Une situation financière « très précaire » due à des retards structurels
Dans ses trois contrôles précédents, de 2017 à 2019, la CTC a constaté une situation financière « très précaire », qui ne permettait pas au Pays, aux régimes sociaux et à l’hôpital de faire face au moindre choc externe. La pandémie de Covid a servi de révélateur à ces insuffisances.
Les manques portent aussi bien sur l’aspect financier que sur le fonctionnement interne de la CPS. La mise en place d’outils statistiques opérationnels n’a démarré qu’en 2013 concernant la retraite, et seulement en mai 2021 dans le domaine de la santé. Entre temps, la CPS s’est « contentée pendant trop longtemps de limiter ses analyses à la préparation chaque année de ses budgets ». D’autres sujets comme la pauvreté, la précarité, ou la dépendance restent encore peu ou pas étudiés. La Chambre, si elle note ses progrès récents en matière de gouvernance, demande à la CPS de renforcer véritablement sa culture d’expertise de la donnée.
Autre point crucial, la digitalisation de ses services. Le rapport préconise une digitalisation complète, gage de « qualité de service » et de simplification des contrôles à grande échelle pour lutter contre les abus et les fraudes. « Aujourd’hui encore, 59% des agents de la Caisse effectuent à titre principal des tâches de saisie manuelle ou de scanner de pièces papiers ».
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Des tensions avec les professionnels de santé et avec l’exécutif
La perspective d’un système d’information médicalisé entre tous les intervenants publics, privés et la CPS, qui est prévu par la règlementation depuis 1998 n’est viable que dans le cadre de relations apaisées avec les professionnels de santé. Or, le rapport constate qu’elles sont plutôt fraîches et « n’ont pas facilité l’acceptation et la mise en œuvre de réformes », notamment celles du parcours de soins coordonné et du médecin traitant depuis 2018.
Concernant les problèmes de santé publique et de choc démographique, la CPS et la collectivité de la Polynésie française se renvoient la balle. Conséquence : la mise en place de la PSG 2 (Protection Sociale Généralisée 2) prend du retard. Et les tensions s’intensifient.
En effet, la CPS partage la responsabilité de cette mise en place avec le Pays. Les instances de la CPS ont l’obligation de transmettre leurs délibérations budgétaires au conseil des ministres pour validation et rendu exécutoire. C’est donc l’exécutif du Pays qui a le dernier mot sur les budgets de la PSG.
Vincent Fabre, directeur général de la CPS, réagit au rapport de la CTC :
Incohérences juridiques et nœuds administratifs
Des deux côtés toutefois, le rapport déplore une certaine passivité des décisionnaires. Fondée sur une norme « illisible, incomplète et parfois ancienne », la PSG telle qu’elle est construite contraint la CPS à rédiger elle-même des recueils juridiques internes. Les informations circulant mal entre les deux, la CPS doit parfois demander au Pays des extraits de compilations qu’elle a elle-même produits.
Niveau gouvernance, trois ministres (contre un seul en 2016) ont directement compétence en matière de PSG : un ministre de tutelle, un ministre de la santé et de la prévention, et une ministre de la famille, des affaires sociales, de la condition féminine, en charge de la lutte contre l’exclusion. Une dispersion qui ne facilite pas l’affirmation du pays et rend la formalisation des demandes de la CPS plus compliquée.
Le rapport émet également des doutes sur l’efficacité de la dizaine de commissions créée par la CPS. La commission retraites de la CPS, par exemple, n’a pas été réunie depuis 2016. En 2019, un comité d’orientation des retraites a été créé ad hoc, à l’initiative du pays…
Vers une redéfinition des objectifs de la CPS
Le périmètre d’action de la CPS est, toujours selon le rapport, à réduire, « pour concentrer ses forces sur la gestion de l’assurance maladie-accidents du travail, l’invalidité, les maladies professionnelles, les retraites et l’assurance décès ». Comme évoqué précédemment, cela suppose, plus qu’une coordination, un transfert de ses compétences vers le pays.
Exemple en matière de prévention : depuis 2014, la Caisse s’est contentée de verser des subventions par la création de trois fonds, principalement destinés à des projets portés par les employeurs, le Pays, des associations et des sociétés commerciales. Outre les faiblesses techniques dans la gestion de ces crédits, peu de suivi a été effectué, par manque de pilotage des tâches à grande échelle.
La question de la maîtrise des dépenses sociales
Si les ministres de tutelle successifs et la CPS martèlent l’importance de la maîtrise des dépenses, il existe un décalage avec la nécessité d’offrir une information financière complète.
De façon générale, les dépenses affectées au financement des prestations servies par la CPS ont progressé de 13% entre 2016 et 2019, entre autres à cause de la pandémie. La projection pour 2021 établit un total de prestations à 133,7 milliards de Fcfp, contre 124,9 en 2019 et 110,5 en 2016, soit plus de 23 milliards de Fcfp en à peine six ans. Une série de mesures a pourtant été prise pour diminuer les dépenses, qui restent difficilement sous contrôle. Comment concilier contrôle des dépenses et transparence avec le public, alors que la CPS est contrainte à augmenter des recettes perçues par la CPS est contrainte ?
En conclusion, la CTC distingue les voies d’amélioration, selon qu’elles dépendent de la CPS, ou qu’elles font l’objet d’une responsabilité partagée avec la collectivité de la Polynésie française : « l’heure n’est plus ni aux reports, ni aux ajustements modestes, mais à la conduite d’une vision d’ensemble partagée et transparente, si l’objectif est de préserver le modèle social (voire améliorer) construit depuis plus de cinquante ans ».
En réponse aux observations provisoires, M. Raffin, ancien directeur, a indiqué que les axes d’amélioration proposés rejoignent pleinement les orientations précisées dans la lettre de mission 2021-2022 de la direction générale