Le blanc, une couleur de mauvais augure pour le corail dans les lagons de Polynésie française. Le seuil de blanchissement a été atteint une nouvelle fois sur la côte Ouest de Tahiti. Preuve que la température de l’eau est suffisamment haute pour stresser les colonies de corail. Résultat, les coraux perdent leurs microalgues et donc leurs couleurs. « Le corail est un animal, et dans ces tissus, il abrite des microalgues, qu’on appelle les zooxanthelles. Cette micro-algue est très importante pour le corail. Au-delà de lui donner sa couleur typique, elle va surtout être sa source d’énergie. Et là, c’est assez alarmant, parce que finalement sous l’effet du stress (hausse de la température de l’eau, Ndlr), ces zooxanthelles vont commencer à dysfonctionner et ne vont plus être bénéfiques pour le corail. Elles vont être expulsées du corail. On perd alors les algues et la couleur du corail, et donc aussi cette usine à énergie pour le corail » explique Claire Boitel, étudiante en 2eme année de thèse sur le blanchissement des coraux.
Sans énergie suffisante, les coraux sont voués à mourir. À Moorea, les scientifiques du CRIOBE sont d’autant plus inquiets qu’une autre menace pèse sur les récifs. En effet, l’île sœur est à nouveau prise d’assaut par les acanthasters (taramea) depuis plusieurs mois. Ces étoiles de mer particulièrement voraces ne laissent pas beaucoup de chances aux coraux, qui se remettaient à peine d’un précédent épisode de blanchissement. « On avait une belle couverture corallienne suite au blanchissement de 2019. Avant le blanchissement, on était autour de 50% (de couverture corallienne sur Moorea Ndlr), et suite à l’épisode de 2019 et à l’épisode d’acanthasters 2020-2024, on enregistre en mars 2024 moins de 5% de recouvrements coralliens dans certaines zones AMP (Aires Marines Protégées, Ndlr) de l’île » précise Claire Boitel.
Le blanchissement pourrait s’étendre un peu plus dans la pente externe au lagon de Moorea. Si la vague de chaleur persiste, certaines espèces de coraux déjà stressées ne pourraient pas s’en remettre, d’après les spécialistes du Criobe. Les scientifiques travaillent sur des études de conservation des coraux. Grâce à des croisements, ils espèrent faire pousser des espèces plus résistantes : « C’est le principe de croiser des coraux avec des colonies qui ont résisté à des précédents épisodes de blanchissement pour avoir des descendants qui soient plus résistants. C’est le principe de sélection, finalement, qu’on a eu pour l’agriculture. Maintenant, c’est quelque chose de difficilement applicable à grande échelle puisque ça reste un principe d’aquaculture, on va devoir bouturer, mettre en pépinière, faire grandir ces coraux… cela demande beaucoup de main d’œuvre, et le coût financier est non négligeable ».
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Les premiers résultats donnent bon espoir face à une réalité de plus en plus préoccupante. Aux Tuamotu, dans la passe Sud de Fakarava réputée pour ses sites de plongée, les coraux ont aussi perdu leur couleur. Des épisodes plus fréquents et plus intenses, qui réduisent donc les temps de régénération des coraux.