« L’Ifremer a un devoir de connaissance des grands fonds avant toute exploitation »

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Isabelle Forge-Allegret, nouvelle directrice du centre du Pacifique de l'Ifremer, était l'invitée de notre journal ce lundi. L'Institut, qui travaille au développement des connaissances scientifiques sur la région Pacifique avec ses trois centres Calédoniens et celui de Vairao, alerte sur les possibles conséquences d'une exploitation industrielle des grands fonds. "On a vraiment un devoir de connaissance de ces grands fonds avant de prendre toute décision sur son exploitation" , explique-t-elle.

Publié le 08/04/2025 à 9:59 - Mise à jour le 08/04/2025 à 17:05

Isabelle Forge-Allegret, nouvelle directrice du centre du Pacifique de l'Ifremer, était l'invitée de notre journal ce lundi. L'Institut, qui travaille au développement des connaissances scientifiques sur la région Pacifique avec ses trois centres Calédoniens et celui de Vairao, alerte sur les possibles conséquences d'une exploitation industrielle des grands fonds. "On a vraiment un devoir de connaissance de ces grands fonds avant de prendre toute décision sur son exploitation" , explique-t-elle.

TNTV : Déjà 40 ans que l’Ifremer mène ses missions de recherche, d’exploration et d’innovation au Centre du Pacifique. Le groupe a 70 salariés sur deux sites, l’un à Nouméa, l’autre ici en Polynésie, avec un changement à sa tête depuis mars. Isabelle Forge-Allegret, vous avez récemment été nommée. Comment votre parcours vous a mené jusqu’ici ?
Isabelle Forge-Allegret, Directrice du centre du Pacifique de l’Ifremer :
« Mon parcours a été essentiellement en support à la recherche et à l’innovation dans des universités, mais aussi dans des organismes de recherche. J’ai été directrice générale des services de l’Université de Polynésie française de 2020 à 2024. Dans ce contexte-là, j’ai découvert bien sûr la Polynésie, les Polynésiens, mais aussi l’Ifremer. À l’Ifremer, on sait qu’on travaille pour les Polynésiens aussi, pour les nourrir, pour restaurer leurs lagons et pour leur permettre de vivre avec l’océan. Si l’océan est en bonne santé, la population sera aussi en bonne santé. C’est ce qui m’a amenée à rejoindre l’Institut il y a deux semaines maintenant« .

TNTV : Le centre Ifremer, c’est donc deux sites. On a l’occasion de mettre en lumière les programmes menés ici, notamment à Vairao. Y a-t-il des projets que vous suivez particulièrement ?
I. F-A :
« Mon travail est de donner toutes les meilleures conditions possibles aux scientifiques, aussi bien en Calédonie qu’en Polynésie, pour déployer toutes leurs connaissances (…). Ce que je suis particulièrement, c’est l’aquaculture qui se diversifie, parce qu’il faut nourrir les populations, en tenant compte du lagon qu’il faut aussi restaurer, et donc trouver une aquaculture qui soit respectueuse de l’environnement, mais qui aille même au-delà, c’est-à-dire qui aide à le régénérer. Mon rôle est aussi de travailler avec tous les acteurs du territoire, ici comme en Calédonie, pour amplifier encore nos capacités à développer ces connaissances » .

TNTV : Vous devez également prendre en compte l’un des grands défis de notre époque, l’adaptation au réchauffement climatique et à tout ce qui en découle. À ce niveau, quel est votre rôle exactement ?
I. F-A : « Le rôle de l’Institut est effectivement de travailler sur ces questions liées au changement climatique, à tous les phénomènes extrêmes que l’on voit aujourd’hui, comme les canicules marines (…) le blanchissement des coraux. Il y a une autre espèce qui est aussi très sensible au changement climatique, c’est le bénitier. Il y a le phénomène d’appauvrissement du récif, qui est extrêmement dangereux pour nos côtes, puisque au-delà de ces espèces qui sont menacées, il y a également des macro-algues qui se développent et peuvent étouffer le récif. Nos travaux sont toujours dans cette diversification de l’aquaculture, mais aussi restaurer, de préserver ce récif qui est si important pour nos côtes et pour préserver les populations qui vivent sur les côtes de la montée des eaux » .

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TNTV : Autre grand défi, la pollution, la pollution des lagons, des océans. En Polynésie, on sait que l’activité perlicole a fait du mal à la qualité des perles. Priorise-t-on assez le sujet de la pollution selon vous ?
I. F-A :
« C’est un sujet qu’on prend vraiment à bras le corps et qu’on intègre dans tous nos travaux, dans tout le transfert qu’on peut faire vers les filières économiques. Aujourd’hui, on est vraiment dans cette ligne terre-mer (…). Il y a bien sûr l’activité qui peut générer de la pollution au sein des lagons, mais il y a aussi toute la pollution qui arrive de la terre, sur laquelle on travaille, pour développer des nouvelles espèces qui vont aider à limiter cette pollution. On a des espèces résilientes, mais qui aussi vont permettre d’absorber ce qui, par moment, représente des flux de pollution dans les lagons, quand il y a des fortes pluies, par exemple, qu’on pourrait utiliser pour pouvoir restaurer nos lagons et limiter la pollution avec des espèces qui vont faire le travail. On est dans un système qui essaie d’être très lié » .

TNTV : Il y a des espèces qu’on connaît et celles qu’on ne connaît pas. L’exploration et surtout l’exploitation des ressources minières subaquatiques est au cœur des débats. À ce propos, quel est votre champ d’intervention, votre champ d’action ?
I. F-A :
« Pour l’Ifremer, c’est une priorité d’explorer les grands fonds, dans le côté d’exploration. L’autre grande priorité, c’est un océan sain et nourricier, qui est vraiment essentiel aujourd’hui. On a besoin de connaissances sur les grands fonds, que l’on n’a pas aujourd’hui (…). C’est un sujet que l’Ifremer porte avec la Polynésie, pour la Polynésie, pour en faire un phare dans le Pacifique sur ces sujets là qui concernent également tous nos voisins du Pacifique. Ce ne sont pas des moyens qu’on a ici aujourd’hui, ce sont des moyens de l’Hexagone, qui vont permettre de déployer une chaire scientifique (…). Aujourd’hui, on a vraiment un devoir de connaissance de ces grands fonds avant de prendre toute décision sur son exploitation. On ne sait absolument pas ce que ça pourrait donner, ce serait très hasardeux » .

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