L’affaire remonte au 4 novembre 2021. Appelés en renfort par les mutoi de Paea pour gérer une violente dispute de couple, les gendarmes s’étaient retrouvés devant la maison cadenassée de l’accusé, qui refusait de les laissait entrer et pointait un couteau vers le ventre de sa compagne. Lui reprochant ses mensonges, il menaçait de la poignarder si elle ouvrait la porte. Après de longues négociations, les militaires étaient finalement parvenus à l’interpeller.
Dans sa déposition, la victime avait indiqué qu’elle était régulièrement victime de violences depuis février 2020, souvent sur fond d’alcool. Elle avait aussi signalé trois viols, et une agression traumatisante la semaine précédente sur la plage, lorsqu’il avait tenté de la noyer en la maintenant sous l’eau.
Fait notable, l’accusé était jugé par une cour criminelle composée de cinq magistrats professionnels, sans jurés. Une première en Polynésie après la loi du 21 décembre 2021 instaurant cette juridiction, pour juger les crimes passibles de 15 à 20 ans de prison. Cette configuration devrait toutefois être « éphémère » en Polynésie, a répété le président de la cour, en référence au cavalier législatif qui devrait permettre au Pays de déroger à la loi et de conserver le dispositif classique de la cour d’assises avec son jury populaire, plus adapté au territoire selon bon nombre de magistrats du fenua.
Violences à répétition
Devant les magistrats, les témoins ont décrit un homme tantôt « débrouillard » et « courageux » , tantôt cruel et « violent » . Deux anciennes compagnes de l’homme ont notamment raconté les violences auxquelles ce dernier s’était livré sur elles, avant qu’elles ne coupent les ponts.
À la première qui voulait le quitter, âgée de 14 ans au moment des faits, il avait lancé le fer d’un harpon dans la gorge, la plongeant dans 3 jours de coma. La deuxième, femme de l’accusé et mère de sa fille de 10 ans, en instance de divorce, avait subi de multiples violences conjugales, pour lesquelles trois peines de prison ferme avaient été prononcées contre lui entre 2015 et 2017. Il l’avait notamment frappée avec un casque et pénétrée avec une barre à mine, sans qu’elle ne porte plainte. Des violences auxquelles s’ajoutent des relations sexuelles forcées, qu’elle ne considérait alors pas comme des viols « parce que c’était (son) mari » .
Appelée à la barre, la mère du mis en cause a d’abord évoqué les efforts de son fils pour subvenir aux besoins de son enfant. À l’évocation des accusations, en larmes, elle a ensuite exprimé sa tristesse de le voir « ne pas écouter » et « recommencer à avoir des problèmes avec ses compagnes » . Un caractère confirmé par les sœurs de l’accusé, décrivant « un homme bien » quand il est seul mais qui « change » dès lors qu’il est en couple.
Son dernier couple avec la victime était tout aussi chaotique. Il s’était mis avec elle alors qu’elle s’était réfugiée dans l’alcool, après avoir quitté son mari. D’une grande fragilité et dans un « état d’emprise totale » selon l’expertise psychiatrique et son conseil Me Temanava Bambridge, elle avait été hospitalisée pour une sévère dépression. Les épisodes violents étaient nombreux avant la dernière crise du couple. « Si le mutoi n’était pas intervenu, je ne sais pas ce qu’il serait arrivé« , a-t-elle raconté.
« Un grand danger pour les femmes »
L’avocat général Jacques Louvier n’a pas cru à « la thèse de l’accident » et a qualifié l’accusé de « serial malfaisant » , représentant « un grand danger pour les femmes » . « Ce monsieur considère les femmes comme des choses » , a-t-il lancé, estimant que la prison était « un mal nécessaire » .
Si l’avocate de l’accusé, Me Chouini, a avancé l’idée qu’une longue incarcération ne serait pas adaptée à son client, les réquisitions de M. Louvier ont finalement été suivies par la cour, qui a condamné l’homme à 12 ans de prison ferme, assortis d’un suivi socio-judiciaire pendant 7 ans.