Aux Marquises, une opération de dératisation par drone

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Lutte contre la Petite fourmi de feu, mais aussi opérations de dératisation. Plus pratiques, maniables et moins coûteux que des hélicoptères, les drones sont de plus en plus utilisés dans le domaine de la préservation de l'environnement. Une campagne inédite de dératisation par drones aura bientôt lieu aux Marquises.

Publié le 24/06/2023 à 19:00 - Mise à jour le 25/06/2023 à 10:14

Lutte contre la Petite fourmi de feu, mais aussi opérations de dératisation. Plus pratiques, maniables et moins coûteux que des hélicoptères, les drones sont de plus en plus utilisés dans le domaine de la préservation de l'environnement. Une campagne inédite de dératisation par drones aura bientôt lieu aux Marquises.

Drones contre rats… Une campagne d’éradication va être lancée aux Marquises, sur trois motu de l’île de Ua Pou. Introduit par l’Homme lors des premières migrations, le rat polynésien menace plusieurs espèces d’oiseaux du fenua.

Tehani Withers, chargée de projet pour la restauration des îles et membre de la société d’ornithologie de Polynésie Manu, travaille depuis plusieurs années sur cette opération. « En Polynésie, il y a trois rats introduits par l’Homme : le rat polynésien, le rat noir et le roi norvégien. Le rat noir est presque sur toutes les îles habitées et le rat norvégien est sur les grandes iles comme Tahiti. Le rat polynésien est presque sur tous les motu que les gens utilisaient avant pour la pêche, la récolte des œufs, des plumes, etc. C’est pour ça que sur beaucoup des motu qui sont intéressants pour les oiseaux marins, il y a des rats dessus. »

Le rat s’attaque aux oiseaux et en particulier à ceux qui nichent au sol ou dans des terriers comme les pétrels, les puffins ou les océanites. « Il mange surtout les œufs et les poussins, et pour les puffins, ils mangent même l’adulte ». Ces oiseaux ont donc fui les motu. Éliminer les rats permettrait de les faire revenir dans leurs habitats.

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Pour cette dératisation, c’est donc le drone qui a été choisi. Une technique qui a fait ses preuves ailleurs : aux Galapagos, à Wallis-et-Futuna, mais aussi ici au fenua aux Gambier, et sur un atoll des Tuamotu. Pour cette dernière opération, l’institut Louis Malardé a été sollicitée. « On est très intéressés par la diversification des applications de ces moyens de lâcher d’épandage par des voies aériennes, confie Hervé Bossin, directeur du laboratoire d’entomologie médicale. Très clairement, les drones seront des méthodologies d’avenir dans les travaux que l’on mène sur le terrain. » L’ILM s’intéresse aussi aux drones dans le cadre de ses travaux sur la lutte contre les moustiques. Les drones permettent de faire de la « télédétection », des mesures, captures d’images à haute résolution, « de pouvoir mieux préparer les opérations et de réaliser les traitements. C’est une technologie innovante. »

Sans incidence à long terme pour la pêche

C’est la première fois que ces engins volants vont être utilisés dans une opération de dératisation aux Marquises. Le drone permet de larguer les appâts pour les rats dans des zones difficilement accessibles à pied ou en hélicoptère. « Dans certaines îles éloignées, escarpées, on a très clairement un bénéfice à utiliser les drones. Il y a évidemment des contraintes qui s’imposent à l’utilisation des drones. Ils volent moins loin, sur des durées de temps moins importantes. Mais, l’utilisation de ces drones sur des îles particulières est vraiment très intéressante en matière de coût et de bénéfice. »

L’opération de Ua Pou, menée par la SOP Manu, est financée par l’Union européenne et le programme Protege. Elle devrait se dérouler fin août et durer environ trois semaines. Un projet qui nécessite une logistique importante… et un grand bateau. Le Kaoha Tini a été sollicité. « Le drone sera sur le bateau, détaille Tehani. Il y aura une plateforme construite pour que le drone puisse s’envoler du bateau jusqu’au motu. Les pilotes peuvent rester sur le bateau. Ils n’ont pas besoin d’aller sur le motu. (…) Il faut que ce soit stable. C’est pour ça qu’on a un grand bateau comme le Kaoha Tini. C’est pour que le drone puisse s’envoler. Il faut que ce soit assez calme. C’est important qu’on ait les bonnes conditions météo. »

Le Kaoha Tini. Archives Tahiti Nui télévision

Deux lâchers d’appâts de raticide sont prévus avec un intervalle d’une semaine. Le produit utilisé n’a pas d’incidence directe sur l’écosystème. « Ce n’est pas quelque chose qui va rester dans l’eau. (…) Mais pour les crabes, ça ne leur fait rien, mais si quelqu’un le mange ensuite, cela peut avoir des conséquences », explique Tehani qui est allée à la rencontre des hakaiki pour les sensibiliser. « Après l’opération de raticide, la pêche au crabe devra être suspendue durant 6 mois. Avec l’institut Louis Malardé, on fera des suivis du crabe donc on fera en sorte qu’il n’y ait pas de raticide dans le système avant d’ouvrir la pêche. Mais en 6 mois, en général, les crabes ont mangé autre chose. Le raticide ne reste pas longtemps. »

Les résultats de l’opération de dératisation par drones devraient être visibles d’ici un an. Mais il faudra certainement plusieurs années avant que les oiseaux marins ne reviennent habiter les motu de Ua Pou. La SOP Manu prévoit d’autres opérations de dératisation, notamment à Rapa en fin d’année, mais cette fois, « à la main ».

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