Warren Dexter : « L’économie, je le dis, est menacée par le social »

Publié le

Après l’ouverture de la première session budgétaire de l’Assemblée, le ministre de l'Économie, du Budget et des Finances était l’invité du journal de TNTV, ce jeudi soir. Pour Warren Dexter la situation financière de la Polynésie est en « nette amélioration » : « sur un bon nombre de sujets, on est les meilleurs élèves de toutes les collectivités d'outre-mer ». Mais « l'économie est menacée par le social ». La création d’emplois est donc selon lui « la grande urgence » pour répondre à « l’inflation des coûts sociaux ». Interview.

Publié le 20/09/2024 à 9:57 - Mise à jour le 20/09/2024 à 10:55

Après l’ouverture de la première session budgétaire de l’Assemblée, le ministre de l'Économie, du Budget et des Finances était l’invité du journal de TNTV, ce jeudi soir. Pour Warren Dexter la situation financière de la Polynésie est en « nette amélioration » : « sur un bon nombre de sujets, on est les meilleurs élèves de toutes les collectivités d'outre-mer ». Mais « l'économie est menacée par le social ». La création d’emplois est donc selon lui « la grande urgence » pour répondre à « l’inflation des coûts sociaux ». Interview.

TNTV : Lors de l’ouverture de la session budgétaire, ce jeudi, à l’Assemblée, les élus de l’opposition ont déploré un discours creux, sans orientation et sans axe. Pensez-vous que les annonces faites par Moetai Brotherson répondent aux urgences du Pays et aux attentes de la population ?

Warren Dexter : « Oui. Je pense que c’est comme une déclaration de politique générale qui reste dans le prolongement de ce qu’il avait annoncé l’année dernière. Après, sur les propos de l’opposition, je rappelle qu’on est en démocratie. Ils sont dans leur rôle à forcément voir le négatif sur tout ».

TNTV : Une grande partie du discours de Moetai Brotherson était consacrée au bilan de cette année et demie de mandature. Il a affirmé que tout va mieux. Faites-vous les mêmes constats pour ce qui est de l’activité économique du Pays ?

– PUBLICITE –

Warren Dexter : « Bien sûr. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à se reporter aux publications de l’ISPF et de l’IEOM. Le constat est sans appel. Il y a une nette amélioration. On sait même que sur un bon nombre de sujets, on est les meilleurs élèves de toutes les collectivités d’outre-mer, que ce soit le remboursement de la PSG, le taux de défaillance des entreprises. Le combat n’est pas terminé sur l’inflation, parce qu’on nous dit qu’elle a stoppé, mais pour autant, les prix ne rebaissent pas. Donc, le combat continue et on ne va pas lâcher l’affaire. On continue à proposer des choses pour le bien de la population ».

TNTV : Pour l’année à venir, le cap budgétaire du gouvernement reste inchangé. Dans son discours, Moetai Brotherson a rappelé ce qui a été fait. Je cite « ramener l’inflation à un niveau plus qu’honorable, la stabilisation du pouvoir d’achat ou encore la progression du PIB ». Mais il n’y a pas eu beaucoup d’annonces concrètes. Cela signifie qu’il n’y aura pas de nouveautés, pas de grands changements en 2025 ?

Warren Dexter : « Si, il y aura des changements. Par exemple, il a annoncé, juste à côté de chez vous, la nouvelle école qui va s’ouvrir pour les métiers du numérique et de l’audiovisuel. On sait qu’il y a une grande plus-value à tirer pour procurer du travail à nos enfants dans ces secteurs-là. Ça, c’est une mesure concrète. Après, pour les archipels, on continue nos efforts en investissements. Dans les premières enveloppes qu’on a demandé au ministère de respecter, on a prévu 152 milliards de francs de budget en fonctionnement, avec notamment 38 milliards pour tout ce qui est aide et soutien, que ce soit à la population, dans divers dispositifs au travail d’associations dans le domaine du social et du sport, de la jeunesse. En investissement, on a prévu 32 milliards de francs, soit 2 milliards de plus que l’année dernière. Je pense qu’on est sur la bonne voie. On continue notre petit bonhomme de chemin pour démontrer qu’on va arriver à de bonnes choses ».

TNTV : Le président du Pays a affirmé que vous avez rétabli le lien avec les acteurs économiques. Et le Medef se réjouit qu’il y ait davantage de concertation. De leur côté, les élus de l’opposition ont l’espoir de réussir à mieux travailler avec vous plutôt qu’avec votre prédécesseur. Cela vous conforte dans votre position ? Vous pensez pouvoir être à la hauteur de leurs attentes ?

