Enfant épileptique soigné au cannabis : 3 mois avec sursis requis contre son père en appel

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L’avocat général de la cour d’appel de Papeete a requis, ce jeudi, 3 mois de prison avec sursis à l’encontre d’Ariimatatini Vairaaroa, ce père de famille qui soignait son fils lourdement handicapé avec de l’huile de cannabis. En première instance, le quadragénaire avait bénéficié d’une relaxe, mais le parquet général avait fait appel du jugement. D’où un nouveau procès.

Publié le 03/04/2025 à 13:46 - Mise à jour le 04/04/2025 à 9:14

L’avocat général de la cour d’appel de Papeete a requis, ce jeudi, 3 mois de prison avec sursis à l’encontre d’Ariimatatini Vairaaroa, ce père de famille qui soignait son fils lourdement handicapé avec de l’huile de cannabis. En première instance, le quadragénaire avait bénéficié d’une relaxe, mais le parquet général avait fait appel du jugement. D’où un nouveau procès.

C’est entouré des siens, dont son fils de 14 ans aujourd’hui, qu’Ariimatatini Vairaaroa s’est de nouveau présenté au palais de justice.

En mai 2022, 110 pieds de cannabis avaient été saisis par les gendarmes au domicile familial de Taravao. Du paka destiné principalement, selon le prévenu, à produire de l’huile pour soulager son enfant, même s’il en consommait régulièrement.

Depuis son plus jeune âge, le garçon est atteint d’un lourd autisme et d’épilepsie, au point de faire « jusqu’à 30 crises par jour », selon l’avocat du père, Me Thibaud Millet.

Lors de son procès en première instance, en juin dernier, l’homme de 48 ans avait été relaxé du chef d’usage illicite de stupéfiants, le tribunal estimant qu’il faisait face à « une situation irrépressible » en raison de l’état de santé de son fils. Le procureur, qui avait requis une dispense de peine, s’était même « incliné » devant la « souffrance » de la famille.

Mais ce jeudi, le ton était bien différent. Pour l’avocat général Jacques Louvier, le cannabis à usage thérapeutique n’est en effet « pas du tout le sujet ».

« Monsieur cultive peut-être pour faire de l’huile pour son fils, mais aussi pour consommer lui-même (…) On s’est servi d’un tribunal fort complaisant pour avoir une tribune politique », a tonné le magistrat qui a estimé que les motivations du jugement de première instance n’avaient « aucun sens ».

« On parle d’état de nécessité pour l’enfant, mais ce n’est pas le sujet. La consommation de monsieur, on la traite de la même façon, comme un état de nécessité. Mais est-ce qu’il fait face à un danger immédiat qui l’oblige à fumer du cannabis ? (…) Je comprends que quand on a un enfant handicapé, on est stressé, mais il y a d’autres moyens de déstresser : le sport ou d’autres plantes », a asséné le représentant du parquet général avant de requérir une peine de 3 mois de prison avec sursis contre le père.

À l’inverse, l’avocat d’Ariimatatini a considéré que la question du cannabis thérapeutique était bel et bien au cœur du dossier. « Je m’attendais à un peu de dignité du ministère public, mais il n’y en a aucune », a soufflé Me Millet, « le sujet important, c’est quand même cet enfant ».

L’avocat a expliqué que durant des années, le jeune garçon avait reçu des « traitements violents » pour soulager ses crises, mais sans effet. Jusqu’à ce que la famille se renseigne sur internet et découvre, qu’en Israël, l’usage d’un type de cannabis était utilisé pour soigner l’épilepsie : « Ça a fonctionné. Il a passé les seules semaines de ses 14 ans d’existence à ne plus faire de crise. Il a aussi réussi à remarcher. Mais les forces de l’ordre ont détruit les plants et l’huile et ont causé un arrêt du traitement ».

Une « rupture de soins » brutale qui a failli entrainer la mort de l’enfant, aux dires de l’avocat qui a dénoncé une « forme d’obscurantisme, de fanatisme » des autorités françaises sur le sujet.

« Vous auriez votre fille qui s’étouffe 30 fois par jour, monsieur l’avocat général, que feriez-vous ? Vous vous diriez : ‘tant pis, je brave l’interdit et peu importe les conséquences, car c’est mon enfant et je veux le soigner’ (…) C’est un combat d’une vie et c’est un combat d’une société », a encore martelé Me Millet.

L’avocat a enfin fait valoir que les plants saisis au domicile, comme l’huile, n’étaient pas du « cannabis stupéfiant » mais du CBD, en produisant « 3 certificats médicaux ». « La relaxe s’impose (…) On attend encore une décision forte de votre part », a-t-il conclu en demandant à la cour de faire preuve « d’humanité ».

Invité à prendre la parole en dernier, Ariimatatini Vairaaroa a simplement déclaré : « Mon fils est tout ce qui m’intéresse, le reste… ». La cour d’appel rendra sa décision le 15 mai.

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