La CTC passe au crible les comptes et la gestion du Port autonome

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La Chambre territoriale des comptes (CTC) a passé les comptes et la gestion du Port autonome de Papeete (PAP) de 2018 à 2022 au peigne fin. La CTC tance une fiabilité "perfectible" des comptes de l'établissement et de maigres améliorations depuis son précédent rapport, datant de 2018.

Publié le 05/07/2023 à 15:57 - Mise à jour le 05/07/2023 à 16:45

La Chambre territoriale des comptes (CTC) a passé les comptes et la gestion du Port autonome de Papeete (PAP) de 2018 à 2022 au peigne fin. La CTC tance une fiabilité "perfectible" des comptes de l'établissement et de maigres améliorations depuis son précédent rapport, datant de 2018.

La CTC s’est penchée sur les comptes et la gestion de l’établissement public industriel et commercial du Port autonome de Papeete (PAP) de 2018 à 2022. Entre manque de préparation des projets d’investissements et faible vision stratégique, la Chambre dresse six recommandations au PAP.

3 opérations réalisées sur les 11 prévues depuis 2011

Adopté par le conseil d’administration en juillet 2011, le schéma directeur d’aménagement des installations du Port autonome sur 10 ans (2011-2021) n’a pas pleinement porté ses fruits.

« Sur les 11 opérations, seules 3 d’entre elles ont été effectivement réalisées », précise la CTC. À savoir, l’extension du quai de cabotage n°3, la requalification du poste « Nouveau Quai des Pétroliers » et l’aménagement de la zone de stockage des vides.

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« Le Port accumule ainsi, depuis plusieurs années, du retard dans la réalisation de ces principaux investissements alors même que ses réserves financières confortables lui permettaient de les réaliser » , tance la CTC. Ce à quoi la direction générale du Port, tout en reconnaissant les lacunes du schéma directeur, a répondu que « les projets les plus urgents ou les plus importants (avaient) été lancés dans une optique de croissance de l’activité portuaire ».

L’extension du Port côté EST a été en partie réalisée entre-temps avec l’inauguration du quai de Papeava en mai 2022.

L’explosion des coûts de l’esplanade Tu Marama

Située sur le front de mer Papeete, la réalisation de l’esplanade Tu Marama (1 hectare de restaurants, chemins de promenades arborés, espaces verts et zones de loisirs) a été plus coûteuse qu’initialement prévu. Le PAP avait voté un programme d’aménagement d’une marina au quai des yachts de Papeete pour 780 millions de Fcfp, augmentés en 1 milliard en 2014 puis 1,580 milliard en 2017 afin d’absorber les coûts des aménagements connexes à ceux de la marina, à savoir le bistrot du Port, le restaurant, les espaces publics. Une évolution « très significative » qui serait « le résultat d’un arbitrage par le Pays de ce projet fin 2016 », note la CTC.

Le coût final, de l’ordre de 1 milliard de Fcfp, « révèle l’évolution significative du projet initial (estimé à 400 millions de Fcfp ) en raison de modifications successives du programme à la demande du maître de l’ouvrage » , précise la CTC.

À noter que le coût de la double pirogue traditionnelle installée sur l’esplanade en juin 2022, subventionnée par le PAP, est passé de 20 à 28 millions de Fcfp pour des « ajustements et des imprévus rencontrés durant le chantier » , explique la CTC citant la commune de Taputapuatea. « Par ailleurs, sont à la charge du Port des frais d’entretien et de protection, pour l’instant non définis (notamment sa protection contre le soleil, les intempéries, le vandalisme) ni évalués, afin que la pirogue perdure dans le temps » , pour une durée d’exposition de 10 ans.

Quant à l’évolution des coûts liés aux investissements d’aménagement d’espaces, la Chambre porte des observations de même nature sur le projet de terminal de croisière international : « la Chambre observe qu’au fil des années, le projet de construction du terminal de croisières a connu plusieurs rebondissements de nature à changer des caractéristiques essentielles. Cette situation a entraîné des retards importants dans la réalisation de l’équipement et des coûts associés nouveaux importants (notamment la construction d’un parking souterrain pour un montant évalué à 1 milliard de Fcfp) ou inutiles parmi lesquels figurent ceux liés à la résiliation du premier marché de maîtrise d’œuvre (de l’ordre de 29 millions de Fcfp financés dès lors en pure perte) »

Un changement de direction générale coûteux

En poste du 14 septembre 2016 au 30 septembre 2018, l’ancien directeur du PAP Georges Puchon bénéficiait, en complément de son salaire, de la prise en charge de ses divers frais d’abonnement et de communications téléphoniques et d’internet (jusqu’à concurrence de 30 000 Fcfp par mois) et de son véhicule de fonction, ainsi que ses frais de carburant.

