Le tribunal correctionnel de Papeete a jugé, ce jeudi, un sexagénaire pour l’incendie de l’ancien hôtel Heitiare Inn de Faa’a, le 10 mars dernier. Le bâtiment, vétuste, avait été totalement réduit en cendres malgré l’intervention des pompiers. Au cœur d’une affaire de réseau de prostitution, il était sous scellés depuis 2018 et était, théoriquement, inoccupé.
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Sauf que les fumeurs de paka et quelques squatteurs y prenaient régulièrement leurs aises. C’est le cas du mis en cause, un homme de 61 originaire de Faa’a, et de l’un de ses amis qui, après l’effondrement de leur fare à Faa’a, avaient élu domicile dans l’ancien hôtel. Dans les dépositions, le prévenu explique avoir été incommodé par les odeurs émanant d’une cuve servant de toilettes et de poubelles, puis tenté de les faire disparaître en y mettant le feu. Mais les morceaux de palette et de bois s’embrasaient et les flammes atteignaient le bâtiment, déclenchant l’incendie. Il dit ensuite qu’il a couru vers la caserne de pompiers à un peu plus de 200 mètres pour les prévenir, mais qu’une crampe l’en a empêché.
Une version toutefois démentie par de nombreux témoins. D’abord, par le colocataire – dont les quelques affaires sont parties en fumée – , qui assure avoir vu le sexagénaire revenir sur les lieux vers 22h, plusieurs heures après les faits. Quand il lui demande s’il a mis le feu, celui-ci lui répond : « Rien à foutre, ce n’est pas chez nous » . Des mots que le mis en cause reconnaît avoir dits, à la barre.
Autre témoignage, celui d’un automobiliste, qui l’a vu sortir dans la rue devant le départ du feu en poussant un « cri de joie » . « Non, j’ai eu peur » , se défend-il. Une perte de sang froid difficile à croire quand on sait que l’homme a été pompier volontaire.
Enfin, à sa tante, le prévenu a dit qu’il avait volontairement brûlé le Heitiare Inn en jetant son mégot de cigarette à l’intérieur. Ce que l’expert incendie certifie, c’est que le départ de l’incendie a bien eu lieu à l’intérieur de l’hôtel, à l’endroit où l’homme s’était installé. Finalement, ce dernier reconnaît également avoir démarré l’incendie, en brûlant des cartons.
Filmé par des caméras de surveillance, il était parti se cacher près du quartier Colombel, et dormait dans une voiture. Il avait été reconnu et interpellé par un gendarme, un jour où il se promenait sur Faa’a.
Troubles cognitifs
Ses versions changeantes, la reconnaissance du caractère volontaire de son geste et son attitude étrange devant le président du tribunal – à qui il déclare être père de deux enfants, quand il en mentionnait quatre à l’expert psychiatre – traduisent des troubles cognitifs profonds. L’examen médical fait état d’un homme « naïf » , « immature » , dont l’âge mental est proche de celui d’un jeune enfant. Suffisant, selon l’expertise, pour altérer son discernement lors des faits.
S’il n’a pas l’air de tout à fait comprendre, les juges lui expliquent qu’il n’est pas considéré comme fou et que sa responsabilité pénale sera maintenue, bien qu’atténuée.
À la demande du procureur, les faits ont finalement été requalifiés en incendie volontaire, un délit puni de 10 ans d’emprisonnement. L’homme comparaissait pour destruction involontaire par incendie. Le tribunal l’a condamné à une peine de 15 mois de prison dont 8 mois avec sursis, et ordonné son maintien en détention.
L’affaire a été renvoyée sur intérêts civils au 15 septembre prochain. Une vingtaine des ayants droit de l’ancien hôtel, ainsi que le propriétaire de la voiture ayant brûlé sont concernés, et s’inquiètent de ne pas être indemnisés. Le bâtiment étant sous scellés lors de l’incendie, aucune expertise n’a pu y être menée pour estimer le montant des pertes. L’avocate de quatorze d’entre eux, Me Chouini, a directement pointé du doigt la responsabilité de l’État pour n’avoir pas protégé l’ancien hôtel.