pas besoin qu’on vienne de l’extérieur nous les donner » précise Florent Venayre, pointant du doigt des « mesures hors sol » préconisées par des experts venus de Nouvelle-Calédonie et de France.

Quant à l’obligation de dépôt des comptes annuels avec des sanctions financières plus dissuasives pour les entreprises en infraction, c’est une « mesure de bon sens » selon l’économiste. « Par contre, tout ce qui vise à vérifier les coûts des entreprises, ce qu’on appelle les prix de transfert, c’est-à-dire comment, au sein d’un groupe, on se revend les produits, etc., tout ça, ça participe d’un fantasme complet sur les marges des commerçants, où on considère, à tort (…) que les commerçants font des marges indues », a estimé Florent Venayre.

D’autant que les marges nettes des entreprises représentent seulement 2 à 3 % souligne Florent Venayre. Soit à peu près l’équivalent ce celles pratiquées dans l’Hexagone. Pas de « gisement de pouvoir d’achat » à aller chercher de ce côté-là donc, mais du côté de la fiscalité.

« C’est aux politiques de revoir une fiscalité qui soit plus directe et plus, disons, progressive en fonction des revenus. Mais ça, c’est véritablement leur mission. Ce n’est absolument pas celle des entreprises » assène l’économiste. « Donc là, on désigne un peu les entreprises comme boucle émissaire d’un système global qui fonctionne mal depuis très longtemps, mais ça, on le sait ».

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