L’eau, l’assainissement, les déchets : trois domaines qui relèvent principalement de compétences communales. Mais le rôle du Pays reste fondamental, souligne la Chambre territoriale des comptes, qui a examiné l’action de la Polynésie sur la période de 2015 à nos jours.
Pour que les communes puissent gérer au mieux ces trois domaines de compétences, le Pays doit en effet fixer les orientations via des politiques sectorielles. Il doit mettre en place la règlementation, procéder à des contrôles et sanctions. C’est également la Polynésie qui accorde les subventions aux projets communaux.
Mais la CTC note dans son rapport que « l’élaboration des politiques sectorielles eau, assainissement et déchets n’a pas été
finalisée au cours de la période de contrôle alors qu’elle est fréquemment annoncée comme une priorité. Ainsi, le schéma territorial de gestion et de prévention des déchets n’a pas été approuvé. »
– PUBLICITE –
Selon le code de l’environnement, les plans municipaux de gestion de déchets sont liés au schéma territorial de prévention et de gestion des déchets. En l’absence de validation d’un schéma territorial de prévention des déchets au niveau du territoire, les communes ne sont donc pas incitées à élaborer leurs plans municipaux de gestion des déchets. Selon les données de suivi du contrat de projets, seules 19 communes s’étaient ainsi dotées d’un plan de gestion des déchets fin 2019, et 13 l’avaient mis en œuvre, souligne la CTC.
Concernant la politique de l’eau et de l’assainissement, celle-ci a bien fait l’objet d’un plan d’actions détaillé… mais qui n’a pas été validé. Une absence de validation au niveau politique, qui a entraîné un « coût d’actualisation d’études préalables externes et internes ». Sans réel cadre, difficile pour les communes et Fenua Ma d’agir. C’est également le flou en ce qui concerne les priorités d’attribution des subventions aux communes.
La Chambre recommande au Pays « d’aboutir au plus tôt à la validation des politiques sectorielles » et souligne que « le Pays
n’a fait parvenir aucune réponse aux observations provisoires quant à la mise en œuvre de cette recommandation ».
Un mode de financement à revoir
Financièrement, ces domaines sont avant tout alimentés par le Contrat de projets. Mais les financements ont été mis en place alors que les priorités des politiques sectorielles n’ont pas été arrêtées relève la CTC.
La Chambre regrette que la fiscalité du Pays n’a pas été mobilisée pour le financement des projet environnementaux alors qu’un principe de traçabilité de la taxe pour l’environnement, l’agriculture et la pêche (TEAP) pour le financement des projets environnementaux avait été posé lors de sa création. Or le produit annuel de cette taxe, d’environ 2,9 milliards de Fcfp, est proche du montant total des crédits annuels programmés par le Pays sur une période de quatre ans au titre du contrat de projets.
Ce contrat de projets 2015/2020 constitue l’outil de financement dédié aux projets communaux en matière d’eau, d’assainissement et de déchets. Il porte sur un volume de projets pour un montant de 12 milliards de Fcfp financés à parité par l’Etat et la Polynésie française, avec un faible taux de participation des communes.
La CTC relève que l’élaboration du contrat de projets « n’a pas été précédée d’une évaluation du besoin de financement des projets communaux ». Le contrat de projets a essentiellement financé les opérations d’alimentation en eau, en particulier la réhabilitation des réseaux.
Le taux de financement des projets par le contrat de projets est de 90% du montant du projet. « Il est fonction du nombre d’habitants, alors même que certaines communes pourraient, compte tenu de leur situation financière, davantage
contribuer au financement des projets », estime la Chambre.
La CTC recommande de moduler davantage le financement des projets communaux en fonction de la capacité d’autofinancement et d’endettement des communes.
Infractions environnementales : moins de contrôle
Un modèle à revoir, et également d’un point de vue juridique. La CTC estime que le cadre défini par la Polynésie française, « mériterait d’être clarifié sur deux points :
- Les notions d’ordures ménagères et de déchets des ménages, organisant la répartition des compétences entre le Pays et les communes, devraient être mieux définies en concertation avec les communes.
- La réglementation en matière d’assainissement devrait préciser la définition de la conformité des installations d’assainissement.
La Chambre note par ailleurs que le contrôle des infractions environnementales est lacunaire. Elle souligne une absence de stratégie de contrôle, des effectifs limités chargés du contrôle des ICPE, une absence de remontées d’informations de la part des communes.
Le contrôle des infractions « a même régressé » alors que la réponse pénale se développe à l’initiative d’autres acteurs du territoire et non suite à des transmissions de la Polynésie française.
