Initiée par Jason Man Sang, activiste désormais bien connu en Polynésie, la marche pour le climat de ce samedi après-midi vient en réponse à un mouvement global de mobilisation pour la préservation de l’environnement. Un peu partout dans le monde, les jeunes ont manifesté les 25 et 26 mars.
« Ceux qui ont la possibilité de nous protéger ne sont pas du tout en train de le faire »
Jason Man Sang, militant écologiste
A Papeete, seules 150 personnes ont répondu à l’appel cet après-midi. Mais pas de quoi décourager l’organisateur qui se dit « insatisfait » des mesures environnementales prises par le gouvernement polynésien depuis 2019, malgré plusieurs rencontres avec le président du Pays et différents ministres. Du haut de ses 25 ans, Jason Man Sang veut « continuer à mettre la pression ». « Ils [les dirigeants NDLR] n’ont toujours pas compris ce qui est important, ce qui est prioritaire. On est en première ligne face au changement climatique. On est en train de se défendre ! », déclare l’activiste juste avant le début de la marche, micro en main. « Ceux qui ont la possibilité de nous protéger ne sont pas du tout en train de le faire. Ayons le courage de faire plus que ce que nous sommes censés faire. Car si on ne le fait pas, personne ne va le faire ».
« Ceux qui ont des forces pour marcher, ça veut dire qu’ils peuvent changer le monde »
Hanivai, jeune manifestante de 11 ans
« Le monde est chaud », « fin du monde, fin du mois, même combat », « la terre c’est comme la bière, plus c’est chaud moins c’est bon », peut-on lire sur les pancartes que brondissent les manifestants. Certains sont très jeunes, comme Hanivai, 11 ans. Accompagnée de sa marraine, la jeune fille est déjà consciente des enjeux climatiques. « Ceux qui ont des forces pour marcher, ça veut dire qu’ils peuvent changer le monde », lâche-t-elle.
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Mais la plupart des militants ont entre 20 et 30 ans. Comme Liv. C’est la première fois qu’elle participe à une marche pour le climat en Polynésie. Venue avec ses colocataires et son petit-ami, elle estime que « les premières personnes qui vont être touchées [par le changement climatique], ce sont les personnes les plus pauvres et les femmes. On est plus facilement dans des situations de précarité, on est payée 20% de moins que les hommes, on a moins d’emplois à responsabilité égale. Donc le jour où tout va devenir plus cher, les femmes seront les premières touchées ». D’autant plus que selon elle, « les solutions, elles existent, on les connaît quasiment toutes. Simplement il faut beaucoup de courage pour mettre en place des actions concrètes pour sauver les îles, le climat en général. On peut penser que Tahiti, comme c’est petit, on est isolé de tout et qu’on n’a pas un impact énorme sur le climat, et en fait si ».
Baptiste, lui, est venu avec sa fille « pour transmettre les priorités qui sont à mes yeux la préservation de la planète et de notre cadre de vie. Pour lui montrer qu’on n’est pas seulement des consommateurs, mais qu’on peut être aussi acteurs de la société, en manifestant notamment ».
La Polynésie « en retard »
Si la Polynésie n’est pas encore un exemple en terme de développement durable, plusieurs mesures ont pourtant été prises récemment. Depuis le 1er septembre 2020, les sacs oxo-fragmentables et à poignée en plastique léger sont interdits dans les commerces de Polynésie. Une loi étendue en janvier 2022 à tout type de sacs en plastique, y compris ceux en papier avec une fenêtre en plastique — servant à emballer les casse-croûtes notamment. Avec la crise sanitaire, le Pays a également pris conscience de l’importance de l’autonomie alimentaire en Polynésie, grand axe du plan de relance. 96 milliards de Fcfp doivent d’ailleurs être injectés dans le secteur de l’agriculture, sur les dix prochaines années. Et sur les énergies renouvelables, qui représentent aujourd’hui selon l’agence de la transition écologique (ADEME) 30% de la production d’électricité au fenua, la Polynésie ambitionne un taux de pénétration de renouvelable de 75% d’ici 2030, d’après l’agence française de développement.
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Des mesures qui s’inscrivent dans une politique plus verte, mais qui sont loin de suffire pour Jason Man Sang. « On est en retard comparé aux autres », estime l’écologiste, qui souhaite qu’« on accélère la stratégie globale du Pays pour l’atténuation et l’adaptation au changement climatique. D’après le dernier bilan énergétique qui est sorti il y a un mois, les Polynésiens émettent dix tonnes de CO2 par habitant, par an. C’est autant que les Français et c’est 5 fois plus que ce qu’il faudrait ». Sur l’autonomie alimentaire, c’est surtout le foncier qui pose problème selon Jason : « il faut libérer du foncier. Il faut le mettre de façon plus simple à disposition des agriculteurs. Il faut créer des jardins partagés où tout le monde aurait accès à de la terre, pour faire leur fa’a’apu. Il y a produire, et il y aussi transformer. Il faudrait qu’on transforme nos produits locaux, […] ce qu’on trouve dans le ma’a tahiti : du manioc, de la patate douce, des feuilles comestibles comme le chou kanak ».
Revenir à un mode de vie plus proche de celui de nos tupuna, peut-être la solution pour agir chacun à son échelle. Vice-président de la FAPE, Jason Man Sang souhaite rencontrer le président Fritch dans les semaines à venir afin de lui présenter une liste d’actions plus concrètes pour l’environnement.