“Ce n’était pas un père, mais ce n’était pas non plus un grand-père”. Cette phrase de l’avocate des jeunes victimes donne la couleur du sombre procès qui s’est tenu ce mardi devant le tribunal correctionnel. Celui d’un homme de 64 ans qui, dans le huis clos de la modeste maison familiale, “considérait que tout ce qui est féminin autour de lui, lui appartenait”.
Les faits avaient été dévoilés par l’une de ses petites filles, en mai 2023. Elle s’était confiée aux équipes d’un dispensaire de Tahiti. “Je n’aime pas mon papy. Il est méchant. Il me fait des choses”, avait témoigné l’enfant. Un signalement avait immédiatement été fait à la justice. D’autant que le grand-père avait déjà été condamné en 2001 et 2006 pour des abus sur sa fille, la mère de ses petites-filles.
Les investigations ont permis de révéler de nouveaux faits d’agressions sur celle-ci, datant de 1998, mais aussi d’autres bien plus récents sur les deux fillettes. Il glissait ainsi sa main dans leur culotte, tentait de les embrasser et s’exhibait nu devant elles. Il battait également leur petit frère, faits pour lesquels le sexagénaire était aussi poursuivi.
“Il me disait qu’il m’aimait. A chaque fois qu’il faisait ça, il me donnait des sous, mais moi je n’acceptais pas. Il puait l’alcool. C’est bizarre d’avoir un grand-père comme ça”, a raconté l’une des petites lors de son audition.
Un comportement incestueux couvert par la grand-mère qui était au courant, selon la jeune victime : “ Elle m’a dit de ne rien dire. Elle me disait que mon grand-père était comme ça et qu’il ne fallait pas lui en vouloir, qu’il allait changer.” La mère des fillettes a confirmé ces déclarations, expliquant que la grand-mère l’avait menacée de les mettre à la porte si une plainte était déposée.
A la barre, malgré la présence d’un traducteur en reo Tahiti, le prévenu n’a quasiment pas dit un mot ce mardi. “Je ne me souviens pas. Peut-être que ma maladie est toujours là”, a lancé l’homme qui a été victime d’un AVC il y a 2 ans.
“Il n’a jamais pris conscience de la souffrance des enfants”
L’avocate des petites-filles.
En garde à vue, il avait cependant reconnu l’intégralité des faits, et donné de curieuses explications : “C’était juste pour que mes petits-enfants me voient comme je suis (…) Je leur ai dit de ne pas le dire. Je savais que ce n’était pas bien”. Il avait également estimé devant le psychiatre avec lequel il s’était entretenu que ses petites filles n’allaient “pas souffrir” de ses abus.
Des mots qui ont fait bondir leur avocate. Les expertises ont en effet montré que les jeunes victimes présentaient un important stress post-traumatique ; qu’elles étaient aujourd’hui des “enfants en danger” avec des “signes suicidaires identifiés”.
“On est dans l’inceste transgénérationnel (…) Elles étaient en danger dans la salle de bain, devant la télé ou dans leurs chambres. Elles ne sont jamais dans une situation de tranquillité avec un grand père qui est totalement un prédateur (…) et le pire dans tout ça, c’est qu’il n’a jamais pris conscience de la souffrance des enfants”, a soufflé l’avocate.
Le procureur a, pour sa part, dénoncé “des abus sexuels sur 2 générations” commis par un homme déjà condamné à 2 reprises pour des faits similaires. Un grand-père qui “a franchi toutes les limites avec cette seconde génération de petites-filles”.
Après de courtes délibérations, le sexagénaire a été condamné par le tribunal à passer les 6 prochaines années derrière les barreaux. A sa sortie de prison, il sera soumis à un contrôle socio-judiciaire d’une durée de 6 ans. Il a également interdiction d’entrer en contact avec ses victimes et il devra leur verser, au total, 1,7 million de francs de dommages et intérêts.