Florent Venayre : « On envoie de mauvais signaux vis-à-vis de l’investissement et du développement du tourisme »

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Profeseur à l'Université de la Polynésie, Florent Venayre était l’invité du journal de TNTV, dimanche soir. Interrogé sur la réforme fiscale à venir, celui-ci s’interroge sur « la cohérence globale du projet », considérant qu’il manque de « clarté ». Il s’inquiète aussi d’une baisse du « capital confiance » du secteur économique à l’égard du gouvernement, estimant que des « mauvais signaux » sont envoyés aux investisseurs.

Publié le 04/12/2023 à 16:38 - Mise à jour le 05/12/2023 à 15:02

Profeseur à l'Université de la Polynésie, Florent Venayre était l’invité du journal de TNTV, dimanche soir. Interrogé sur la réforme fiscale à venir, celui-ci s’interroge sur « la cohérence globale du projet », considérant qu’il manque de « clarté ». Il s’inquiète aussi d’une baisse du « capital confiance » du secteur économique à l’égard du gouvernement, estimant que des « mauvais signaux » sont envoyés aux investisseurs.

TNTV : On l’a vu dans le reportage précédent, la reforme fiscale voulue par la majorité et le manque de concertation avec celle-ci, inquiètent les professionnels du BTP et de l’immobilier et, plus largement, le patronat.  Ces inquiétudes sont-elles justifiées selon vous ?

Florent Venayre : « Oui, c’est justifié. Il y a un arrêt d’un certain nombre de grands projets. Une baisse de la défiscalisation. Le secteur du tourisme, et de l’hôtellerie en particulier, va être très impacté par cette nouvelle loi du Pays. Donc, c’est assez logique que les professionnels du secteur s’inquiètent ».

TNTV : La défiscalisation est un levier important pour le développement du tourisme au fenua….

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Florent Venayre : « La défiscalisation porte beaucoup sur le secteur du tourisme depuis qu’elle existe. Ce qui est normal, car les projets mis en œuvre sont énormes. Donc, sans défiscalisation, il y a de grandes chances qu’un certain nombre de projets n’aient jamais vu le jour. Cette baisse très forte des taux, cette inclusion, aussi, d’un critère de développement de la concurrence pour les AMI -les appels à manifestation d’intérêts, Ndlr- est assez inquiétante car cela ouvre la possibilité de traitements relativement discriminatoires d’un dossier à l’autre. Et on ne sait pas qui est compètent pour faire ce genre de chose. On a une Autorité de la concurrence, mais cela ne rentre pas dans son champ classique d’actions. Donc, on ne voit pas trop comment cela va se mettre en place. De fait, sans défiscalisation, on a un secteur qui risque de ne pas marcher sur ses deux jambes alors même que l’on a des fermetures d’hôtels pots-covid qu’on n’a toujours pas résolues ». 

TNTV : Certains des professionnels interrogés regrettent un manque de concertation avec les élus de la majorité. Qu’en pensez-vous ?

Florent Venayre : « Le problème de cette absence de concertation qu’il y a selon les professionnels, c’est qu’on rebat un peu les cartes en fin d’année. Je pense notamment à la CSIS -la contribution supplémentaire à l’impôt sur les bénéfices des sociétés, Ndlr- qui va être applicable sur l’ensemble de 2023, mais qui tombe maintenant, ce qui n’était pas prévu par les entreprises. Donc, c’est un petit peu compliqué. Après, on nous présente un rééquilibrage plus équitable de la fiscalité. C’est une bonne chose, mais on n’en voit pas tellement les aboutissants dans le projet de loi, tel qui est actuellement en tout cas. Notamment, la fameuse contribution sur le patrimoine immobilier qui va, en fait, essentiellement toucher les entreprises. Donc, on ne redistribue pas vraiment les gros patrimoines vers les petits ».

TNTV : Le gouvernement a supprimé la TVA sociale. Ces nouvelles mesures fiscales doivent compenser cette suppression. Faudrait-il faire marche arrière selon vous ?

Florent Venayre : « On a supprimé cette taxe, ce qui était un engagement du gouvernement. On se prive donc de 9 milliards de francs de recettes fiscales avec pas d’effet sur les prix, car ce retrait d’un point est mangé par l’inflation qui continue. Donc cela ne fonctionne pas au niveau de la baisse des prix.  On a un peu l’impression que ce projet de loi essaye de trouver un peu d’argent à droite et à gauche. Cela interroge sur la cohérence globale du projet. Quand on utilise la fiscalité, on le fait pour quoi ? On le fait pour financer les dépenses du gouvernement, pour modifier certains comportements, pour redistribuer d’une catégorie de la population à une autre. Il y a une clarté qui manque un peu dans la définition générale. C’est ce qui fait souci ».

TNTV : Moetai Brotherson a évoqué le poids des importations dans l’économie. Ont-elles un impact sur la cherté du coût de la vie en Polynésie ?

Florent venayre : « Les importations sont plutôt un facteur qui nous permet de baisser le coût de la vie, notamment parce qu’on importe moins cher que quand on fabrique nous-mêmes (…) De fait, quand on regarde le niveau des prix, les produits fabriqués localement sont souvent plus chers que les produits importés. Et quand ce n’est pas le cas, c’est parce que l’on taxe les produits importés pour les rendre plus chers que les produits locaux. Donc, on a une fiscalité très indirecte qui impacte beaucoup le pouvoir d’achat des consommateurs polynésiens. C’est un choix qui a été fait par les gouvernements polynésiens, pas par celui-là particulièrement. Est-ce qu’on rebat les cartes, comme l’avait dit le président pendant la campagne électorale ? Cela peut être une très bonne chose, mais, à ce moment-là, il faut axer un peu différemment le projet de loi par rapport à ce qu’il est en remettant plus de taxes directes, plus de redistribution, plus d’équité et moins de taxes indirectes. Là, on ne touche absolument pas aux taxes indirectes telles qu’elles existent. A part cette contribution sur le patrimoine immobilier, on ne remet pas tellement d’équité fiscale dans le système ».

TNTV : On constate des dissensions au sein de la majorité, entre les élus de l’Assemblée et le gouvernement. Cela peut il avoir un impact sur la confiance, des ménages comme des entreprises ?

Florent venayre : « La confiance est très importante pour les ménages, mais aussi pour les entreprises. Les entreprises se sont senties un petit peu flouées. Donc, c’est un petit peu dommage. On envoie de mauvais signaux vis-à-vis de l’investissement, des mauvais signaux vis-à-vis du développement du tourisme. Or, c’est ça qui est le moteur économique. Donc, il serait bien que les choses s’apaisent d’une manière générale et qu’on parvienne à remettre un peu plus de confiance. Le gouvernement était parti avec un capital confiance important. Ce serait bien de retrouver ce capital confiance assez rapidement, de façon à ce que les choses s’aplanissent. Je crains des réactions jusqu’au-boutistes de certains investisseurs ».

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