La chambre territoriale des comptes vient de publier son rapport sur le projet d’aquaculture industrielle de Hao, pour l’exercice de 2015 à 2021. Dans une dynamique de développement de la filière aquacole en Polynésie, le projet d’élevage de poissons, dont l’investissement est évalué à 32 milliards de Fcfp, doit être porté par la SAS Tahiti Nui Ocean Foods (TNOF), une filiale de la société chinoise Tian Rui International Investment Limited. Avec une production estimée de 50 000 tonnes de poissons par an, le projet est d’envergure internationale et ses risques sur l’environnement restent flous.
Dans ses deux premiers rapports d’observation, la CTC attirait déjà l’attention de la collectivité sur les risques de dégradation de l’environnement que présentait le projet et pointait du doigt le manque d’étude sur l’impact globale de la ferme aquacole. Une problématique soulevée dans le nouveau rapport puisque la CTC recommande une fois de plus au Pays de conduire une étude d’impact du projet sur l’environnement de Hao et des éventuels atolls associés.
D’autant plus que selon le rapport, un expert a rendu en novembre 2019 un avis très réservé quant à la viabilité économique et l’innocuité environnementale du projet, allant jusqu’à recommander une étude approfondie du dossier par un organisme international indépendant.
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Par ailleurs, seule la partie terrestre du projet de ferme aquacole a jusqu’à présent fait l’objet d’autorisations. La phase maritime du projet n’a pour l’instant pas encore été étudiée, que ce soit sur le plan juridique ou le plan environnemental.
Des travaux à la charge du Pays financés … à perte ?
En amont du projet aquacole, le Pays a financé pour 617 millions de Fcfp de travaux. Un montant nécessaire à la déconstruction du centre de mareyage, au déplacement de la centrale électrique, à la démolition du réseau d’hydrocarbures de l’atoll et à l’aménagement général du site d’accueil de la ferme. Un investissement certes indispensable à la réalisation du projet mais inutile si ce dernier ne se concrétise pas, souligne la CTC.
Se rajoutent aux dépenses du Pays un peu moins de 4 millions de Fcfp utilisés entre 2014 et 2017 à des fins de réceptions et d’organisation d’une réunion mondaine, lors de l’accueil des délégations chinoises.
Et si l’intérêt pour la Polynésie n’est pas seulement économique mais aussi professionnel, avec un transfert des savoir-faire des techniciens non nationaux au bénéfice de professionnels locaux, la CTC met en exergue l’inexistence de sélection et de formation d’aquaculteurs polynésiens alors même que leur intervention est essentielle. « Cette phase doit être anticipée afin de préparer au mieux les acteurs du territoire à ce processus novateur. La chambre invite le Pays à prendre toute sa place lors de la négociation et de la formalisation de la relation contractuelle entre les futurs aquaculteurs polynésiens et TNOF afin que les conditions d’exploitation sur la base de contrat type soient équilibrées et transparentes. Cette médiation permettra que les futurs aquaculteurs ne soient pas démunis juridiquement face à une entreprise qui transfère une part non négligeable du risque économique sur ces derniers ».
En 2014, TNOF s’engageait à créer au moins 1000 emplois locaux durables. Mais en 2018, la société revoit ses chiffres à la baisse et dit vouloir créer 300 emplois de moins que prévu. Le Pays, de son côté, n’a jamais infirmé ou confirmé les projections de TNOF, observe la chambre territoriale des comptes qui recommande la mise en place d’un suivi professionnalisé.
In fine, la CTC craint que la crise sanitaire et économique mondiale n’ait des répercussions néfastes sur l’avancement du projet de ferme aquacole. Elle constate et déplore aussi le déficit d’informations officielles du Pays concernant l’avenir du projet.