TNTV : Si le sous-amendement n’est pas adopté au Sénat et que la taxe est appliquée en Polynésie, dans quelle mesure cela mettrait-il en difficulté le secteur de l’aérien local ?
Philippe Marie, PDG d’Air Tahiti Nui : « Il est certain que si cette taxe était maintenue, cela ré-enchérirait la destination de la Polynésie française, ce qui ne serait pas bon pour la destination qui est déjà une destination assez chère. Nous espérons que la navette entre l’Assemblée nationale et le Sénat, après la vérification par le Conseil constitutionnel, arrive à valider l’exonération pour les collectivités locales, en tout cas en termes de compagnie et de destination de cette taxe, car cela ne serait qu’au détriment de notre destination qui n’en a pas besoin » .
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TNTV : Vous tirez la sonnette d’alarme ?
P.M : « Ce n’est pas qu’un sujet Air Tahiti Nui, c’est un sujet pour tous les transporteurs aériens qui desservent la Polynésie française. Nous avons d’autres destinations, d’autres marchés, il ne faut pas le perdre de vue, qui sont beaucoup plus attractifs et moins chers en transport comme en logement. Il faut que l’ensemble des acteurs fassent très attention aux décisions qui sont prises et à ne pas déclasser la destination par rapport au marché mondial » .
TNTV : Autre actualité qui vous concerne, la proposition de loi de Pays déposée jeudi dernier par Tony Géros. Elle prévoit que le directeur général d’une SEM devra être choisi en dehors des administrateurs et actionnaires de la société. Qu’en est-il vous concernant, si le texte est adopté ?
P.M : « Nous allons d’abord laisser le débat sur cet amendement qui amène à une dichotomie de la gouvernance des SEM avec un président du conseil d’administration et un directeur général. Je rappelle que la délibération existante sur les SEM permet déjà ce choix, mais là, ça serait de le rendre obligatoire. On va attendre les débats, les décisions et à ce moment-là, quand cette décision sera prise, on en discutera avec le conseil d’administration pour l’appliquer au sein d’Air Tahiti Nui et de voir les meilleures solutions possibles » .
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TNTV : On imagine que ce serait certainement Mathieu Bechonnet – DG d’Air Tahiti Nui – qui prendrait le relais, vu qu’il n’est pas dans la même situation que vous avec cette double casquette.
P.M : « C’est le conseil d’administration qui décide la pertinence de la direction ou de la future direction d’Air Tahiti Nui » .
TNTV : Quand vous avez pris vos fonctions le 1er juillet à la tête de la compagnie au tiare, vous avez annoncé vouloir redresser les comptes face à une concurrence accrue et des destinations déficitaires, comme Seattle ou le Japon. Quel est l’avenir de ces dessertes ?
P.M : « Les perspectives, ce n’est pas une décision, mais ça fait partie de la feuille de route que m’a fixée l’actionnaire majoritaire, qui est d’abord le rééquilibre des comptes. Très rapidement, on s’est attaché à l’étude analytique des routes pour comprendre les sources de ces déficits, ce qui nous a amenés à proposer une décision au conseil d’administration le 9 septembre, qui a été d’arrêter le Seattle – CDG, source de déficits importants, et de compenser par une ouverture plus importante de la route Japon. Je rappelle que les recettes des touristes japonais correspondent à plus de 3 milliards de francs sur le territoire, et que c’est la seule route sur l’Asie offerte à partir de la Polynésie française. Donc l’ensemble des acteurs touristiques sont très préoccupés au maintien de cette route, nous travaillons en ce sens. Air Tahiti Nui doit correspondre aux ambitions du Pays en matière touristique, et donc nous nous adaptons aussi à ses besoins » .
TNTV : ATN, c’est 2,9 milliards de pertes en 2022, 3,2 milliards en 2023, et des prévisions de 3 milliards de déficits en 2024. Le rapport de la CTC pointe du doigt le pilotage contradictoire de la compagnie par le Pays, à travers sa politique d’ouverture du ciel et son manque de développement touristique. Dressez-vous le même constat ?
P.M : « Je ne commenterai pas le sujet politique de ce dossier, mais il est vrai qu’il faut qu’il y ait une cohérence entre des marchés émetteurs qui soient en croissance. Il faut que l’hébergement soit au rendez-vous pour qu’il y ait des vrais leviers pour redresser nos compagnies. Le cumul des déficits nous a amenés à solliciter une injection au sein d’Air Tahiti Nui, puisque, comme vous l’avez dit, sur les cinq dernières années, c’est 22 milliards de pertes. Il était urgent, et d’un point de vue légal, de reconstituer les fonds propres afin de pouvoir travailler pour l’avenir » .
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TNTV : Depuis plusieurs mois, l’arrivée d’un nouvel actionnaire privé est évoquée. Où en êtes-vous ? Cela se concrétise-t-il ?
P.M : « C’est un sujet très précieux aux yeux du président, il souhaite que l’on avance rapidement sur ce sujet. Nous travaillons sur cet item. Nous avons des projections d’actionnaires, mais vous comprenez très bien qu’avant de les approcher, il faut qu’on nettoie un peu nos comptes, sans quoi ça va être quand même difficile de les convaincre de rentrer au sein d’Air Tahiti Nui » .