Warren Dexter : « J’espère bien. Je le dis depuis le début (…) qu’on ne peut rien faire sans rétablir la confiance. Les entreprises font l’économie de ce pays. Donc on ne peut pas se permettre de se les mettre à dos. À un moment donné, forcément, il faut s’assoir autour de la table et trouver des solutions. Parce que, pour moi, la grande urgence du moment, et ça a été celle aussi du précédent gouvernement, c’est la création d’emplois. Parce qu’aujourd’hui, l’économie, je le dis, est menacée par le social. Je pèse mes mots. Le sénateur Rohfritsch en parlait. Les dépenses de la PSG continuent d’augmenter. A un moment donné, l’économie ne pourra plus financer tout ça. Donc il faut créer de l’emploi parce que c’est la meilleure réponse à cette inflation des coûts sociaux ».

TNTV :  Dans une interview, le président du Medef a expliqué que la Banque centrale américaine a abaissé ses taux d’intérêt de 0,5%. Ça montre qu’aux États-Unis, ils ont conscience qu’une récession est en train de naître. Steeve Hamblin a affirmé que le rôle du Medef est de sensibiliser l’exécutif pour ce changement qui devrait intervenir en 2025. Il a ajouté qu’une récession comme celle-là risque de perturber notre économie locale et qu’il aurait aimé que le Pays propose des ajustements pour y faire face. Que lui répondez-vous ?

Warren Dexter : « J’ai eu l’occasion de lui dire en face. Ses annonces contrarient un petit peu ma position qui consiste à rassurer les entreprises. Parce que c’est de nature à créer un climat anxiogène pour les entreprises. Donc ce n’est pas bon pour l’investissement et l’embauche. Pour couronner le tout, j’ai fait vérifier ses assertions par les experts de l’ISPF et même de l’IEOM. Le dossier est même monté à Paris. Ils me disent qu’effectivement, il y a quelques signaux défavorables qu’on aperçoit sur la scène internationale, notamment la baisse des taux directeurs de la Banque fédérale américaine. Mais ces signaux, me disent-ils, ne sont pas suffisamment graves pour augurer une crise internationale. C’est trop tôt pour en parler. Pour moi, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Mais je peux comprendre qu’un chef d’entreprise veuille anticiper ces choses-là et se prémunir contre une éventuelle crise internationale. Parce que c’est vrai que Steeve Hamblin me rappelait que la crise des subprimes en 2008, personne ne l’a vu venir. Ça, c’est aussi vrai ».

TNTV : La compagnie Air Moana est dans une situation délicate. Il lui faudrait 4 milliards de francs pour garantir la poursuite de ses opérations. Le président du Pays a annoncé avoir fait tout ce que la loi lui permet pour l’aider. Cela signifie que vous n’avez plus aucune carte à jouer ?

Warren Dexter : « Bien sûr que si, on a des cartes à jouer. Moi, ce que je voudrais rappeler, d’ailleurs, le président l’a dit, c’est important, c’est que c’est un des dossiers qu’on soutient depuis qu’on est arrivés aux affaires en mai 2023. Quand on est arrivés, les avions d’Air Moana n’étaient pas éligibles à la défiscalisation. Donc, on a modifié la réglementation pour qu’ils soient éligibles. Ils ont aussi obtenu une défiscalisation pour les 3 prochains avions qu’ils vont acheter. En termes de dépenses fiscales, c’est 3 milliards de francs qu’on met dans ce projet. Ensuite, nous avons demandé à la Sofidep de mettre au capital 0,5 milliard de francs pour soutenir la compagnie. Quand la compagnie est revenue nous voir pour nous dire qu’elle avait toujours des difficultés, on a mandaté un cabinet d’expertise parisien pour savoir combien d’argent il faudrait mettre pour sauvegarder l’outil durablement. Et il nous a été répondu, effectivement, 4 milliards. Cela aurait été un soutien abusif que le Pays mette 4 milliards de francs, même la moitié. Donc, on a estimé que 1 milliard, c’était un soutien raisonnable. Et c’est la proposition qu’on a faite à Air Moana. A charge pour elle de retrouver les 3 milliards restants. La grande difficulté que nous avons, c’est qu’en dépit de ce soutien du Pays, les banques sont réticentes à suivre. On peut le comprendre parce qu’il y a beaucoup de signaux défavorables. Il y a des problèmes au niveau de la gouvernance. Les stratégies commerciales n’ont pas été bonnes. En plus, ils se sont mis en procédure de conciliation au tribunal de commerce. Ça, c’est la chose qu’il ne fallait surtout pas faire pour avoir la confiance des banques. On essaie de recoller les morceaux. Mais on a encore des cartes à jouer pour sauver cet outil ».

TNTV : Il y a une autre proposition qui pourrait être envisagée. Le Pays est actionnaire d’Air Tahiti. Si Air Tahiti devient à son tour actionnaire d’Air Moana, le Pays le sera donc indirectement. Est-ce une solution que vous envisagez ?

Warren Dexter : « C’est envisageable. Maintenant, il faut savoir qu’on n’est pas du tout majoritaire à Air Tahiti. Donc, ce n’est pas nous qui aurions le fin mot. Je ne sais pas si ça peut être dans les intentions d’Air Tahiti, mais c’est un scénario à exploiter, effectivement, si on n’arrive pas à sauver la compagnie, bien sûr ».

Dernières news

Activer le son Couper le son