L’affaire avait débuté en janvier de cette année avec l’interpellation à l’aéroport de Faa’a d’un homme de retour des États-Unis qui dissimulait in corpore 11 grammes d’ice. Une enquête avait été immédiatement ouverte. Les investigations et écoutes téléphoniques avaient permis de déterminer que la personne arrêtée, et trois autres individus, s’apprêtaient à réceptionner un conteneur au port de Papeete.
Dans celui-ci : une remorque achetée 800 dollars en Californie, dans laquelle une cache avait été aménagée pour y dissimuler la drogue. Des faits que les principaux protagonistes ont reconnus sans détour.
Un garagiste patenté, personnage central du dossier, s’était fait payer son billet d’avion, et celui d’un autre comparse, par celui qu’il considère comme son “employeur”. Un vendeur de voitures d’occasion qui lui a également remis de “l’argent de poche” en espèces.
Le garagiste et son acolyte s’étaient ensuite envolés pour les États-Unis où ils avaient acheté la meth à un revendeur trouvé au hasard. Ils avaient été rejoints quelques jours plus tard par un troisième individu. Un homme de 69 ans, père de 4 enfants, au casier judiciaire vierge et qui ne “connaissait personne dans le milieu”.
Lui était chargé de la “logistique” et devait donc trouver la remorque, puis un transitaire pour la ramener par bateau au fenua. Tous espéraient se partager environ 140 millions de francs après avoir revendu la drogue sur le sol polynésien.
A la barre, le sexagénaire n’a pas cherché a nié qu’il s’était risqué au trafic par pur appât du gain afin d’éponger ses dettes liées à ses échecs professionnels.
“J’avais un bateau pour faire du charter. Il y a eu le Covid et l’activité s’est arrêtée. Ensuite, mon bateau a coulé à cause d’une voie d’eau. Il m’avait coûté plus de 20 millions. Tout ça s’est accumulé. (…) Le stress financier était là. Du coup, j’ai accepté. Je suis conscient aujourd’hui que c’était un très mauvais choix”, a-t-il dit au tribunal.
Puis d’ajouter : “Cette époque était tellement difficile que je n’étais plus moi. Je regrette beaucoup, mais je suis quand même content que le produit ne soit pas sorti de la douane et n’a pas causé de dommages aux gens”.
“La nouvelle génération…ils sont 1000 fois plus méchants”
Kikilove
Le vendeur de voitures, lui, est le seul des prévenus à avoir nié toute implication. “Je n’ai pas participé à l’opération. Je lui ai donné 6000 dollars pour qu’il achète des pièces et 4000 dollars d’argent de poche. Il devait me les rendre en espèces ou en heures de travail”, a-t-il juré.
Là où le bât blesse, c’est que cette version diffère de celles données aux enquêteurs. En audition, il avait en effet déclaré : “Je savais qu’il devait ramener de l’ice. Je lui avais prêté 600 000 francs et j’attendais 1,2 million”. “C’était sous le stress de l’audition”, a-t-il tenté pour s’expliquer, ce mardi, après que le président lui a rappelé ses déclarations.
Dernier protagoniste du dossier : Kikilove, l’ancien guide touristique condamné en 2018 à 8 ans de prison pour l’importation d’une trentaine de kilos de méthamphétamine. Mais lui apparait à la marge. Le comparse du garagiste, qu’il avait rencontré en prison, lui avait demandé de lui financer son séjour aux États-Unis.
Il avait prévu d’acheter de son côté 120 grammes d’ice et en remettre au moins la moitié à Kikilove à son retour. Mais il n’était parvenu qu’à incorporer 11 grammes, car “120 grammes, ça fait mal”. Ces mêmes 11 grammes qui ont permis de mettre au jour le trafic.
“J’ai prêté bêtement de l’argent. J’ai encore pris une mauvaise décision. J’assume”, a lâché l’ancien guide touristique, “ils ont voulu jouer aux grands avec les stup’, mais on ne joue pas avec ça”. De retour derrière les barreaux depuis 6 mois du fait de cette affaire, Kikilove s’est dit “déprimé”.
Notamment en raison de la violence du milieu carcéral actuel : “Je m’enferme dans ma cellule. Ce n’est plus comme avant. La nouvelle génération…ils sont 1000 fois plus méchants qu’en 2017. Ça s’est dégradé. La violence, ce n’est pas loin de Marseille. Il y a des gangs qui commencent à fleurir. Ils veulent copier l’Occident ou le Mexique”.
Un constat partagé par le procureur qui a déploré “de plus en plus de violence et de prise de pouvoir à Tatutu”, mais aussi la “corruption” des certains agents de l’administration pénitentiaires, choses qu’on “ne connaissait pas il y a quelques années”.
Après avoir délibéré, le tribunal a considéré que les 5 prévenus étaient tous coupables des faits qui leur étaient reprochés. Le garagiste a écopé de 6 ans de prison ferme et son acolyte de 3 ans.
Le sexagénaire a quant à lui été condamné à 4 ans ferme et le vendeur de voitures d’occasion, qui se disait innocent, à 3 ans. Pour ce qui est de Kikilove, il passera, lui aussi, encore 3 ans derrière les barreaux. Les 3 prévenus qui s’étaient présentés libres devant le tribunal, ont été incarcérés sur-le-champ.
Tous devront également s’acquitter d’une amende douanière solidaire de 139,8 millions de francs. Une très mauvaise affaire pour eux qui souhaitaient solder leurs dettes et prendre un nouveau départ.