En Polynésie aussi, la demande de crédits immobiliers plonge de 40%

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C’est une tendance nationale et elle touche désormais le fenua : les banques de la place constatent depuis mars un décrochage de 40% de la production de crédits immobiliers. En cause ? La hausse des taux d’intérêt, l'encadrement plus strict des conditions d'octroi ou encore, l’explosion des coûts de construction. En dehors du manque à gagner pour les banques, l'accès au crédit et donc à la propriété des ménages polynésiens est encore réduite.

Publié le 08/06/2023 à 4:57 - Mise à jour le 30/11/2023 à 9:53

C’est une tendance nationale et elle touche désormais le fenua : les banques de la place constatent depuis mars un décrochage de 40% de la production de crédits immobiliers. En cause ? La hausse des taux d’intérêt, l'encadrement plus strict des conditions d'octroi ou encore, l’explosion des coûts de construction. En dehors du manque à gagner pour les banques, l'accès au crédit et donc à la propriété des ménages polynésiens est encore réduite.


Alain a le sourire, après un an de parcours du combattant, il vient de signer avec sa femme un prêt immobilier pour l’achat d’un logement à Papara. Une bonne nouvelle pour ce jeune directeur technique, même si sa petite famille a dû faire une croix sur son premier choix. « Au début, on s’est positionné sur un appartement sur Punaauia avec le budget qu’on avait, et on dépassait un peu le taux d’endettement, donc on a dû revoir notre budget à la baisse et changer de secteur. Aller voir un peu plus loin pour le même type de bien, mais moins cher ».  

Sauf qu’entre temps, les taux d’intérêt ont augmenté. Et ceux de l’immobilier n’ont pas baissé. « De 2,70%, on est passé à 3,60%, mais heureusement qu’on a réussi à l’avoir à 3,15% » rapporte le jeune homme. « On a été très surpris justement de voir que ça augmenté en si peu de temps. Notamment les prix de l’immobilier. C’est compliqué de jongler avec les deux. On peut dire qu’on se situe quand même dans une classe moyenne haute, donc je n’imagine même pas pour ceux qui ont des revenus inférieurs… »

La hausse des taux directeurs pour lutter contre l’inflation

Les taux d’intérêt seraient devenus dissuasifs au point de faire plonger de 40% la production de crédits des banques. Les refus sont nombreux, par conséquent les banques prêtent moins. Un décrochage net constaté depuis mars et le résultat de nombreux facteurs selon les banques. À commencer par la hausse des taux directeurs. Une politique monétaire définie par la Banque centrale européenne et relayée par l’Institut d’émission d’outre-mer (IEOM) pour lutter contre l’inflation. « Depuis un an (…) les banques centrales prêtent plus chers aux banques qui répercutent cette hausse. Actuellement, les trois banques empruntent auprès de l’IEOM à 3,85% sur une maturité de 3 ans », précise Frédéric Panigot, président du comité local des banques.

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(Crédit photo : Tahiti Nui Télévision)

Si la hausse franche des taux semble avoir rempli son rôle et freiné l’inflation à 4,5% début 2023 en Polynésie, elle oblige les banques à répercuter à leur tour ces taux sur les clients. Une hausse progressive qui devrait atteindre 3% à 4% d’ici la fin de l’année pour un prêt sur une durée de 20 ans selon le comité local des banques. Soit presque deux fois plus cher qu’en 2021.

Cette année-là, les conditions d’octroi de crédit ont également été durcies par le gendarme du secteur bancaire, le haut conseil de stabilité financière. Plus possible aujourd’hui de dépasser les 35% d’endettement. Plus possible non plus de considérer le « reste à vivre », c’est-à-dire l’argent qu’il reste après le paiement des charges fixes. « Avant on pouvait pondérer ce taux d’endettement, aujourd’hui les nouvelles normes excluent ce revenu résiduel » explicite le président du comité. Autant de mesures qui réduisent les capacités d’emprunt des jeunes ménages, mais pas seulement. « Au-delà des primo-accédants, il y a toute cette clientèle plus aisée, qui fait de l’investissement locatif, qui est aussi touchée. Le taux d’endettement maximum doit être de 35% assurance comprise, et l’endettement limité sur 25 ans », poursuit le responsable.

Un pouvoir d’achat immobilier réduit de 20 à 25%

Enfin, l’explosion des coûts de construction depuis près d’un an avait déjà fait le lit des inquiétudes : « Ce coût de la construction, accentué ici par le coût des transports, ce coût qui a bondi ces 6-9 derniers mois, associé à la hausse des taux, a réduit aujourd’hui le pouvoir d’achat immobilier des consommateurs entre 20 et 25% ».

Moins de ventes, moins d’achats, moins de flux… : les acteurs économiques craignent un ralentissement du secteur du BTP. « C’est un phénomène qui est inquiétant et qu’il faut prendre en considération assez rapidement. Les investisseurs sont confrontés à la hausse des taux et à l’inflation, il faudra travailler avec le politique sur la façon de soutenir les entrepreneurs qui se lancent dans l’immobilier » indique Olivier Kressmann, co-président du Medef.

Mais selon les banques, la tendance n’étant pas structurelle, elle ne saurait durer. « Quand on aura jugulé l’inflation, sans doute que ces taux devraient recommencer à baisser, et petit à petit aussi les coûts de la construction et les coûts de transports, qui ont d’ailleurs commencé à baissé. C’est plutôt porteur d’espoir pour les mois à venir, » rappelle le responsable. Alors que les banques espèrent une politique de détente des taux à l’horizon 2024, le directeur général de l’IEOM, Ivan Odonnat, a tenu à préciser sur le plateau de TNTV que « les banques continuent de bénéficier de ressources prêtées à taux zéro ».

Mises à la disposition de celles-ci, ces « lignes de refinancement de 0% » – intervenues également pendant la pandémie – représentent selon lui 220 milliards de francs pour les trois territoires français du Pacifique, dont 40% pour la Polynésie. « C’est-à-dire à peu près 80 milliards. Et sur cette somme, vous avez un peu moins de la moitié qui est rémunérée à 0% », souligne le directeur. Quant à la baisse des taux attendus par les acteurs économiques, il indique qu’elle dépendra d’un « certain nombre de paramètres », mais qu’elle pourrait intervenir « plus tôt que la fin de l’année ».

Ivan Odonnat, directeur de l’IEOM, invité du journal :

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