Les Îles Cook, pour les touristes, ce sont des paysages verdoyants, avec l’océan à perte de vue. Mais à 5000 mètres de profondeur, sont blotties d’autres richesses. Du nickel, du manganèse, et surtout du cobalt. Des métaux qui vont manquer, par exemple pour alimenter les batteries des smartphones.
« Nous croyons qu’il y a des opportunités à ce niveau, mais nous croyons également que suivre le processus avec assiduité est crucial pour être sûr qu’il n’y aura pas d’impact négatif sur l’environnement, déclare le Premier ministre des Tonga, Hu’akavemeiliku Siaosi Sovaleni. Mais il est sûr que c’est une opportunité, à nous de bien faire les choses et de préparer, réguler l’industrie minière. »
Tonga affiche un enthousiasme prudent, mais les Îles Cook et Nauru y croient. L’exploitation minière de l’océan a pourtant connu des échecs retentissants de certains Pays du Pacifique, qui ont cru tenir la poule aux œufs d’or au fond de leurs eaux. C’est le cas de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Elle a perdu plusieurs dizaines de millions de dollars.
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« Nous n’avons pas eu assez de données scientifiques pour nous permettre de juger ce qui était bon pour nous ou pas, explique Jelta Wong, ministre des Ressources marines de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Nous avons perdu beaucoup d’argent lorsque nous avons subi un ralentissement lié au procédé de production. L’entreprise choisie a acheté un appareil de haute technologie dans un autre pays. Ça a été une énorme dépense pour la compagnie et ça n’a pas très bien marché. »
D’autres pays sont en procès avec les entreprises engagées pour explorer. La Polynésie française, elle, est opposée à l’exploration dans un but d’exploitation. Mais le Président Moetai Brotherson nourrit peu d’illusion sur un consensus au Forum. « Je crois que les îles Cook, Nauru, d’autres pays du Pacifique vont rester sur leurs positions concernant la possible exploitation de ces ressources sous-marines. Mais il faut au moins qu’on arrive à un accord sur la méthode, sur les garde-fou et sur les limites qu’on ne s’autorise pas à dépasser. »
Pour les associations de protection de l’environnement, ces limites ont déjà été franchies. Et cinq ans d’exploration ne suffiront pas à s’assurer que l’exploitation peut se faire sans dégâts. Les écologistes regrettent que les Îles Cook agissent contre la volonté de leurs voisins.
« Au bout du compte, on partage le même océan avec nos voisins du Pacifique, rappelle Alanna Smith, directrice de l’association environnementale Ipukarea Society. Nous devons donc bien réfléchir à la manière dont nous gérons notre océan. Et s’il peut y avoir des dégâts potentiels pour nos voisins, on n’est plus dans l’esprit océanien. Dans le Pacifique, on a toujours avancé ensemble ; et personne ne devrait avancer en laissant les autres derrière lui.«
Les opposants à l’exploitation minière regrettent aussi l’absence de recherche indépendante, puisque les trois compagnies qui travaillent aux Îles Cook ont un objectif commercial.
Alex Herman, directrice du service des mines des Îles Cook, assure pourtant être soutenue par la population. « Ils nous ont apporté un soutien fort pour l’exploration et la recherche et pour les précautions que nous prenons. Et puis certains, dans notre société, quelles que soient les précautions qu’on prenne, ne vont jamais soutenir le projet. Et ce n’est pas grave, c’est ça, une démocratie saine.
Aucune petite île du Pacifique ne peut explorer ses fonds par ses propres moyens : seules des entreprises puissantes le peuvent, et leur but est de faire des bénéfices, pas de soutenir les économies des petits pays. Dans leur stand, en marge du Forum, elles offrent des stylos et des casquettes, et tentent de convaincre.
« Pour moi, en tant qu’habitante des Îles Cook, nous devons nous intégrer dans la marche du monde, en fournissant ces métaux, estime Shona Mato Lynch, représentante aux Îles Cook de l’entreprise minière CIC. Ils reposent au fond de notre océan. La Chine est le fournisseur du monde. Aux Cook, nous avons ces métaux. Nous devons, nous aussi, contribuer à l’économie mondiale. Donc faisons-le, dans le respect de l’environnement.
Les entreprises promettent qu’elles ne nuiront pas à l’océan. Difficile à croire pour les encroûtements cobaltifères ou de manganèse. Pour les recueillir, il faudrait raser le fond de l’océan. Et nous en sommes tous un peu responsables, nous qui changeons si souvent de portable.