Ces derniers mois, plusieurs maires de métropole ont pris des arrêtés anti-pesticides dans leurs communes respectives. Comme le relatent La Dépêche et Polynésie 1ère, deux tavana des Marquises envisageaient de légiférer, eux aussi… Ils ont franchi le pas à la suite du Congrès des maires, fin novembre.
Qu’est-ce qui a déclenché cette initiative?
« Suite à des échanges avec des collègues maires lors du Congrès de Paris [le 102 ème Congrès des maires qui s’est tenu du 18 au 21 novembre], on a évoqué les pesticides… Je me suis dit que c’était quelque chose à peut-être mettre en place aux Marquises » explique Etienne Tehaamoana, le maire de Hiva Oa. « Au retour, j’ai voulu prendre un arrêté interdisant l’utilisation des pesticides chez nous, mais uniquement sur le domaine public communal. Dans un premier temps. On est un peu les précurseurs en Outremer. Il est important pour nous d’en parler, et j’ai voulu ouvrir le débat, en Polynésie, sur le danger pour la santé publique de l’utilisation des produits chimiques dans l’agriculture et l’alimentation« .
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« C’est la poursuite d’une démarche initiée depuis 20 ans », ajoute Nestor Ohu, maire de Ua Huka. « Le classement de Vaikivi en réserve naturelle d’abord… puis on a crée un sanctuaire pour les oiseaux : le Pihiti et le Patiotio. On s’est efforcés de préserver les bassins d’eau qui alimentent les trois vallées. Et depuis 2018, on a crée une zone protégée réglementée, dans l’espace maritime. L’interdiction de pesticides va dans le sens de notre politique de protection depuis 20 ans ».
« Je me positionne en lanceur d’alerte pour ouvrir le débat »
Etienne Tehaamoana
Les pesticides sont utilisés de manière massive, dans vos îles respectives?
« A Hiva oa, on en vend à la quincaillerie, mais se pose la question des dosages. Est-ce que les agriculteurs sont suffisamment encadrés ? Chacun essaie de traiter à sa façon et c’est là où c’est dangereux. Il est peut-être important que l’on en parle, que l’on alerte, que l’on sensibilise… que l’on multiplie les formations aussi. Je me positionne en lanceur d’alerte sur cette problématique essentielle pour notre santé« , indique Etienne Tehaamoana. » C’est comme partout : le problème, c’est la méconnaissance du produit, et donc, la mauvaise utilisation », poursuit son homologue de Ua Huka.
« Pour l’instant, je lance l’arrêté. Il est prévu de l’étendre pour les particuliers et professionnels plus tard. On va d’abord se concerter et chercher des solutions de remplacement issues de l’agriculture biologique. On va laisser passer les fêtes et on va provoquer des réunions entre tous les services de l’Etat, du Pays, et les professionnels pour en parler et pour trouver des solutions plus respectueuses de la nature, et moins nocives pour les humains », poursuit le maire de Hiva Oa.
« C’est un appel pour la mise en place de traitements raisonnés issus de l’agriculture biologique. L’arrêté est déjà pris. J’attends qu’il soit bien validé. J’espère interpeller tout le monde sur cette question, ouvrir le débat. Ca ne concerne que le domaine public communal de Hiva Oa. Mon collègue de Ua Huka se positionne aussi. Il souhaite mettre en place, comme à l’époque, un jardin communal. Pour l’instant, je laisse ça aux professionnels de l’agriculture. Mais la commune pourrait s’inscrire dans un cadre plus large avec la mise en place d’un jardin pédagogique dans les écoles, pour apprendre à nos enfants comment produire de la nourriture saine et locale« , imagine Etienne Tehaamoana. « Dès le mois prochain, la commune créera un jardin pour fournir des légumes frais aux cantines et à la population. Les deux objectifs sont ornemental et nutritionnel », précise, de son côté, Nestor Ohu.
Les professionnels et particuliers sont-ils sensibles à la démarche?
« Côté privés, il y a quelques réactions, mais pour l’instant, on ne leur propose pas vraiment d’alternatives », déplore le premier magistrat de Hiva Oa. « On doit plancher sur la question des traitements raisonnés issus de l’agriculture biologique. On n’interdit rien aux privés pour l’instant. On lance une dynamique. Nous, on n’utilise plus de désherbant chimique. Mon collègue Thomas Moutame utilise des désherbants naturels à Taputapuatea. Il faudrait qu’on généralise. Ces produits vont dans les sols, dans l’eau… il faut qu’on se pose des questions sur la pollution. Je pense qu’il est nécessaire que l’on en parle en communauté de communes. Il faut trouver des solutions ensemble ».