Le trafic derrière les barreaux avait été mis au jour après la fouille, le 30 janvier 2023, de la cellule d’un détenu. Un homme condamné à18 ans de réclusion criminelle pour meurtre.
Lors de cette visite inopinée, 0,44 gramme de cocaïne a été découvert, mais aussi 0,4 gramme d’ice et 107 grammes de cannabis, dissimulés dans 11 boudins en plastique. Des cartes SIM ont également été saisies, de même qu’un téléphone portable.
Son analyse a permis aux enquêteurs de déterminer que de nombreux appels étaient passés par le prisonnier à deux surveillants du centre pénitentiaire. Un homme et une femme travaillant au sein de l’atelier de la prison où le détenu en question avait ses habitudes. Il y était d’ailleurs comme chez lui, au point de susciter des suspicions de la part de certains gardiens.
“Il y avait de la proximité entre ces trois-là et des rumeurs d’aventure” entre la surveillante et le prisonnier, a témoigné l’un de leurs collègues devant les enquêteurs. Des “rumeurs” qui se sont avérées fondées car la jeune femme entretenait bel et bien une liaison avec celui qu’elle était censée surveiller.
Après avoir longtemps menti au cours de sa garde à vue, elle a fini par reconnaitre cette relation. “Il m’apportait du réconfort (…) Je suis tombée amoureuse de lui”, a-t-elle avoué au juge d’instruction. Mais elle a assuré avoir été “manipulée”, voire “menacée” pour accepter de lui rendre ces services.
“Il me faisait du chantage affectif. Il menaçait de se tuer (…) Malgré moi, j’ai été amenée à faire des choses qu’il ne fallait pas”, a soufflé la surveillante qui dit avoir fermé les yeux sur le trafic de son collègue de peur qu’il révèle sa relation intime avec le prisonnier.
“Il avait une emprise sur moi. Je ne savais plus quoi faire (…) J’étais prise au piège”, a-t-elle ajouté tout en contestant avoir fait passer de la drogue en détention.
Le second surveillant, encore davantage impliqué selon l’accusation, a catégoriquement nié toute infraction pénale devant les gendarmes, comme au tribunal ce mardi. Et ce malgré les déclarations réitérées et accablantes des autres mis en cause.
“Qui a le pouvoir en détention ?”
Le procureur
“Pourquoi feraient-ils ça ?”, lui a demandé le président du tribunal. “Cela fait un an que je me pose la question. Je pensais que c’était pour se protéger entre eux (…) Je ne sais pas quoi vous dire”, a-t-il répondu, impassible, mais sans convaincre.
“Il ment. Il ne veut pas assumer”, a lancé depuis son box le détenu. Même son de cloche de la collègue surveillante : “Je dis la vérité, qu’il fasse de même”. La belle-mère du prisonnier, également prévenue au procès, a enfoncé le clou. Elle a expliqué que c’est à ce surveillant qu’elle avait remis un total d’une dizaine de colis.
Outre ces accusations, le procureur a évoqué les écoutes téléphoniques démontrant son “implication” car il “donnait les rendez-vous et les instructions”. Mais aussi le fait que l’intéressé avait un “mobile” : l’argent. Malgré son confortable salaire, il vivait en effet au-dessus de ses moyens. Ses beaux-parents ont même été contraints de contracter un prêt pour l’aider à boucler ses fins de mois.
Dans ses réquisitions, le procureur a une nouvelle fois déploré l’ampleur prise par le trafic d’ice qui s’est infiltré derrière les barreaux. Au point d’inverser les rôles. “Qui a le pouvoir en détention ? Est-ce que ce sont les surveillants ou les détenus ? Est-ce que les détenus bénéficient parfois de ce pouvoir ?”, a-t-il questionné.
Malgré ses dénégations, le désormais ex-surveillant a écopé de 3 ans de prison ferme et d’une interdiction à vie d’exercer toute fonction publique. Sa collègue a été condamnée à 3 ans, dont 18 mois avec sursis, mais aussi d’une interdiction définitive de travailler dans l’administration pénitentiaire. Verdict pour le détenu: 3 ans ferme supplémentaires et 2 ans avec sursis pour sa belle-mère.