C’est lors d’une première mission en 2022 que des équipements de collecte de données ont été posés à Taiaro. Des installations retirées lors d’une seconde mission en février 2024. Les premiers résultats doivent permettre de mesurer à quel point le lagon est isolé de l’océan. Car il n’existe aucune passe, seulement des hoa, des petites failles dans le récif que l’on appelle aussi des fausses passes. Conséquence : les valeurs de salinité dans le lagon tout comme sa température sont plus élevées que la normale.
Un lagon plus salé et plus chaud
« L’objectif de cette mission, c’était à la fois d’avoir une bouée à l’extérieur, pour avoir la qualité de l’eau et les caractéristiques de l’eau océanique. Et à la fois, d’avoir une bouée à l’intérieur, pour caractériser l’eau lagonaire. Cette bouée était en face de deux hoa potentiellement fonctionnels pour voir si, effectivement, il y avait de l’entrée (d’eau, NDLR). Puis nous avions, dans le hoa, au niveau de la partie la plus basse du hoa, des équipements pour mesurer les quantités d’eau et le potentiel flux d’eau qui pourrait être rentrant. L’opération était vraiment de mesurer le taux de renouvellement et à quel rythme finalement, on pouvait avoir des événements qui allaient entrainer des remplissages du lagon par de l’eau océanique » explique Serge Planes, directeur de recherches au CRNS-CRIOBE.
Selon les premières données, il n’y a pas eu d’entrée d’eau dans le lagon depuis plus d’un an. Mais la présence de flotteurs, inexistants lors de la précédente mission, laissent penser le contraire. Selon les scientifiques, ce sont des épisodes de fortes houles conjugués à du mara’amu, le vent de sud-est, qui provoqueraient les rares rentrées d’eau. Cette particularité de l’atoll de Taiaro n’est pas sans conséquence sur la biodiversité lagonaire.
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En trois décennies, les chercheurs ont constaté plusieurs faits marquants comme la disparition des bénitiers et la diminution du nombre de colonies coralliennes et d’espèces de coraux. Les 4 habitants de l’île rapportent également des épisodes de forte mortalité des poissons. Des événements certainement liés à des hausses de températures et à un manque d’oxygène dans le milieu, aussi appelé phénomène d’hypoxie. « Ce qui nous intéresse en premier lieu, c’est vraiment cette capacité d’adaptation. Il y a un cycle biologique qui doit se faire dans une zone fermée, donc est-ce que certaines espèces sont capables de faire ce cycle biologique complet, est-ce qu’on va retrouver des juvéniles ? Des très jeunes poissons ? […] C’est pour ça qu’on a prélevé certaines espèces de poissons à différents stades. Donc ce qu’on observe, c’est qu’on a tous les stades, ce qui sous-entendrait que pour certaines espèces, on a vraiment ce cycle qui se fait. Par contre, on se rend compte qu’il y en a très peu ; ce qui veut dire que le cycle se fait, mais que globalement il y a peu de succès ; ça ne marche pas à tous les coups, mais ça marche suffisamment pour maintenir la biodiversité du lagon ».
Comment les organismes vivants s’adaptent-ils à ce milieu particulier, au plan biologique, alimentaire, mais aussi génétique ? La question se pose aujourd’hui dans le lagon de Taiaro. Mais dans un contexte de réchauffement climatique, elle pourrait rapidement s’étendre à d’autres îles.