À respectivement 20 et 30 ans, deux des trois tours à glace du Port de Pêche de Papeete ont subi les assauts du temps, sans jamais être remplacées. Signalées dans le dernier rapport d’observation de la Chambre Territoriale des Comptes (CTC), les pannes à répétition pèsent sur les comptes de la S3P, société en charge du port de pêche de Papeete. Face à la vétusté des structures, leur remplacement est pourtant inéluctable. Selon le directeur de la S3P Torea Thuret, chaque tour devrait coûter près de 200 millions de Fcfp.
« Un marché a été lancé, avec l’objectif de disposer de deux nouvelles tours à glace début 2026 » , prévoit-il. Pour assurer une production minimale de glace, une tour sera démontée pendant que l’autre continuera à tourner. Les nouvelles tours émetteront « des gaz moins polluants » et pourront servir quotidiennement « 30 à 40 tonnes » , poursuit M. Thuret. Selon la direction des ressources marines, la phase d’avant projet devrait s’achever dans les prochaines semaines, avant le lancement d’un appel d’offre fin 2024 pour une période d’un an.
En attendant, la production de glace tourne au ralenti. Une des tours est à l’arrêt et ne sera remise en exploitation que d’ici un mois, tandis que l’autre produit en quantité limitée pour ne pas aggraver les problèmes mécaniques. Résultat : le port ne peut fournir que 10 tonnes par jour.
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Des bateaux équipés… mais pas auto-suffisants
Un manque à gagner pour la S3P, mais aussi pour les pêcheurs. Sur les quais, il n’est pas rare de croiser des capitaines obligés de retarder leur départ en campagne. « Ça nous pénalise, parce qu’on ne part pas aux dates voulues, déplore Hans Berdichevski-Poroi, armateur. On est obligés d’attendre alors qu’on a un planning prévisionnel. Si le poisson est là et qu’on ne peut pas aller le chercher, c’est dommage » . A la tête d’une flotte de huit thoniers, il reconnaît qu’il n’a pas attendu les tours à glace pour s’équiper en cale réfrigérée.
Modernisation de la pêche hauturière oblige, les nouveaux bateaux sont dotés de machines à glace produites à partir de l’eau de mer afin de réduire la quantité de glace embarquée. Pour ces équipements frigorifiques, les armateurs peuvent même compter sur une aide à l’acquisition du Pays plafonnée à 80%.
Mais ça ne suffit pas toujours. Capitaine de pêche hauturière pour Vini-Vini, Dimitri Cabayal, sécurise généralement ses campagnes de pêche en chargeant 4 tonnes de glace supplémentaires depuis les tours. « Je fais 4 jours de route pour arriver sur site. Sachant que ma machine me permet d’avoir une tonne par jour, j’ai 8 tonnes arrivé à ma zone de pêche. Et il me faut une tonne par jour pour mes lâchers » , explique-t-il.
7800 tonnes pêchées en 2023
Paradoxe : alors que les ventes de glace aux thoniers reculent, elles augmentent du côté des mareyeurs. Les volumes de poissons débarqués sont en hausse depuis trois ans et de grosses quantités de glace sont nécessaires pour garantir la fraîcheur des prises. « Depuis 2020, on pêche à peu près 1000 tonnes de plus par an, estime le président de la S3P Stéphane Pérez. On est passés de 4800 tonnes en 2020 à 7800 tonnes en 2023 » .
Une tendance à la hausse encouragée par le Pays et soutenue par l’Etat. Lors de la visite du secrétaire d’État en charge de la mer Hervé Berville en novembre dernier, Moetai Brotherson avait affiché l’ambition de tripler les volumes de pêche, en formant 1000 marins supplémentaires et en construisant 160 nouveaux thoniers.
Il faudra d’abord concrétiser les projets de réaménagement du Port, avec des équipements opérationnels. Car même la troisième tour la plus récente, installée en 2012, est à l’arrêt. Un problème de logiciel d’automate empêche de l’utiliser.