Les 18 Présidents et Premiers ministres du Forum veulent tous un développement soutenable. Mais comment se développer, quand on manque de ressources, comme les Cook ? Ces îles, les plus proches de la Polynésie française, laissent une société minière explorer leurs fonds depuis 3 ans, en vue d’une exploitation.
« On commence à réunir une belle collecte de données et de connaissances. Et le résultat de ces efforts est la création d’un Centre d’excellence du Pacifique sur les sciences océaniques » explique Mark Brown, Premier ministre des îles Cook.
« Tonga est en train d’explorer les ressources naturelles des profondeurs et nous respecterons les règles édictées par l’autorité internationale d’exploitation des ressources marines » assure Siaosi Sovaleni, Premier ministre du Royaume des Tonga, qui n’en dira pas plus.
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D’autres îles, en revanche, refusent de mettre en danger leur océan. Elles estiment que les recherches actuelles ne permettent pas des extractions sans conséquences. « Pour le moment, nous adoptons simplement une approche de précaution : nous voulons obtenir des informations plus complètes, en particulier sur les aspects scientifiques et sur l’impact environnemental des opérations d’exploitation minière en eaux profondes » indique Feleti Teo, Premier ministre des Tuvalu.
« On a encore récemment découvert que ces fameux nodules polymétalliques qu’on croyait être inertes finalement produisaient de l’oxygène, ce qu’on appelle de l’oxygène noir. Et quand on sait qu’une bouffée d’oxygène sur deux vient de l’océan, il faut quand même se poser des questions et arrêter de vouloir jouer aux apprentis sorciers. La Polynésie a été le terrain d’expérimentations pendant 30 ans, c’est pas pour redevenir un terrain d’expérimentations à aller détruire le fond de nos océans » ajoute Moetai Brotherson, président de la Polynésie française.
La Papouasie-Nouvelle-Guinée a été échaudée par un projet minier qui lui a coûté très cher, et rien rapporté. Désormais, le pays qui croit le plus au potentiel des nodules, c’est Nauru, l’un des plus pauvres de la région. Il faut dire qu’après la destruction de l’île par l’exploitation des phosphates, puis la création de camps de migrants pour l’Australie, Nauru n’a plus rien à perdre, même pas sa réputation. Son ancien président, Baron Waqa, a réussi à se hisser jusqu’au poste prestigieux de secrétaire général du Forum. Et la délégation de Nauru intègre des lobbyistes de Metals Company l’une des principales entreprises minières.
« Nous avons dépensé environ 515 millions de dollars. Et cet argent ne vient pas de Nauru, ni de Tonga. L’intérêt pour les pays que nous aidons, c’est qu’ils bénéficieront des retombées économiques, des taxes quand l’exploitation aura commencé, d’offres de formations et d’emploi. Donc c’est une vraie chance économique et industrielle, qui porte un espoir pour le futur » se réjouit Gerard Barron, directeur général de la société minière Metals Company.
Ces sociétés minières affirment que la planète a besoin de ces ressources, et que leurs études scientifiques démontrent qu’on peut les prélever avec un faible impact sur l’océan. La célèbre océanographe Sylvia Earle pense le contraire : « Je suis descendue dans les abysses. J’ai aussi observé les images ramenées par ceux qui sont descendus jusqu’à l’endroit le plus profond, 11 kilomètres sous la surface. Bien plus profond que là où on veut récupérer des ressources. C’est l’histoire de la Vie sur terre. Et nous avons le choix. Est-ce qu’on veut vraiment faire ça pour de l’argent, même si c’est illusoire ? Il n’y a aucune preuve que tout cela est vrai, c’est peut-être juste des histoires. C’est peut-être un moyen d’encourager des gens à investir, mais ils n’auront pas de retour sur investissement. C’est la destruction de la Terre ».
Les dirigeants océaniens le savent, ils auront bien du mal à dégager une position commune, tant les avis et les besoins sont différents. Mais il leur sera difficile d’exiger des réductions d’émissions de la part des pays les plus développés, si les îles, elles-mêmes, ne sont pas exemplaires sur l’environnement. Et l’océan n’a pas de frontières : une exploitation aux Cook, par exemple, pourrait affecter les fonds marins, et la vie marine bien au-delà de sa zone économique exclusive.