TNTV : Pourquoi et quand la TCP, la Taxe de Consommation pour la Prévention, a été créée ?
Florent Venayre : « Elle a été introduite au 1ᵉʳ janvier 2002. Cela fait partie de ce qu’on appelle la fiscalité comportementale. C’est-à-dire que ce sont les taxes qu’on met en place pour essayer de changer les comportements de consommation. Donc l’idée, c’était de lutter contre des comportements qu’on ne juge pas bons. Donc la consommation d’alcool, qui est touchée aussi par la TCP. Et puis la consommation de sucre à cause de la prévalence de l’obésité ».
TNTV : Concrètement, comment est calculée cette TCP ? Ce sont les produits les plus sucrés qui sont les plus taxés ?
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Florent Venayre : « Exactement. On taxe uniquement les produits qui ont plus de 5% de sucre dans la recette. On commence avec 20 francs de taxe au litre ou au kilo. Et ensuite, on va monter graduellement au fur et à mesure que le taux de sucre augmente. Pour arriver au maximum, quand on dépasse 40% de sucre, à 85 francs de taxe au litre ou au kilo ».
TNTV : C’est bien la liste des produits qui sont dans la TCP qui sont soumis à cette TVA ?
Florent Venayre : « Exactement. En fait, on liste tous les produits qui sont soumis à la TCP. Maintenant, on vient rajouter un taux de 16% au lieu de 5% sur ces produits qui étaient déjà impactés par la TCP ».
TNTV : Concrètement, qui supporte quoi jusqu’au consommateur ?
Florent Venayre : « Au niveau de la TCP, ça a été pris en charge par les entreprises. Donc, ça faisait partie des coûts des entreprises. Mais maintenant, c’est une TVA qu’on met en place, un taux de TVA qui change. Et le principe de la TVA, c’est que c’est payé effectivement par les consommateurs. On l’a vu dans le sujet qui a été présenté. La TVA est récupérable par les entreprises. Mais elle se cumule au niveau de la consommation. Donc, c’est vraiment le prix final pour le consommateur qui va augmenter. Mais pour les entreprises, le passage de 5% à 16% du taux de TVA ne change absolument rien ».
TNTV : Donc, rien ne va dans la poche des entreprises…
Florent Venayre : « Non. En fait, les entreprises collectent l’impôt au profit du gouvernement. C’est pour ça que c’est une taxe qui a fait florès. La première fois qu’elle a été mise en place, c’était en métropole. Et c’est quelque chose que la France a exporté dans tous les pays du monde parce que c’est très pratique, en fait. On envoie les entreprises collecter l’impôt au profit du gouvernement ».
TNTV : On vit dans un pays de libre-échange. Les marges ne sont pas contrôlées. N’est-ce pas un peu une double peine pour le consommateur qui doit à la fois subir cette hausse de la TVA, mais aussi les marges ?
Florent Venayre : « Les marges sont contrôlées uniquement pour les PPN et pour les PGC, effectivement. Mais sinon, on est dans un système de marge libre. Donc, les entreprises fixent leurs marges absolument comme elles veulent. Mais la marge est déconnectée de la TVA. Les entreprises ont fixé leurs marges à un niveau qui leur convient en fonction de leurs coûts. Parce qu’il faut penser que les marges, en fait, ce sont des marges commerciales dont il s’agit. Donc, elles payent aussi les salaires des entreprises, les impôts de l’entreprise, toutes les consommations d’électricité, etc. Donc, elles ne sont pas là non plus pour rien. Après, il y a une marge bénéficiaire, la marge nette. Et cette marge nette, l’entreprise l’a déjà fixée. Donc, il n’y a pas de raison que l’augmentation du prix de TVA ça change son calcul de marge nette. Après, l’idée, c’est qu’on doit être sur un système, avec la concurrence, d’autorégulation des marges. C’est-à-dire que si on s’amuse à mettre des marges qui sont trop élevées compte tenu du fait qu’il y a des concurrents sur le marché, les clients vont voir le concurrent ».
