Il ressemble à une petite montgolfière. Ce ballon déployé au-dessus du Nohu, la barge scientifique mobile du CRIOBE, scrute les habitudes des bébés requins depuis les airs. Véritable laboratoire sur pilotis, le navire s’est installé pour une semaine au large de Papetoai, à Moorea.
« Le principe de cette barge est qu’elle soit une base avancée du CRIOBE, un laboratoire flottant qui se rapproche au plus près du récif. Pour ça, il a fallu le stabiliser. Ils ont donc imaginé un système avec 4 pieds qui se déploient et se posent sur le sable. Ils vont pouvoir soulever le bateau qui se transforme en plateforme sur pilotis », explique Alexandre Merciere, ingénieur d’études au CRIOBE et coordinateur de la barge scientifique.
Et le chercheur de poursuivre : « Le ballon est équipé d’une petite caméra avec un grand angle. Il va être déployé à 50 mètres de hauteur et va pouvoir filmer environ une plage de 100 mètres par 100 mètres sur le lagon ».
– PUBLICITE –
« Cette méthode de filmer avec le ballon est quelque chose d’expérimental et de novateur », ajoute Tuiterai Salmon, étudiant en master de biologie et environnement au CRIOBE, « ce type de ballon a déjà été utilisé pour obtenir des données, mais sur la terre ferme. C’est la première fois que c’est fait sur le milieu marin ».
Ces observations menées depuis plusieurs années se déroulent toujours entre septembre et février, peu après la naissance des juvéniles.
« 8 requins sur 10 environ meurent dans les premiers 6 mois après la mise-bas. On veut essayer de comprendre quel est leur comportement et comment ces requins se retrouvent à devoir se débrouiller tout seul. On veut comprendre comment ils font pour apprendre à évoluer, à éviter un prédateur, à se nourrir. Il y a toute cette notion comportementale qui est importante, car elle est le moteur essentiel de la survie », précise Serge Planes, directeur de recherches au CRIOBE.
Pour analyser les données, le CRIOBE a recours à l’intelligence artificielle. « Il faut regarder les vidéos pour garder seulement les passages où il y a des requins. On les fait passer dans un logiciel de ‘tracking, de suivi de mouvements, ce qui va nous permettre d’avoir des données comme la vélocité des requins, leurs accélérations. À partir de ça, on va pouvoir transformer ces données en données mathématiques, ce qui nous permettra de les analyser », indique Tuiterai Salmon.
« Sur ces images, on voit un Pointe noire et un requin citron qui nagent l’un vers l’autre. Dès qu’ils se voient, ils accélèrent et ils essayent de s’enfuir. Donc, ils s’évitent. On a aussi pu filmer un groupe de 4 requins. On voit un comportement social. On pense qu’ils chassaient ensemble. Ce sont des choses intéressantes à voir », ajoute celui-ci.
D’autres observations sont prévues en début d’année prochaine. Les taux de mortalité juvénile sont comparés à ceux obtenus par des chercheurs australiens et américains.