Il bénéficiait également d’une prime de fin d’année de 325 000 Fcfp et d’une indemnité de capital retraite. Cela, alors que l’APF avait pris en 2016 des dispositions relatives aux agents publics occupant des emplois fonctionnels, dont fait partie le directeur du PAP, précisant que leur « rémunération tient compte des sujétions inhérentes à leur emploi et exclut le versement de toute autre prime ou indemnité servie dans le cadre du service ou de l’établissement public qu’ils dirigent ».

En somme, le contrat de travail de Georges Puchon était irrégulier, note la CTC, en ce qu’il ne respectait pas « les limites de rémunération prévues » . Le montant global brut de son dernier bulletin de salaire, incluant l’ensemble des primes en plus de son traitement indiciaire mensuel, s’est élevé à 11,78 millions de Fcfp, soit 8,82 millions de Fcfp après retenues et cotisations.

Le contrat Jean-Paul Le Caill, succédant à M. Puchon, comportait les mêmes irrégularités. Un contrôle auquel ont failli l’ensemble des instances chargées de vérfifier les termes du contrat, puisque « ni le conseil d’administration en approuvant les conditions de rémunérations, ni le président du conseil d’administration en signant le contrat de travail, ni le ministre en charge de la tutelle de l’établissement en ne formulant aucune observation, ni le conseil des ministres en rendant exécutoire par arrêté la décision du conseil d’administration, n’ont exercé le contrôle de la régularité des clauses du contrat, non conformes aux dispositions de la délibération de référence de l’APF » .

Pas de stratégie à long terme

Si un plan pluriannuel de 38 milliards de Fcfp d’investissements avait été validé par le CA en 2021, le Port ne l’a entériné que fin 2022, note la CTC. Selon le budget prévisionnel 2022 voté, le Port a mobilisé une grande partie de ses réserves disponibles et recouru à trois gros contrats d’emprunt (8,3 milliards de Fcfp) pour financer le terminal de croisière international, rénover le quai au long cours construit en 1960, et l’extension du quai de cabotage n°6 pour désengorger le trafic.

Des travaux priorisés sur des critères d’ « ancienneté du projet » , de  « saturation »  ou de « sécurité des installations » mais pas sur du développement propre, déplore la Chambre. Elle conseille en outre au PAP de revoir sa politique de développement, d’autant plus stratégique « dans le contexte international actuel de forte tensions en ce qui concerne les approvisionnements par la voie maritime ».

Le conseil portuaire insuffisamment impliqué dans la gouvernance

Toujours selon la Chambre, ces perspectives pourraient être élargies par un recours plus fréquent à l’avis du conseil portuaire. Cet organe consultatif, composé de 12 membres dont les différents représentants professionnels exerçant sur le Port, permettrait de faciliter la prise de décision au contact du terrain.

Or, « aucune réunion ne s’est tenue ni en 2021, ni jusqu’à la mi 2022 alors même que des travaux structurants et financièrement très élevés viennent d’être engagés par l’établissement » , note la CTC. Une sollicitation qui paraît « d’autant plus essentielle qu’il n’existe aucune autre instance de concertation mise en place dans les statuts de l’établissement alors même que par leur contribution les socioprofessionnels participent au développement et à la pérennité de l’outil portuaire ».

Renforcer les contrôles des atteintes à l’environnement

Si le PAP a par exemple interdit les opérations de déballastage et acquis, fin 2021, un bateau ramasseur de déchets flottants pour nettoyer la rade de Papeete, le schéma de transition écologique et énergétique réalisé en 2020 pose un diagnostic sans appel : « quasiment tout reste à faire ».

En matière d’assainissement des eaux usées, 10% de la zone seulement est raccordée à une station d’épuration, les modes de transport doux et transports en commun sont « quasiment inaccessibles » aux alentours du Port, et les dépôts sauvages y sont « nombreux ». En outre, la Chambre préconise au PAP de  « rendre opposable à l’ensemble des occupants » sa politique dans le domaine environnemental et de protection de la biodiversité, « soit par l’exercice de son pouvoir de police spéciale dans la zone, soit de manière contractuelle en intégrant des clauses spécifiques dans les contrats signés avec les prestataires ou utilisateurs ».

LES RECOMMANDATIONS DE LA CTC:

Recommandation n° 1 : Définir et valider, dès à présent, la stratégie de développement pluriannuelle du Port Autonome de Papeete.

Recommandation n° 2 : Réunir, dès à présent, le conseil portuaire afin de solliciter son avis conformément au statut de l’établissement.

Recommandation n° 3 : Revoir, dès 2023, les modes opératoires de définition préalable des besoins pour les opérations structurantes d’investissements.

Recommandation n° 4 : Mettre en place, dès 2023, un plan pluriannuel de formation.

Recommandation n° 5 : Augmenter, dès 2023, les ressources liées à la gestion domaniale par la refonte de la politique tarifaire de l’établissement.

Recommandation n° 6 : Mettre en place, dès à présent, une politique globale de maîtrise des charges fixes de l’établissement.

Consultez le rapport complet en cliquant ICI

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