TNTV : La problématique se pose dans les îles où parfois, il n’existe qu’un seul commerce…
Florent Venayre : « Exactement. Quand on parle de concurrence, on parle de Tahiti. Sur les petits atolls, on ne peut pas avoir de réelle concurrence. Donc, ça, c’est toujours la limite ».
TNTV : Pour en revenir à la hausse de la TVA sur les produits sucrés, comment s’assurer, selon vous, que les fonds récoltés provenant de cette hausse vont bien abonder les comptes sociaux ?
Florent Venayre : « C’est le gouvernement qui peut décider effectivement de flécher la fiscalité, de l’envoyer directement vers le financement de la PSG. Après, si ce n’est pas fait, ce n’est pas fait. Mais dans ces cas-là, ça veut dire que le gouvernement ne suivrait pas ce qu’il annonce aux citoyens. Et après, il y a toujours la sanction du vote pour le citoyen. Il faut s’en remettre à la parole du gouvernement. Et puis, après, il y aura un moyen de savoir effectivement si les comptes ont été abondés ou non ».
TNTV : Dans combien de temps, cela sera observable ?
Florent Venayre : « Il y a deux aspects. Il y a une fiscalité supplémentaire. Donc, la fiscalité, on va la voir tout de suite. On la voit dès le 1er janvier, en fait. Elle existe déjà. Après, pour ce qui est des effets qu’on cherche à corriger, c’est-à-dire le changement de comportement, ça va forcément prendre un petit peu plus de temps. Surtout, ce qu’on ne sait jamais trop avec ce genre de fiscalité comportementale, c’est la mesure dans laquelle ça va modifier effectivement l’acte d’achat. C’est-à-dire que lorsqu’on augmente le prix du produit, on s’attend à ce que les consommateurs en consomment moins. Mais il y a une déperdition qui s’effectue. Des fois, il faut augmenter de 10%, par exemple, le produit pour que, finalement, la consommation ne baisse que de 3%. Ce qui va nous donner ça, en fait, c’est ce qu’on appelle techniquement l’élasticité de la demande. Et donc, la manière dont la consommation des individus, des gens, vous et moi, réagissent aux augmentations de prix ».
TNTV : De quelle manière les comportements des consommateurs peuvent réellement changer en raison de ces hausses ? Ça peut avoir un effet pervers, finalement ? Des consommateurs qui se rueraient vers les produits qui sont moins sains, donc moins chers ?
Florent Venayre : « Ce qu’il faut comprendre avec cette nouvelle taxe, c’est qu’elle est ce qu’on appelle ad valorem. Elle est en pourcentage, comme c’est une TVA. Alors qu’en fait, la TCP, avant, était en valeur fixe. Que le produit soit cher ou pas cher, et mettons qu’il y ait un signal prix qualité, c’est-à-dire s’il est cher, il est de qualité, s’il n’est pas cher, il est de mauvaise qualité, il était frappé de la même manière. Alors que maintenant, comme c’est un pourcentage, plus le produit est cher, et donc censément de bonne qualité, et plus il va être très fortement frappé. Ce qui veut dire que si on veut manger du sucre dans une glace ou dans un sirop, on aura intérêt, pour que ça pèse le moins possible sur le portefeuille, à prendre le produit de mauvaise qualité, puisque c’est celui qui supportera moins l’empreinte de la taxe. Donc ça peut avoir des effets pervers. Et puis ça peut avoir des effets aussi d’inéquité, puisqu’on le sait, les taxes comportementales touchent plus les foyers pauvres. Pour deux raisons : parce que d’abord, les foyers pauvres sont ceux qui consomment le plus de tabac, d’’alcool, et de produits gras, sucrés. Donc mécaniquement, ils vont être plus touchés par la taxe. Et en plus, parce que s’agissant de l’alimentaire, c’est une part plus importante du budget des ménages pauvres que des ménages riches. Donc de fait, ce sont beaucoup plus les ménages pauvres qui vont être touchés par la taxe ».