Début août, le ministre de l’Éducation Ronny Teriipaia avait été mis en examen pour provocation à la discrimination. Lundi, c’était au tour de l’élu Tavini Mitema Tapati.
L’année dernière, au mois d’octobre, Mitema Tapati, en reo, avait déclaré lors d’une séance à l’assemblée, que le Pays avait « considérablement blanchi ». Le ministre de l’Éducation Ronny Teriipaia avait alors réagi en français à la polémique naissante, jugeant pour sa part qu’il ne s’agissait « pas de racisme » mais de la « réalité » . « En France, on dit bien qu’il y a l’invasion de toutes les communautés arabes. C’est exactement pareil » , avait-il ajouté.
« Selon les informations que nous a données le magistrat instructeur, il y aurait trois traductions, explique l’avocat de Mitema Tapati, Me Cross. La traduction de l’Assemblée de Polynésie, la traduction qui avait été faite par la brigade de gendarmerie qui avait saisi l’enregistrement des propos qui avaient été tenus par M. Mitema Tapati à l’Assemblée de Polynésie, et une traduction demandée par le magistrat instructeur, traduction faite par deux interprètes. Voilà. Donc, on a trois traductions. Et ce que je sais, c’est que lorsque la procureure de la République a donc adressé ce dossier au magistrat instructeur, la procureure de la République s’est appuyée sur la traduction du Tapura huiraatira, parce que c’est le Tapura Huiraatira pour la personne de son président, M. Edouard Fritch, qui a porté cette affaire, qui a porté plainte entre les mains du procureur de la République ».
Pour l’avocat, les propos de Mitema Tapati ne ciblaient pas une communauté, mais plutôt une manière de concevoir les choses.
« Il y en a une qui s’est sentie visée dans cette affaire-là, ça a été Mme Tepuarauri Teriitai qui est la représentante du Tapura qui était là, qui s’est sentie visée par ça, alors qu’en disant « parce que j’ai la peau blanche, donc est-ce que je dois être exclu, est-ce que je dois quitter ce pays ? » Ça n’a jamais été les propos de M. Mitema Tapati, il a simplement fait état de sa vision des choses, mais jamais à l’encontre d’une communauté », assure Me Cross.
Pour la défense de son client, il cite Aimé Césaire « qui était quand même député à l’Assemblée nationale des maires de Fort-de-France, qui a eu l’occasion de mettre en évidence ce qu’il a appelé le génocide par substitution, et où, lors d’une tribune publique, il s’est permis d’aller, je dirais, très très loin, et j’ai le texte là, mais je vais simplement vous dire le texte qui est le plus important, et si vous deviez faire une comparaison entre les propos qui ont été tenus par M. Mitema Tapati à l’Assemblée de Polynésie et les propos qui ont été tenus par M. Aimé Césaire, qui aujourd’hui est au Panthéon, c’est-à-dire les grands hommes que la France reconnaît et tout, voilà ce qu’il dit : « Eh oui, Martiniquaises et Martiniquais, le processus s’est commencé, regardez vos plages, regardez vos rues, regardez vos administrations, regardez les banques, les magasins, les administrations, les grandes surfaces, la préfecture, parfois c’est en vain que vous chercherez une tache de couleur, une tache sombre dans le paysage, tout est blanc. » Voilà ce qu’il dit. Et il termine : » il ne s’agit pas de racisme, il s’agit de l’équilibre d’une société menacée dans son être, menacée dans sa vitalité, et dans son identité et dans sa survie ». Je veux dire, c’est des propos qui sont extrêmement durs, M. Aimé Césaire je crois n’a pas fait l’objet de poursuites pénales de la part du procureur de la République pour les propos qu’il a tenus, et c’est là où moi je trouve un petit peu surprenant que pour les propos qui ont été tenus par M. Mitema, on estime que là, il y a eu une provocation, une incitation à la haine et à la discrimination raciale ».