Taxe de développement locale (TDL), marge, quota : alors que les points responsables de la vie chère ont clairement été identifiés par le colloque des 19 et 20 mars à Tarahoi, difficile pour les acteurs économiques de ne pas se sentir visés.
Le patron du Medef, Steeve Hamblin, n’a pas hésité à le faire savoir lors du débat sur notre antenne, hier soir. « Le Medef se désolidarise complètement des recommandations qui ont été faites, parce qu’on ne s’est pas retrouvés (…) Aucune recommandation au sujet des taxes, là où l’on aurait dû passer du temps » , lance-t-il, partageant le constat dressé par le Syndicat des industriels de Polynésie (Sipof), pour qui les conclusions du rapport ne reflètent pas fidèlement les discussions.
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« Je considère que le débat a été un petit peu orienté et, d’ailleurs, les conclusions, à mon sens et au sens de beaucoup, ne reflètent pas tout à fait ce qui a été dit dans les commissions, plaide le président du syndicat, Bruno Bellanger. Prenez le rapport, sur les points qui font soi-disant consensus, il y en a beaucoup sur lesquels il n’y en a pas. Donc, on est très étonnés« . Il s’étonne également des liens entre le cabinet Isle (Institute for Small Markets in Law & Economics) et l’autorité polynésienne de la concurrence. « Il y avait quand même beaucoup de conclusions qui ramenaient à plus de pouvoirs à l’APC, plus de renforts » fait remarquer le responsable.
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« Dégraisser le mammouth »
Par ailleurs, les patrons considèrent avoir fait leur part d’effort. Et renvoient la balle dans le camp de l’administration, pointant du doigt le poids de sa masse salariale. « Nous estimons que l’administration polynésienne coûte 50 à 100 milliards de trop chaque année. C’est là que se trouve la surmarge, pas dans les entreprises, insiste Steeve Hamblin. Nous avons fait des efforts (…). Ce que nous espérons, c’est que les dizaines de milliards que le Pays a aujourd’hui en caisse, qu’il le rende à l’économie, qu’il le rende aux pauvres, au travail, aux entreprises (…). Aujourd’hui, on ne voit pas des grands projets sortir » . Et le patron du Medef d’ajouter : « De quelle manière pouvons-nous alléger ce mammouth ?C’est un sujet tabou en Polynésie » .
Des propos que l’élue Tapura Tepuraraurii Teriitahi s’est empressée de nuancer. « C’est vrai que la masse salariale est importante au niveau du Pays et que, dans les dispositions qui sont prises aujourd’hui, on fait tout pour l’alléger. Mais de là à dire qu’on dirait que ces 6 000 mammouths sont presque inutiles, je pense que les mots sont forts (…). Ces 6 000 personnes, ce sont 6 000 consommateurs« , note-t-elle.
Et pour soulager le portefeuille des consommateurs, le ministre de l’Économie compte bien réformer la fameuse TDL. « Il y a des productions locales qui ont presque toutes les parts de marché. Donc, effectivement, ça n’a pas de sens de mettre une TDL sur la production importée« , assure Warren Dexter. Je n’ai pas envie de faire ce travail dans le but de viser des groupes de sociétés. Je dis que la TDL doit être adaptée aux vrais besoins de protection du marché, ça peut concerner des grands groupes comme des petites PME » .
Des marges « pas forcément déraisonnables », selon Warren Dexter
Le ministre relativise en revanche le poids des marges sur la vie chère, estimant que les entreprises sont visées « à tort ». « Si vous allez regarder les récentes publications de l’IEOM, les marges moyennes en France métropolitaine représentent 40%. On n’est pas très loin devant avec 44%. C’est souvent démultiplié entre plusieurs opérateurs, importateurs, détaillants. On voit que les marges, quand elles sont réparties, ne sont pas si importantes que ça. Ce n’est pas forcément une problématique en soi. Les marges ne sont pas forcément déraisonnables en Polynésie contrairement à une idée reçue« .
Selon le ministre, les discussions sur la TDL devraient reprendre dès le mois d’avril. Mais dans un marché concentré comme celui de l’économie polynésienne, ce sont aussi les pratiques anticoncurrentielles qui sont dans le viseur du ministère. « L’autorité polynésienne de la concurrence est là pour les sanctionner (…). On sait que les entreprises victimes ne veulent pas dénoncer, pour X raisons » reconnaît le ministre. « Donc, il faut qu’on trouve un moyen de savoir comment on peut transmettre l’information à l’APC sans que cela mette en péril les entreprises qui dénoncent« .