C’est une observation à la fois fascinante et tragique. Lors de cette mise à l’eau Vincent Truchet, photographe et guide naturaliste a rencontré deux groupes de baleines, l’une avec un baleineau, et l’autre avec deux. Une rencontre incroyable, car une baleine à bosse ne peut s’occuper que d’un petit.
Le deuxième baleineau, de plus petite taille, a bien tenté de se rapprocher de la femelle pour se nourrir, en vain. Il était voué à mourir. C’est la première fois que le guide est témoin d’une scène comme celle-ci.
« On voit qu’il y en a un qui beaucoup plus gros que l’autre. Il y a un des baleineaux qui est vraiment en contact avec la femelle. Ils se caressent, se touchent. L’autre est plutôt mis à l’écart. On était vraiment partagé entre un sentiment de vivre un truc magnifique : voir une femelle avec deux baleineaux, c’est extrêmement rare. Mais il y avait aussi un sentiment de tristesse parce qu’on savait que le petit, qui n’était pas le petit naturel, était condamné », témoigne Vincent Truchet.
– PUBLICITE –
Cette observation a suscité de nombreuses interrogations. Pourquoi le baleineau a-t-il été abandonné ? Sa mère est-elle morte ? Un mâle a-t-il repoussé le bébé ? Impossible de le savoir. Sauf qu’une semaine plus tôt, de l’autre côté de la Presqu’île, d’autres guides ont, eux aussi, été les témoins d’une scène improbable. Après avoir observé en surface un groupe de baleines, la mise à l’eau leur a permis de capturer ces images : une femelle en pleine parade avec un mâle, et qui délaisse son baleineau.
« C’est assez flagrant. La maman fait que de se frotter contre le mâle. Ce sont des comportements que l’on n’a pas l’habitude d’observer », explique Julien Penaranda. « Plus il fait des bulles et plus, elle va vers lui. Elle n’apporte à aucun moment de l’attention au baleineau (…) Quand on a regardé les images, on s’est dit : ‘ça à l’air vraiment d’être ce qui s’est passé », ajoute Clara Viallis.
En comparant leurs images, les prestataires en sont arrivés à la conclusion qu’il s’agissait du même baleineau. Leurs vidéos servent de support en complément d’autres actions destinées à approfondir les connaissances sur le comportement des cétacés.
« En plus de toutes les actions qui sont menées comme les photos d’identification, les prélèvements de squames pour identifier génétiquement la population que l’on va avoir ici, cela nous permet en plus de mieux comprendre certaines situations que l’on observe de loin, depuis la surface. Cela donne plus de sens quand tu vois ce qu’il se passe, en vrai, sous l’eau », souligne Julien Penaranda.
Les échantillons de peau, les squames, sont collectés dans l’eau et conditionnés. Ils sont une mine d’informations pour la recherche génétique. 700 échantillons ont été recueillis depuis la mise en place du programme Ocean Watch en 2021 par l’association Océania.
« L’idée, c’est d’avoir de meilleures informations sur la génétique de la population. Être aussi capable d’établir les liens de parenté, c’est-à-dire de mieux comprendre, par exemple, s’il y a un succès reproducteur plus marqué pour certains mâles ou pour certaines femelles. Comprendre également les descendances, combien de petits a une femelle à l’échelle de 10, 15 ou 30 ans », indique Charlotte Esposito, la directrice de l’association Océania.
Cette année 200 nouveaux échantillons sont collectés. Les « whales watchers » engagés dans ce programme transmettent aussi leurs photos et leurs observations à la direction de l’Environnement. Ils partagent aussi leur passion auprès du grand public pour le sensibiliser sur le sujet.
Plusieurs partenaires participent aussi au programme de recensement des baleines à bosses. A Tahiti, Moorea, mais aussi dans les îles éloignées comme Tubuai ou Rurutu. D’autres études complémentaires sont nécessaires pour évaluer le nombre d’individus qui vient chaque année dans les eaux polynésiennes. La bonne nouvelle, c’est que sur les 3 estimations qui ont été faites, à chaque fois le nombre de baleines a augmenté.