Agnès Benet : « ça semble tout à fait logique de défendre les baleines quand on est le deuxième sanctuaire au monde »

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Elle est à l'origine d'un sit-in à Papeete en soutien à Paul Watson. Agnes Benet est la fondatrice de l'association polynésienne de protection des cétacés Mata Tohora. Elle était notre invitée mercredi.

Publié le 05/09/2024 à 12:05 - Mise à jour le 06/09/2024 à 16:46

Elle est à l'origine d'un sit-in à Papeete en soutien à Paul Watson. Agnes Benet est la fondatrice de l'association polynésienne de protection des cétacés Mata Tohora. Elle était notre invitée mercredi.

Tahiti Nui Télévision : Nous recevons l’organisatrice du sit-in, qui est également la fondatrice de l’association Mata Tohora. Il y a eu une vague de soutien mondial à Paul Watson. Grâce à vous, le mouvement a eu de l’écho jusqu’au fenua. Pourquoi avoir pris cette initiative ?
Agnès Benet, fondatrice de l’association de protection des cétacés Mata Tohora : « Tout simplement, en tant que fondatrice d’une association de protection des mammifères marins, ça me semblait évident de participer à cet événement, de le créer, puisqu’on s’est rendu compte qu’il n’y avait rien de créé. Et avec Lamya Essemlali (militante écologiste, NDLR) qui est devenue une amie au fil du temps et avec qui je collabore, on s’est dit qu’il fallait mettre en place quelque chose pour Paul. Donc c’est avec le soutien du président du Pays que tout cela a pu se faire rapidement, puisqu’en fait, on a commencé à mettre en place cela lundi, sachant que son jugement était (mercredi, NDLR) pour le Danemark. Donc on remercie vraiment les personnes qui sont venues et notamment toutes les personnes qui nous ont aidées. Et la deuxième raison pour faire ce mouvement, c’est que la Polynésie est le deuxième sanctuaire au monde par sa taille pour la protection des baleines. Donc ça semble tout à fait logique de défendre les baleines quand on est le deuxième sanctuaire au monde. »

TNTV : On est en septembre, en plein milieu de la saison des baleines. En 2025, la réglementation va évoluer. Nouvelle plage horaire d’approche, nouvelles restrictions autant pour les plaisanciers que pour les prestataires. Comment voyez-vous ces évolutions ?
Agnès Benet : « Alors les évolutions sont à la fois encourageantes et inquiétantes. Encourageante parce qu’il y aura quand même un quota au niveau des bateaux, parce qu’aujourd’hui, on dépasse la cinquantaine sur Moorea au niveau des prestataires de service pour l’observation des baleines. En revanche, on a vu dans le nouvel arrêté l’interdiction pour les observateurs plaisanciers qui ne pourront pas s’approcher à moins de 300 mètres, c’est-à-dire en dehors de la zone d’observation. Donc en fait, s’il y a quand même toujours du mouvement autour des baleines, que ce soit un bateau de prestataires ou un bateau de plaisance, les baleines n’auront pas forcément plus de repos. Et nous, ce que l’on a demandé, c’est qu’il y ait un moment de quiétude, un moment de repos, à ne pas confondre avec le sommeil. Les baleines se reposent toute la journée, elles sont là pour se reproduire, mettre bas, et donc beaucoup, beaucoup de repos. S’il y a toujours des bateaux en permanence autour d’elles, quoi qu’il en soit, elles ne seront pas au repos. »

TNTV : On le sait, vous l’observez, la réglementation en vigueur n’est pas toujours respectée. Comment améliorer cette situation selon vous ?
Agnès Benet : « La seule façon de faire respecter une réglementation, c’est de mettre des agents assermentés et de mettre en place une brigade. Ça rejoint tout à fait la question de Paul Watson. Si les États internationaux avaient respecté la loi internationale qu’ils ont votée eux-mêmes en la faisant appliquer, Paul Watson, aujourd’hui, ne serait pas en prison. Donc, on est toujours un peu dans le même cas, en fait. C’est que des lois sont votées, mais pas appliquées. Donc la seule façon de faire appliquer une loi, c’est d’avoir une brigade assermentée et qui soit le plus possible sur l’eau pour faire respecter la loi qui est votée par un pays. »

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TNTV : Le non-respect de cette réglementation peut avoir un impact dont on n’imagine pas forcément l’ampleur sur les baleines. Vous avez justement fait une étude éthologique sur le sujet.
Agnès Benet : « Oui, donc l’étude date maintenant de 2019. Donc les choses ont changé, c’est-à-dire qu’il y a encore plus de bateaux. Ce qui s’avère, c’est que sur Moorea, à cette époque-là, les baleines à bosse n’avaient que 28 minutes de temps de quiétude en moyenne sur 12 heures. J’ai commencé l’étude à 6 heures du matin, finie à 18 heures. Donc sur 12 heures, les baleines à bosse, on n’a pu enregistrer que 28 minutes de temps de quiétude dans un sanctuaire où elles sont censées se reposer. Donc là, c’est pour cette raison qu’on a demandé, comme dans certains pays d’ailleurs, où le whale-watching est fermé certains jours, le dimanche ou autres, où des plages horaires, l’après-midi par exemple, où les baleines pourraient ne pas avoir d’activité humaine autour d’elles, comme ça a été le cas avant à Moorea où elles ne sortaient que le matin. »

TNTV : Maintenant, on va se tourner vers l’avenir. Ce n’est pas encore signé, mais vous allez mener une grande étude sur la migration des baleines en 2025. Comment comptez-vous vous y prendre et quel sera son objectif ?
Agnès Benet : « Justement, si on veut plus comprendre les baleines, mieux les protéger, ça fait partie du travail de la protection, c’est de les étudier, de les comprendre, savoir par où elles passent, savoir qu’est-ce qu’elles vont faire pendant ce déplacement. Et on se rend compte, surtout aujourd’hui, tous les scientifiques qui travaillent sur les baleines dans le monde entier sont inquiets par rapport à la migration, parce qu’il y a de moins en moins de krill dans l’Antarctique. Et des baleines remontent dans nos eaux chaudes sans avoir fait le plein de leur graisse et sont en déficit de masse corporelle. Elles perdent 10 tonnes à la fin de la saison, ici en Polynésie, donc un tiers de leur poids. Et si, lorsqu’elles redescendent en Antarctique, elles n’ont pas assez de graisse pour remonter, chaque année avec du poids en moins, à un moment donné, elles vont finir par mourir de faim, ce qui a été observé dans les eaux autour de Hawaii. »

TNTV : Une étude qui sera donc à suivre. Merci beaucoup, Agnès Benet, d’avoir accepté notre invitation.

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