La Chambre recommande donc au Pays de se doter d’une stratégie de contrôle environnemental adaptée aux enjeux, et de mieux contrôler les installations d’assainissement collectif autonome.
La récupération de certains déchets a progressé
En matière de déchets, la récupération de certains déchets a progressé. Au cours de la période, le Pays a ainsi passé des marchés de récupération des véhicules hors d’usage aux Iles Sous-le-Vent et des marchés pour collecter et rapatrier à Tahiti pour traitement, les déchets ménagers spéciaux (piles, huiles, batteries) des communes situées en dehors du périmètre d’action du syndicat mixte de traitement des déchets Fenua Ma (piles, huiles, batteries).
Le rapatriement des déchets recyclables a également certes progressé sur la période, mais contrairement aux déchets ménagers spéciaux, le Pays ne propose pas de solutions aux communes pour la prise en charge du coût de transports des recyclables alors que l’importation de ces produits fait l’objet d’aides financières de la Polynésie française.
La Chambre recommande donc au Pays de réfléchir à la mise en place aides financières et/ou matérielles pour inciter les communes à rapatrier leurs déchets recyclables.
Des marges d’optimisation existent pour la collecte et le traitement des déchets d’activité de soins à risque infectieux (DASRI), notamment produits par les établissements de santé du Pays, et les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE).
Les financements du contrat de projets ont été essentiellement dédiés aux opérations d’optimisation de la collecte, plus qu’aux projets de traitement des déchets.
Les modes de traitement des déchets ont d’ailleurs peu évolué : l’enfouissement pour les ordures ménagères résiduelles et l’exportation pour les déchets recyclables. Le Pays ne joue pas un rôle moteur dans le réemploi des déchets recyclables au titre de sa politique « achats ».
La création de nouvelles déchetteries et la réhabilitation des décharges constituent deux problématiques majeures qui ont peu progressé au cours de la période. Pour les îles, la possibilité de création de centres d’enfouissements techniques simplifiés, désormais prévus par le Code de l’environnement, et qui permettraient de mettre fin aux dépotoirs sauvages, ne s’est
pas encore concrétisée.
En matière d’alimentation en eau potable, les investissements du contrat de projets ont été principalement affectés aux opérations de rénovation du réseau d’eau, ce qui semble cohérent avec la vétusté des réseaux et le taux de fuite (déperdition de la ressource). Compte tenu de l’importance de l’enjeu et des financements dédiés, le Pays gagnerait à mieux suivre le taux de rendement des réseaux afin d’examiner son évolution et les besoins restants.
L’assainissement des eaux usées a bénéficié de moins de financements du contrat de projet que les autres domaines (certains investissements sont toutefois subventionnés par le Pays hors de ce cadre ou par le Fonds européen de développement).
L’assainissement collectif public progresse lentement sur la zone urbaine de Tahiti en raison notamment d’une dynamique intercommunale encore peu développée. La connexion des communes de Arue et Pirae au réseau de Papeete est incertaine à ce stade (malgré l’annonce très récente d’une relance du processus), et la SEM d’assainissement des eaux de Tahiti à vocation
intercommunale, a finalement centré son action sur les eaux usées de la commune de Punaauia.
La commune de Faa’a, la plus peuplée de la Polynésie française, ne dispose pas de réseau d’assainissement collectif sur son territoire. Enfin, le contrôle du Pays sur les installations d’assainissement collectif autonome est défaillant.
Le service public de l’assainissement non collectif est pour l’instant quasiment inexistant. Les objectifs de création des SPANC montrent que les échéances du code général des collectivités territoriales (CGCT) risquent de ne pas être respectées pour de nombreuses communes.
Compte tenu de celles-ci pour la mise en œuvre du service de l’assainissement pour 2024, la Chambre invite le Pays à considérer ce domaine comme prioritaire dans le cadre de ses rôles de pilotage des politiques, de financement et d’accompagnement des communes.
La Chambre observe que la plupart de ses observations et recommandations formulées dans son rapport publié en 2017 consacré à l’environnement restent encore d’actualité pour l’eau, l’assainissement et les déchets.
Les années qui ont précédé la crise sanitaire n’ont pas été suffisamment mises à profit pour développer les politiques environnementales en matière d’eau, d’assainissement et de déchets.
Au sortir de la crise, la relance économique devra intégrer les nécessaires investissements dans ces domaines afin d’une part, de répondre aux légitimes besoins de la population et d’autre part, de ne pas dégrader l’image du territoire sur un marché touristique
mondial hautement compétitif.