C’est dès l’enfance, bercée par la nature et le monde animal qui l’entourent, qu’elle prend conscience de l’importance de préserver les écosystèmes naturels. Une intuition confirmée à mesure qu’elle grandit, et qui devient rapidement une évidence en constatant les dégâts causés par l’activité humaine : Chloé Pozas-Schacre deviendra scientifique dans l’optique de préserver l’environnement.
Quelques années plus tard, elle participe à une expérience de restauration récifale aux Seychelles, qui renforce définitivement sa détermination à œuvrer pour la préservation des récifs coralliens. Maggy Nugues, maître de conférences au Criobe depuis 2011, la prend sous son aile et l’invite à effectuer sa thèse sur le sujet suivant : « Effets des macro-algues sur la médiation chimique et microbienne du recrutement corallien et le microbiome du corail ». Un travail qui lui a valu le Prix Jeunes Talents France 2022 de la fondation l’Oréal et de l’Unesco pour les Femmes et la Sciences, avec 34 autres jeunes chercheuses d’exception.
En 2020, elle commence un intense travail sur le terrain, à l’Ouest de Moorea, où elle prévoit de rester un an et demi avant de rentrer dans l’autre laboratoire du Criobe, à Perpignan, où elle effectuera ses analyses. Tout est à mettre en place autour du récif, entre les relevés, le suivi et les échantillons à collecter.
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La nécessite d’une volonté politique pour limiter le réchauffement des océans
Elle se dit « émerveillée » par les colonies qu’elle observe, formant un récif résilient comme elle n’en avait pas vu depuis 2016 aux Seychelles. Mais à côté de cette beauté, elle constate aussi le corail soumis à trop de « stress », en train de mourir principalement à cause du réchauffement des océans. Elle affirme que cela passe nécessairement par la réglementation et la volonté des gouvernements de limiter l’impact sur le réchauffement des océans.
Autre stress lié à ce réchauffement, la présence (ou non) de certains poissons. Ces derniers ayant tendance à être des spécialistes (se nourrissant d’une combinaison limitée de proies), leur disparition pourrait constituer une menace pour la productivité totale de cet écosystème : « le blanchissement des coraux est multifactoriel »
Par ailleurs, elle confirme que les poissons de récifs ont un régime alimentaire beaucoup plus spécialisé que ce que l’on pensait auparavant. Cela suggère que de lors de l’extinction locale d’un poisson, leurs proies ne sont pas consommées par d’autres poissons, menaçant ainsi la productivité de tout le système.
Contre la « parachute science », les locaux sont les plus légitimes
Chloé insiste sur la nécessaire implication des populations directement concernées par le blanchissement des coraux. Elle évoque la « parachute science », ou l’importation hors contexte de méthodes scientifiques occidentales dans des pays insulaires, comme en Indonésie où les laboratoires européens et américains ont débarqué avec des méthodes peu inclusives.
Elle ne sent pas nécessairement légitime pour donner des directives sur la marche à suivre, son travail est bien celui d’une experte, dans l’observation et éventuellement la sensibilisation. Elle avoue qu’elle aurait « aimé rencontrer plus de polynésiens » le temps de ses recherches. Si elle a rencontré l’équipe du Fare Natura, et sent que l’implication des jeunes polynésiens est urgente pour préserver le patrimoine et la culture locale.
À l’avenir, elle espère voir des polynésien(ne)s se lancer dans des stages, dans la recherche au plus près de leur propre environnement, et s’approprier ces thèmes. Elle a d’ailleurs donné des cours à l’UPF, dans le cursus « Écologie du récif corallien ». Parce qu’elle est passionnée par son travail, Chloé suivra attentivement l’évolution des populations coralliennes, ayant laissé une partie d’elle sur chacune des îles où elle a travaillé. Et, si le voyage n’est pas donné, elle s’imagine déjà revenir voir le corail de Moorea de ses propres yeux.