Communiqués et droits de réponses se succèdent depuis deux semaines, en provenance du tribunal. Ils portent sur l’affaire Te reo o Tefana et son traitement par la Justice… mais en filigrane, on y devine les tensions et inimitiés qui secouent le tribunal et plus particulièrement le parquet.
Après les missions d’inspection de la chancellerie, le tribunal de Papeete pouvait espérer un apaisement de la crise entre magistrats du siège, du parquet et du parquet général, qui dure depuis deux ans et que le journal Le Monde a déjà relayée en janvier 2023 et en mai 2024. L’an dernier, le procureur de la République Hervé Leroy quittait son poste (mais pas le tribunal) et une procureure expérimentée, Solène Belaouar, était nommée. Parmi ses objectifs : ramener le calme qui convient à l’exercice d’une Justice sereine.
Selon le procès-verbal de l’assemblée générale des magistrats du parquet, auquel TNTV a pu avoir accès, les tensions restent vives. Ce document de 17 pages résume cette réunion de deux heures, tenue le 25 septembre. Elle rassemble la procureure, cinq vice-procureurs et un substitut du procureur, ainsi que deux agents qui ne sont pas magistrats.
Une AG aux allures de procès
Pendant une grande partie de la réunion, l’un des vice-procureurs, Yann Hausner, en poste depuis vingt ans et délégué régional du syndicat Unité Magistrats, dresse un réquisitoire contre Mme Belaouar. Il lui reproche des écrits sur la souffrance de son équipe, dont certains repris par le journal Le Monde, ainsi que des accusations de harcèlement à l’égard du parquet général ; mais aussi d’exercer son autorité « de façon exacerbée » et « autoritaire », l’absence de dialogue social, et un management « partisan ». Il regrette aussi le manque de lisibilité de la politique pénale, en s’appuyant sur le dossier du cannabis thérapeutique.
En réponse, Mme Belaouar rappelle « l’historique lourd » qui l’a précédée. Elle affirme vouloir « favoriser le collectif et l’esprit d’équipe ». Et ne souhaite pas répondre de manière détaillée, car elle attend le rapport de l’Inspection Générale de la Justice, attendu en fin d’année. Elle précise qu’elle se conformera aux préconisations de ce rapport.
Elle défend toutefois son management, en affirmant que son rôle « consiste à définir la politique pénale, donner des instructions et s’assurer de l’application de ces instructions, et les rappeler à ceux qui ne les respecteraient pas ou les auraient perdus de vue ».
Une motion de défiance recueille 4 voix sur 8
La lecture du document met en évidence l’existence de deux clans parmi les magistrats du parquet. Certains attaquent Mme Belaouar, d’autres la défendent. À la fin de l’Assemblée Générale, un vice-procureur propose une motion, qualifiée de « motion de défiance » par une autre magistrate opposée à la procureure.
Cette motion recueille quatre votes ‘pour’ et quatre votes ‘contre’ et la motion n’est donc pas adoptée. Un magistrat à l’origine de la motion conteste la procuration de M. Danielsson, un magistrat en arrêt. Une autre s’interroge sur le droit de la procureure à prendre part au vote, s’agissant d’une motion de défiance contre elle. Les votes sont cependant pris en compte et la motion rejetée.
L’énième rapport d’inspection proposera des pistes d’amélioration. Mais il ne suffira probablement pas à soulager les fortes tensions qui déstabilisent le parquet, ni celles qui l’opposent au parquet général. À moins de demander, et d’obtenir, le départ de plusieurs magistrats.